Jean Michel Nintcheu, député à l’Assemblé nationale
«Les camerounais attendent de Mr Biya un acte qu’il n’a pas eu le courage de décliner à savoir sa démission»
On a assisté à un remake des propos déjà tenus lors des précédents vœux. Autoglorification, déconnexion de la réalité du terrain, formules creuses. A la différence que ce dernier exercice, en plus d’être un festival de généralités, a été particulièrement anesthésiant et d’une platitude jamais égalée. Aucune vision sur le plan économique. Ce qui n’est pas du tout surprenant après 35 ans d’échec durant lesquels il a réussi l’exploit de faire rentrer deux fois de suite le Cameroun dans les serres des programmes d’ajustement structurel imposés par le Fmi du fait de la mauvaise gouvernance entretenue et érigée en méthode de perpétuation de son pouvoir. Aucune détermination à combattre les détournements de deniers publics et la corruption dont il est de loin le principal et premier bénéficiaire. Le récent scandale enregistré au tour du concours de l’Enam n’est que la partie visible de l’iceberg de son système. On comprend dès lors la raison pour laquelle il ne pouvait pas en faire cas. Aucune ambition sur le devenir de notre Nation qui est entrain de chavirer. Trop de contradictions notamment sur la crise anglophone où il parle de dialogue et encourage en même temps la répression en des termes à peine voilés. Il est désormais établi que cette crise ne connaîtra jamais une désescalade tant que Mr Biya est au pouvoir.
Sur le plan politique, Mr Biya continue à entretenir le flou. Aucun échéancier précis pour les élections prévues, si l’on se réfère à la durée officielle des différents mandats. Des mots vagues sur le processus de décentralisation -qui est en marche dans son seul imaginaire- et la mise sur pied des institutions prévues dans la constitution de 1996 soit depuis 21 ans. Sans précision aucune.
Les camerounais ne sont pas dupes. C’est une question de volonté politique. Ils n’oublieront jamais qu’en 2008 Mr Biya a illégalement et contre l’avis de l’immense majorité du peuple, modifié l’article 6 alinéa 2 de cette même constitution dans l’unique but de lever le verrou de la limitation du mandat présidentiel. Les camerounais ne croient plus au boulanger de la République qui semble oublier qu’il avait déjà promis la mise sur pied du conseil constitutionnel au cours des vœux de 2013 à la Nation.
À partir du moment où les actes de Mr Biya ont toujours contredit ses paroles, il est évident que ses vœux pour 2018 seront à l’image de ses 35 ans de règne sans partage. Des paroles qui ne seront pas suivies d’actes accomplis.
Pour terminer, 2018 est une année capitale pour le Cameroun. Les camerounais attendent de Mr Biya un acte qu’il n’a pas eu le courage de décliner durant son récent vœu du 31 décembre 2017 à la Nation à savoir sa démission. Il ne l’a pas fait. Nous sommes en 2018. La seule chose qui pourra sauver le boulanger durant cette année qui commence est qu’il ne se représente pas à la future élection présidentielle. Quoiqu’il en soit, Mr Biya sera balayé par le torrent républicain.
L’Honorable Nintcheu
Anselme Kemva
«Le chef de l’Etat a priorisé les Pme pour la résorption des problèmes»
Président exécutif de La Camerounaise des Pme (Cpme), Anselme Kemva réagit au message à la nation du 31 décembre 2017 du chef de l’Etat.
Comment réagissez-vous au message à la nation du chef de l’Etat?
Le chef de l’Etat a été clair. Il a déclaré que «la conjoncture internationale défavorable, en raison notamment, de la baisse persistante des cours des matières premières, a négativement impacté la croissance économique et le progrès social dans notre pays. Il en est en outre résulté des difficultés de trésorerie, dont les fournisseurs de l’Etat et particulièrement les Petites et moyennes entreprises (Pme), ont fortement pâti». Surtout que ces entreprises souffraient déjà des difficultés à l’accès au crédit. Le chef de Etat a aussi noté que le gouvernement a conclu en juin 2017, avec le Fonds monétaire international(Fmi) un programme économique et financier appuyé par une «Facilité élargie de crédit». J ‘observe que dans son discours, le chef de l’Etat priorisé les Pme pour la résorption des problèmes sus évoqués. Le règlement de la dette qui leur est dû et l’amélioration de leurs accès au crédit bancaire.
Quel commentaire faites-vous sur ce point précis de son message?
L’occasion nous est donnée de rappeler que, vu le nombre important des Pme, qu’il faudrait stratifier et prioriser les Pme qui ont au minimum trois ans d’expérience – ce qui correspond à l’espérance de vie des Pme camerounaises-. De plus, il serait judicieux de privilégier les Pme qui font dans la transformation, bref des Pme qui créent de la valeur ajoutée. Il est évident qu’aucune Pme n’est à négliger, particulièrement les start-up, surtout celles qui font dans les Technologies de l’information et de la consommation (Tic).
À qui accorder la priorité, entre les Pme qui ont une expérience avérée et les start-up?
Je pense qu’il est mieux de consolider les acquis. Car, il faut allier l’expérience livresque à la base du saut qualitatif à l’expérience opérationnelle qui cadre avec l’expertise environnementale pour faire face à la compétitivité. Il importe de renforcer les structures existantes et expérimentées en les soutenant financièrement. Un crédit à rembourser devrait être accordé à des Pme qui ont l’expertise et l’expérience et sont capables de mener à bien des projets rentables. Il serait dommage d’accorder des crédits à des mains inexpertes!
Quels sont les maux qui minent les PME?
Nous l’avons toujours dit. Deux maux minent nos Pme. La structuration et le financement. Pour ce qui est de la structuration, le gouvernement à travers son ministère de tutelle, a suffisamment produit des outils structurants. Notamment l’Agence de promotion des Pme, la bourse de la sous-traitance et de partenariat, le Bureau de mise à niveau, pour ne citer que ceux là. En ce qui concerne le financement, une banque a été dédiée aux Pme. Mais malheureusement la mayonnaise tarde à prendre.
Que faut-il faire pour que la mayonnaise prenne?
Nous sommes convaincus qu’il faudrait regarder au niveau des hommes. L’occasion est venue de penser au reformatage du logiciel des ressources humaines. Sur le triptyque Structure, méthode et Hommes est bien mis ensemble, nos Pme seraient rentables. Car la compétitivité est mortelle sur le plan national. Nous faisons face aux concurrents venus des quatre coins du monde. Ils ont des entreprises structurées, des produits normés et en grande quantité. Avec des facilités qui ne laissent pas les Pme se mouvoir. Si nous sommes compétitifs sur le plan national, il est clair que le marché de la sous-région, notamment de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) reste une opportunité pour écouler nos produits.
Quel autre aspect du discours du chef de l’Etat vous a-t-il marqué?
Un autre aspect du message à la nation du chef de l’Etat nous marqué. Nous recevons très favorablement ce message sur l’accélération du processus de décentralisation qui va permettre de renforcer le développement de nos régions. Mais aussi permettre aux collectivités de mieux contribuer et d’apprécier leur développement. C’est un pas important vers une meilleure gouvernance locale.
Propos recueillis par E.K.K. La Nouvelle Expression