Cameroun : Les dérives du tribalisme d’État au Cameroun, par Laziz Nchare

Laziz Nchare,professeur des universités (USA)

La minorité Bulu est au pouvoir et le gère avec des alliés d’autres ethnies de notre pays. Il y a quelque chose de fondamentalement hypocrite chez la majorité des Beti qui protestent contre la charge selon laquelle ils suivent aveuglément le président Paul Biya même dans ses pires decisions par pur réflexe tribal.

Après 36 ans de suivisme, ils deviennent malgré eux des victimes collatérales de la mauvaise gouvernance de Biya et ses complices. C’est encore eux qui vont en prison en majorité. Ce qui est logique tout simplement parce que la majorité des responsabilités dans l’administration ont été confiées aux frères Beti par le président dans un souci de confiscation du pouvoir au sein de l’ethnie qu’il croit lui être acquis à vie.

On a bien pu remarquer dans l’opinion Beti une certaine désinvolture laxiste dans la crise anglophone où presqu’a l’unanimité ils encourageaient le BIR de punir les séparatistes anglophones.

On assiste encore à une attaque féroce presque pavlovienne toujours des Beti contre le Pr. Kamto, taxant le MRC de parti tribal, du village, de Baham quand ils ne le caricaturent pas simplement de “tontine tribale Bamileke”.

Ce qui est d’ailleurs très faux, puisque nous avons vu le MRC se déployer à l’extrême Nord, à l’Est et partout au pays sans chercher nécessairement à faire du leader du MRC le député ou le maire de Baham.

En 2013, nous avons vu Fame Ndongo accuser L’UDC du Dr Adamou Ndam Njoya d’etre un parti tribaliste, tout simplement parce que la majorité des Bamum y adhèrent.

Or à Kyossi, à l’Est, Douala, dans l’Extreme Nord du Pays et dans le Centre, ce parti y est représenté tout de même. Les caciques du RDPC ont taxé le SDF par le passé du parti Anglo/Bami, même comme le SDF a failli détrôner Biya en 1992. Reconnaissons néanmoins que ce climat de méfiance tribale a favorisé un climat de repli identitaire incontestable.

Sincèrement, je ne vois pas ce qui me forcerais à avoir confiance à un compatriote qui fait plus confiance à son groupe ethnique qu’aux idéaux de justice sociale et d’égalité de chances pour tous. De la maternelle en doctorat paradoxalement, j’ai rarement noué des relations amicales avec mes frères Bamum.

De 1998 à 2006, je ne peux pas citer sincèrement un rapport de camaraderie avec un seul Bamum à l’Universite de Yaoundé! Je veux dire par là que je peux naturellement nouer des relations d’amitié et de fraternité avec un frère Bamum non pas par réflexe tribal mais à travers les valeurs de compétence et de mérite, mais je ne peux pas recommander un Bamum en lieu d’un autre Camerounais plus méritant lorsqu’il s’agit de recruter une expertise spéciale.

Le tribalisme est un favoritisme qui n’aide point la compétitivité d’une nation. Je sais dans mon cœur que beaucoup de Camerounais qui me lisent ne vont pas juger mes performances sous le prisme tribal mais essentiellement dans le fond et la forme des idées que je développe. C’est fort de cette expérience que je ne céderais jamais au chantage tribal.

Je suis Bamum par accident de la nature. Personne n’a choisi être Bamum ou Blanc, il devient absurde de condamner ou d’apprécier un Camerounais à travers des stéréotypes tribalistes irresponsables et sans fondements. Aimer sa tribu n’est pas un crime, mais privilégier uniquement les siens même lorsqu’ils sont médiocres c’est inexcusable.

Nos frères Beti devraient donc commencer à dénoncer les dérives dictatoriales du régime Biya s’ils tiennent à ne pas être complices de ses crimes collectivement. De même nous devons condamner les propos tribalistes dans nos rangs pour sauver la paix dans un pays ligué contre lui-même à cause de sa diversité linguistique.

 

Laziz Nchare

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