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Cameroun : Les travailleurs de la CDC désertent les plantations par crainte des représailles des « Amba Boys »

Première employeur privé du Cameroun, la Cameroon Development Corporation (CDC) fait face à une crise sans précédent, liée aux attaques répétées des milices sécessionnistes qui opèrent dans les régions anglophones.

La direction de l’entreprise redoute de devoir cesser toutes ses activités si la situation ne s’améliore pas. Pas âme qui vive. Une succession de champs de bananes laissés à l’abandon, offrants leurs fruits aux seuls oiseaux. Le spectacle de désolation semble sans fin. Ici, sur les quelques 80 kilomètres de l’axe Douala-Limbe, s’étendent les 3 000 hectares de plantations de la Cameroon Development Corporation (CDC), la plus grande entreprise agro-industrielle du Cameroun, deuxième employeur du pays après l’État. « Il n’y a plus personne dans les champs. Ils ont tous fuit à cause des “amba” », commente Paul Tessang, un des chauffeurs qui travaillent sur la ligne.

Les travailleurs de la CDC ont déserté les plantations par crainte des représailles des milices séparatistes – les “amba”, qui combattent au nom de l’indépendance de l’Ambazonie – qui ont imposés des opérations « villes mortes » dans les deux régions anglophones.

Attaques et mutilations

Le 2 janvier dernier, une douzaine d’employés de la compagnie ont été attaqués au camp de Sonne Likomba Estate de Tiko, l’un des champs de thé encore en activité. Oliver*, l’un des rescapés de l’attaque, s’est réfugié dans la ville voisine de Mutengene. Il a accepté de témoigner sous couvert d’anonymat.

"LES ASSAILLANTS ONT COUPÉ LES DOIGTS DE QUATRE EMPLOYÉS. TROIS AUTRES ONT ÉTÉ GRIÈVEMENT BLESSÉS. ET LE CAMP A ÉTÉ INCENDIÉ"

«Nous étions restés au camp pour travailler tôt dans la matinée avant de retrouver nos familles. Ils sont arrivés aux environs de 23 h, tous armés. Ils ont encerclé le camp et nous contraint à nous regrouper », raconte-t-il, les yeux rougit par des larmes qu’il peine à dissimuler. « Ils ont dit qu’ils n’allaient pas nous tuer, mais qu’ils allaient nous empêcher de revenir dans les champs. » Les assaillants ont coupé les doigts de quatre employés. Trois autres ont été grièvement blessés. Et le camp a été incendié. « Je n’ai plus jamais remis mes pieds là-bas, ni moi, ni mes collègues », confie Oliver. « Ma femme et moi travaillions pour la CDC.

Aujourd’hui, je suis en arrêt d’activités à cause de mes blessures. Ma femme vend des vivres et c’est de cela que nous vivons. Nous sommes à six mois d’arriérés de salaire », s’inquiète Oliver. La CDC réclame la protection des forces de sécurité

De fait, face à la situation sécuritaire, la CDC a été contrainte de réduire ses activités. En novembre dernier, l’entreprise révélait que seuls quatre champs de caoutchouc sur onze fonctionnaient à environ 50% de leurs capacités, et que deux domaines de palmier à huile sur sept restaient en activité. Quant-au secteur de la banane, le plus sérieusement touché, les activités étaient complètement à l’arrêt depuis fin août. Conséquence directe : la CDC n’a fait aucune exportation de banane en fin 2018, provoquant une baisse de près de 15 000 tonnes de banane sur les exportations du pays, selon les chiffres de l’Association bananière du Cameroun (Assobacam).

"NOUS AVONS BESOIN DE SÉCURITÉ POUR PROTÉGER NOS EMPLOYÉS ET NOS CHAMPS"

Au siège de l’entreprise, à Bota-Limbe, les responsables de l’entreprise ont fait face à la presse, le 18 janvier, pour alerter sur la situation. « Nous avons besoin de sécurité pour protéger nos employés et nos champs des attaques répétées des gens qui ne veulent pas nous voir réussir. Des personnes indésirables ont envahi nos plantations et récoltent ce qu’ils n’ont pas semé. Nous avons besoin d’une intervention urgente du gouvernement », a lancé Franklin Ngoni Njie, directeur général de le CDC.

« Notre plus grande contrainte c’est la sécurité. Comment pouvons-nous assurer la sécurité de quelqu’un qui travaille dans un de nos champs de banane ou d’hévéa, qui sont désormais la cible des assaillants ? », s’inquiète Franklin Ngoni Njie.

Malgré le contexte, le directeur général de la CDC se veut optimiste.« Dès l’instant où les problèmes de sécurité seront résolus, nous pouvons relancer les activités de l’entreprise et la remettre sur les rails », affirme-t-il.

Pour ce faire, Franklin Ngoni Njie sollicite une assistance de 29 milliards de francs Cfa. « 7 milliards sont nécessaires dans le secteur de l’hévéa, 14 milliards pour les bananeraies, 7 milliards pour les palmeraies. Le reste devrait servir à financer les arriérés de salaires », détaille-t-il.

En novembre déjà, le ministre de l’Agriculture et du développement rural a signé deux accords visant la relance de la CDC, pour un montant de 80 millions de FCFA.

La relance devait consister au rajeunissement des plantations, à la fourniture des engrais, à l’acquisition des équipements, à la formation du personnel, à la rentabilisation des exploitations et à l’accroissement de la production. Mais, deux mois après le début de l’implémentation de ce plan, les 600 hectares nouvellement replantés dans le Sud-Ouest ont été entièrement détruits.

 

Jeune Afrique