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Cameroun:Justice: comment le collectif Sylvain Souop a capitulé devant les injustices judiciaires

Au cours d’une conférence de presse tenue le 9 septembre 2021 à Yaoundé, le collectif d’avocats Sylvain Souop, a annoncé sa décision d’abandonner la défense de nombreux militants du parti de Maurice Kamto, écroués en prison depuis près d’un an. Les avocats dénoncent l’impossibilité pour leurs clients d’avoir accès à une justice équitable rendue par un tribunal impartial et indépendant.

Arrêtés lors des marches pacifiques organisées par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) le 22 septembre 2020, plus d’une centaine des militants de cette formation politique croupissent encore dans plusieurs prisons du pays. Les militants étaient descendus dans les rues de plusieurs villes du Cameroun pour demander au gouvernement la révision du code électoral pour un scrutin transparent

Ils demandaient également aux pouvoirs publics de trouver des solutions adéquates en vue de mettre un terme à la crise qui secoue les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Ils avaient rencontré sur leur chemin les forces de maintien de l’ordre qui avaient procédé à de nombreuses arrestations.

Un collectif d’une soixantaine d’avocats s’était alors constitué pour la défense des intérêts de ces prisonniers accusés, entre autres, d’attroupement sur la voie publique, insurrection contre la patrie, rébellion en groupe.

Le jeudi 9 septembre 2021, le collectif Sylvain Souop du nom de leur porte-parole de regrettée mémoire, a renoncé à défendre les concernés. Il évoque, d’une part, l’impossible d’accès à une justice équitable rendue par un tribunal impartial et indépendant, et d’autre part, l’absence d’indépendance et d’équité des juges civils, administratifs et militaires en charge des dites affaires.

Ils s’indignent du fait que ces juges ne respectent pas leur serment de magistrat, notamment le refus systématique et manifeste d’appliquer la loi. Toute chose qui est contraire, d’après les avocats, à la déontologie judiciaire et aux principes d’une justice conforme aux Droits de l’Homme.

«Ne pouvant continuer à fournir les prestations professionnelles dans ces conditions qui vont à l’encontre de notre serment d’avocat, le collectif déclare ne pouvoir s’associer à l’arbitraire et l’illégalité, et prend ‘là lourde et délicate décision de son retrait des procédures en cours », peut-ton lire dans le communiqué rendu public le 9 septembre 2021.

Le collectif, prie le MRC, ses alliés, ses membres et sympathisants, ainsi que l’opinion publique nationale et internationale de le comprendre.

Casernes militaires

Avant de rendre publique cette décision, le collectif d’avocats a remis au président du MRC un rapport de ses activités d’assistance en faveur des membres et sympathisants du MRC victimes d’arrestation et de détention jugées arbitraires liées à la marche pacifique du 22 septembre 2020. Me Hippolyte Meli, le porte-parole du collectif, a fait un bilan d’actions menées dans les juridictions par les membres du collectif depuis le 3 septembre 2020.

Il s’agit des démarches et procédures administratives et judiciaires, les actes professionnels accomplis, les décisions de justice et ou administratives intervenues, ainsi que les recours et leurs résultats. Dans son rapport, le collectif a également relevé les incidents qui ont émaillé les activités professionnelles sur le terrain. 11 a évoqué la pratique du harcèlement et l’atteinte à la déontologie judiciaire.

Il s’agit entre autres des«atteintes au choix des moyens de défense de leurs clients, des atteintes à leur indépendance pendant leur mission depuis 2019. Les avocats ont également décrié de multiples humiliations dont ils ont été victimes de la part des éléments de forces de l’ordre et de certains magistrats.

Le collectif d’avocat Sylvain Souop a en outre répertorié les différentes pratiques interdites qui ont été observées au cours de leur travail. Des pratiques qui constituent, selon les avocats, des cas de violation des principes de justice conforme aux Droits de l’Homme et à la déontologie judicaire.

Il s’agit de la pratique généralisée de l’auto incrimination au cours des enquêtes ; la confiscation des biens et des effets mobiliers au cours des arrestations et des enquêtes ; la présence des éléments armés au cours des enquêtes et des audiences ; le recours aux techniques humiliantes, à l’intimidation, à la torture psychologique, morale et physique au cours des enquêtes ; le refus de mise à la disposition des avocats des registres contenant les noms des manifestants gardés à vue ; les auditions faites en dehors des conseils constitués ; le refus de présenter les requérants aux audiences d’Habeas corpus bien que dûment convoqués; les persécutions ciblées; la fouille systématique des avocats lors des visites professionnelles et les interdictions d’échanges confidentiels entre les avocats et leurs clients.

