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Cameroun :Maître Alice Nkom : « Le Cameroun sera obligé de légaliser l’homosexualité »

Entretien avec l’avocate Me Alice Nkom, présidente de l’association pour la défense des droits des homosexuels au Cameroun. Elle fait partie du duo d’avocats en charge de la défense de deux jeunes hommes arrêtés et incarcérés fin juillet à Youndé pour leur homosexualité supposée.  

Note : cet article a été publié par Jeune Afrique 25 août 2011

Présidente de l’association pour la défense des droits des homosexuels (ADEFHO) au Cameroun, Alice Nkom fait partie du duo d’avocats qui défend les deux jeunes hommes, âgés de 19 et 22 ans arrêtés à Yaoundé dans la nuit du 25 au 26 juillet pour leur apparence efféminée. Déférés au parquet le 1er août, leurs avocats ont réclamé leur liberté provisoire en attendant le procès prévu le 27 septembre, mais la demande a été rejetée le 23 août par le tribunal de première instance. L’avocate au barreau du Cameroun revient sur cette audience et parle de l’homosexualité dans le pays.

Que pensez-vous de la décision du juge ?

Cette décision ne se justifie pas du tout, parce que la mise en liberté provisoire est la règle, la détention, l’exception. On constate une méconnaissance totale des règles de droit pénal. Il n’y a ni plaignant, ni préjudice, ni témoins, ni partie civile. Ce rejet s’apparente à de la méchanceté pure. Ce sont quand même des jeunes qui ont chacun une activité rémunérée et ont des domiciles connus. La prison n’est pas le meilleur endroit pour la jeunesse. Je suis indignée parce que cette situation est inacceptable.

Etes-vous optimiste quant à l’issue de ce procès ?

J’espère que le tribunal va un jour dire le droit. Normalement on aurait jamais dû les arrêter et les mettre en garde à vue parce qu’on ne les a pas pris en flagrant délit. Le fait qu’ils étaient maquillés et tressés ne signifie pas qu’ils ont commis l’acte d’homosexualité. La procédure est annulable. Ces deux jeunes sont détenus arbitrairement, comme la plupart d’ailleurs. Je pense qu’un jour cela va prendre fin.

Y a-t-il eu d’autres arrestations ?

L’année dernière, deux hommes ont été arrêtés et condamnés à des peines d’emprisonnement simplement parce qu’ils ont été surpris avec des préservatifs et des lubrifiants où il y avait marqué gay. Un étudiant, dont je suis également le dossier, a été écroué en avril dernier parce qu’il a envoyé un message à un de ses amis pour lui faire une déclaration d’amour.

Les homosexuels sont-ils mieux traités aujourd’hui qu’avant ?

Les homosexuels vivaient beaucoup mieux avant que maintenant. Il y a 10 ans on arrêtait moins les gens pour leur homosexualité. C’est le résultat de la conjonction de deux situations : l’église catholique dans son homélie en 2005 accusait les homosexuels d’être à l’origine de la dépravation des mœurs et du chômage des jeunes. Par la suite, presque tous les journaux à cette époque ont repris ce message. Certains sont allés plus loin en publiant (en 2006) une liste des homosexuels avec leurs noms et leurs fonctions. Cela a créé des drames dans les familles. Des enfants ont subi la méchanceté de leurs camarades de classe à l’école, c’était terrible. Heureusement que le président de la république était intervenu pour arrêter tout cela et rappeler aux uns et aux autres que la sexualité relève de la vie privée.

Dans un pays où les choses se font normalement, on aurait pu s’attendre, après l’intervention du chef de l’État, à une circulaire à l’adresse des procureurs de la république, des officiers de police judicaire, les acteurs de cette répression sauvage, leur sommant d’arrêter. Mais rien n’a été fait, les homosexuels sont toujours traités comme des personnes abominables qu’il faut mettre hors d’état de nuire.

Pensez-vous que cette pratique pourra être légalisée ?

Le Cameroun ne peut pas vouloir occuper une place de choix au sein de la communauté internationale et ne pas respecter toutes les conventions qui consacrent les droits de l’homme. Le pays a adopté la déclaration universelle des droits de l’homme comme préambule de sa constitution. Il y est prévu à l’article 45 que les conventions et traités internationaux signés et ratifiés sont au-dessus de la loi. Le Cameroun est membre de l’ONU mais ne respecte pas les valeurs prônées par cette organisation notamment le respect des droits de l’homme.

Une résolution a été votée à l’ONU au mois de juin. Celle-ci considère désormais les droits des minorités comme partie intégrante des droits de l’homme. Certes le Cameroun avait voté contre mais la majorité a voté pour et la résolution a été adopté. Il sera bien obligé de se soumettre un jour et de légaliser l’homosexualité. On ne peut pas nager à contre-courant.