Cameroun-Critique : Le «coup de poing » d’Achille Mbembe à Patrice Nganang.

ACHILLE MBEMBE

Le caractère « irrévérencieux » de l’écrivain depuis sa libération et son extradition vers les USA a régulièrement divisé l’opinion.

Parmi les langues qui se délient pour fustiger l’activiste figure malheureusement le célèbre historien Achille Mbembe. Il vient une fois de plus de publier une diatribe contre l’écrivain.

237actu.com vous livre ci-dessous l’intégralité de cette critique

 « Un sujet delirant, voire hallucinant, ou peut-etre les deux à la fois » « Dans ses propos se mêlent sadisme, masochisme, pulsions tribalistes et pulsions de destruction, sexualité perverse, obsession des testicules »

En vérité

J’aurais voulu, cette fois-ci, non pas m’abstenir, mais me tenir à l’écart, et pour toutes sortes de raisons que j’aurais voulu ne point répéter ici, par respect pour tous. Mais puisque, de toutes parts, on me somme de prendre position ou de m’expliquer, je vais le faire, et en vérité. Nganang Patrice ? Voici en effet un personnage que je n’ai jamais rencontre de ma vie, mais qui, par la force des circonstances, m’a forcé à ne nourrir à son égard qu’aversion et dédain, indifférence et mépris. C’est qu’à deux reprises, l’une des petites universités d’Etat de New York dans laquelle il exerce m’a demandé de rendre un jugement sur son œuvre. Dans le système universitaire américain, ce genre d’exercice à savoir le jugement par ses pairs – est une coutume à laquelle les autorités ont généralement recours, notamment dans des affaires de promotion interne ou d’allocations de bourses de recherche.

La première fois, je me suis acquitté de bonne grâce de cette tâche. J’avais alors émis un jugement favorable, sur la base d’un texte, Temps de chien, qui malgré ses tâtonnements et approximations, laissait croire à l’époque que l’impétrant avait en lui les ressources d’une honorable carrière dans l’écriture. Encore eut-il fallu faire preuve de constance, de travail sur soi et de dépassement. Pour que les choses soient claires, je dois ajouter que ce genre de sollicitations, j’en reçois très régulièrement.

La deuxième fois – il y a deux ou trois ans – la petite université d’Etat de Stonybrook m’a adressé la même demande. Il fallait, une fois de plus, prononcer un jugement sur l’œuvre de Nganang Patrice. Cette fois-ci, je me suis abstenu non par malice, mais pour de profondes raisons éthiques que j’avais, jusqu’à présent, tenu à garder pour moi. En effet, entre la première évaluation et cette nouvelle sollicitation, je n’avais véritablement pas suivi le travail académique de l’intéressé. J’étais en plein projet d’écriture, et me replonger entièrement dans tous ses écrits aurait consommé beaucoup de mon temps alors que je n’en avais guère. Par ailleurs, il n’était pas question de prononcer un jugement de complaisance qui eut porté atteinte à mon intégrité et à ma réputation. Je décidai par conséquent de ne point répondre affirmativement à la demande de Stonybrook. Ce n’était pas l’unique raison.

Il se trouve qu’au cours de la période séparant la première évaluation de la deuxième, la plupart de ce qu’il m’avait été donner de lire de Nganang Patrice – et dont il était manifestement l’auteur – consistait en diatribes dans les journaux et les médias sociaux. Le sujet délirant Dans la plupart de ces interventions sans aucun lien avec ses fonctions académiques ou d’écrivain, il s’agissait de propos de caniveaux, tout à fait incohérents, symptomatiques non pas d’une écriture fit-elle surréaliste, mais d’une vie manifestement blessée.

Blessure contre névrose, diraient les neuro-psychanalystes. En effet, l’on n’avait affaire ni à un écrivain, ni a de la littérature. L’on avait affaire à un sujet délirant, voire hallucinant, ou peut-être les deux à la fois, dont chaque mot et chaque phrase témoignaient d’un profond traumatisme en même temps que d’une extraordinaire propension mimétique à faire souffrir. Dans ces propos où se mêlaient sadisme, masochisme, pulsions tribalistes et pulsions de destruction, sexualité perverse, obsession des testicules et autres combats contre toutes sortes de moulins à vent, étaient charriées toutes sortes de choses plus propres à l’observation clinique qu’a la critique proprement académique.

Je veux bien que, pour des raisons tenant a la compensation narcissique, nous nous comparions (ou que l’on nous compare) a Mongo Beti, Victor Hugo ou Voltaire. Ayant tout de même lu les uns et les autres, Sony Labou Tansi et le Marquis de Sade y compris, je puis assurer qu’il n’y a, chez aucun d’entre eux, autant de ressentiment, de dérivation et déplacement des figures de la haine, du sadisme et de la perversité.

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