Rejet total

Les avocats ont aussi parlé des procédures engagées en vue de la libération des personnes victimes de détention arbitraire. Notamment la demande en référé en vue de la cessation de l’assignation à résidence de facto, subie dès le 21 septembre 2020, par le Pr Maurice Kamto, président du MRC.

Les demandes de mise en liberté d’office, sous caution ou sous garant, présentés devant les officiers de police judicaire, les juridictions civiles, et militaires qui demeurent jusqu’à ce jour sans réponse pour les uns et ont été rejetés pour d’autres.

Au total, les 279 procédures d’habeas corpus engagées dans les villes de Yaoundé, Douala et Nkongsamba en vue d’obtenir la liberté des victimes d’arrestation et de détentions initiés à partir du 14 octobre 2020 en instance comme en appel, en vue de faire constater le caractère illicite, illégale voire arbitraire des arrestations massives, intervenues sans mandat, ont été rejetées par les juges civils.

Par ailleurs, les avocats ont indiqué que les tribunaux militaires ne doivent pas juger des personnes civiles étant donné qu’ils ont été créés pour connaître des infractions militaires commises par le personnel militaire dans le respect les normes du- procès équitable. Or, ces arguments n’ont été respectés par aucun magistrat du Tribunal militaire chargé de juger lés prisonniers du MRC.

Le collectif a observé aussi que depuis les enquêtes préliminaires menées par la Commission mixte gouvernementale, les prisonniers actuels des manifestations pacifiques du 22 Septembre 2020, ont été entendus en présence des éléments des forces de l’ordre.

Les avocats indiquent également que leurs clients ont été torturés et soumis à des gardes à vue illégalement prolongées, de sorte que leur déferrement devant le tribunal militaire a été un soulagement pour eux.

Le collectif ajoute que les cabinets d’information judiciaire militaire en charge des procédures, se trouvent dans les casernes militaires. Ils constatent que les procédures pendantes devant les juridictions répressives de droit commun ne sont pas conduites de manière indépendante et impartiale de même que celles instruites devant les juridictions répressives militaires, saisies parallèlement sans raison objective.

Tactique de la rupture

Les avocats concluent dans leur rapport qu’une justice conforme aux principes des Droits de l’Homme n’a pas été rendue tout au long des différentes procédures engagées. Le communiqué gouvernemental du 25 septembre 2020 semble avoir dicté, selon eux, la doctrine administrative, policière et judiciaire à suivre.

«Au regard des résultats que nous présentons, l’analyse nous fait quitter le terrain des recommandations, car elles sont inutiles et ne peuvent pas modifier les choses», lit-on dans le document bilan du collectif.

Pour sa part, le président du MRC, qui a pris acte de la décision des hommes en robes noires de se retirer des différentes procédures, a remercié le collectif pour son abnégation, sa disponibilité et sa compétence dans la défense des membres de son parti politique qui sont devenus, selon lui, des otages du régime en place.

Il a indiqué que le retrait des avocats est un moment particulier d’une gravité dont il espère que chacun mesure la profondeur dans l’histoire judiciaire de notre pays. Pour lui, le fait qu’un collectif d’environ 60 avocats décide de se retirer des procédures dans lesquelles il était engagé pour défendre des citoyens en crise avec la justice est un acte suffisamment grave et de lourd sens.

«Nous adoptons la tactique de la rupture. Le droit n’est pas écouté et nous constatons que la défense ne sert à rien. Nous n’allons pas recruter d’autres avocats, ça sera comme si nous étions en désaccord avec le collectif.

Nos militants détenus sont au courant du retrait des avocats des procédures et ont délibérément approuvé cette décision. Si l’objectif du gouvernement est de condamner les militants du MRC, qu’il le fasse sans chercher la caution du MRC», a conclu le Pr Maurice Kamto. Rappelons que sur les 500 militants et cadres du MRC arrêtés, 124 sont toujours en détention.

 

 

Kalara