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Cameroun-Opinion : « le Président va devoir procéder à un balayage ». Pr Charlemagne Messaga Nyamding

Pr Messanga Nyamding

Le professeur Messaga Nyamding dans cette interview décrypte et fait une analyse politique du discours prononcé par le Président de la République le 06 novembre passé à l’occasion de son investiture. L’universitaire et membre du comité central du parti au pouvoir le RDPC, estime que Président va devoir « procéder à un balayage » en confiant certains postes de décisions aux jeunes

Lire l’interview ci dessous, prise chez nos confrères de camer.be

Quelle est la portée du discours du discours de prestation du chef de l’Etat, notamment quand il prend l’engagement d’intégrer davantage les jeunes dans les pôles de décision ?

Le Président a bien dit qu’il a compris les jeunes, qu’il a pris acte de ce que les jeunes ne se sentent pas suffisamment impliqués. Il y a ce qu’on appelle les fonctions de pouvoir et de prise de décisions. Du point de vue de la science politique, une fonction de pouvoir est une position de relai qui permet à un jeune, par exemple un député, de peser dans la bonne marche des affaires locales d’une circonscription politique. Une fonction de pouvoir est aussi une fonction de conseiller municipal. Une fonction de pouvoir est également des fonctions où on peut retrouver des jeunes assis dans une haute administration, occupant les fonctions de secrétaire général de ministères, les fonctions de préfet, les fonctions de sous-préfet, les fonctions de directeur, les fonctions de recteur… Donc, je pense que lorsqu’on regarde ces fonctions de pouvoir pour la plupart, on peut dire que le président s’est engagé à intégrer les jeunes dans cette dynamique. Par contre, il y a les fonctions, et là je cite le président, de prise de décisions, qui sont nettement au-dessus des fonctions de pouvoir. Une fonction de prise de décisions est plus ou moins une fonction de souveraineté. Ce sont les postes de président du Sénat, Premier ministre, président du Conseil économique et social, secrétaire général du parti, les fonctions de ministre, de secrétaire d’Etat. A ce niveau, on peut aussi constater que le président a pris un certain nombre d’engagements. Je pense objectivement qu’il s’agit du renforcement d’une performance visible parce que, lorsqu’on parle de l’implication des jeunes, on voit que cela concerne leur implication sur le plan administratif et politique.

Est-ce que le chef de l’Etat est en train de dire qu’il va associer plus de jeunes dans la prise de décisions politiques ?

Sur le plan administratif, personne ne peut nier aujourd’hui, quand on regarde les préfets, les gouverneurs, avec une administration où les gens vont à la retraite à 55 ans, que notre administration n’est pas constituée des personnes jeunes. C’est pourquoi je dis qu’il faut faire attention, j’ai plutôt l’impression que le président va beaucoup plus mettre l’accent sur les fonctions politiques. C’est-à-dire, les fonctions de ministre, de directeur général, les fonctions de président du conseil d’administration et même au sein du Rdpc où personne ne peut nier que le secrétariat général et la plupart de ses membres y sont pour la plupart depuis au moins 25 ans. Mais ce qui est intéressant, c’est que le président mobilise aussi les jeunes sur leur responsabilité parce que nous avons tendance à nous tourner seulement sur l’implication des jeunes aux fonctions de pouvoir, de décision. Mais en même temps, le président a mis en garde les jeunes qu’on a enrôlés dans les actions de guerre, et il faut en parler. Lorsque vous voyez tous ceux qui prennent les armes aujourd’hui au sein des organisations terroristes et bien ailleurs, ce sont à 90% des jeunes. Je pense que globalement, il s’agit d’un appel à la responsabilité face à un pays où 70% de la population a moins de 35 ans. Le président en a conscience et je crois que cette fois, en matière de postes de responsabilité et de prise de décisions, il voudrait aussi avoir des jeunes visibles.

Pensez-vous qu’on peut instaurer des quotas dans la loi ?

Ça n’existe nulle part dans le monde. Il ne faut pas non plus que les gens exagèrent. J’ai été président du Rdpc en France à 23 ans. Lorsque nous quittons la diaspora pour rentrer au Cameroun, nous avons à peine 30 ans. Il n’a rien fait de nous. Je dis bien, les jeunes qui remplissaient les deux conditions essentielles, que sont la politisation de la jeunesse et la compétence. Ateba Eyene (de regretté mémoire) et moi avons été des victimes palpables d’une jeunesse au sein du parti qu’on a mise de côté. Dans tous les pays sérieux, lorsqu’on a une élite montante, il faut qu’elle remplisse les conditions de compétence, la politisation, le parrainage. Or, chez nous c’est l’inverse. On commence toujours par le parrainage. Après le parrainage le reste vient après. Il faut inverser les choses aujourd’hui.

L’âge est-il pas un critère de compétence ?

Il faut faire attention à cette logique qui consiste à croire que quand on est jeune, on est forcément admis à avoir un poste de pouvoir et de prises de décisions. Les jeunes sont dépolitisés. Le prix d’accès à certaines fonctions de pouvoir et de prises de décisions est aussi leur engagement. C’est pourquoi en tant que politologue, je fais attention à tous ces personnes parfois mal formées, dépolitisées, qui ont fait maintenant de l’âge un critère de compétence. L’âge n’est pas un critère de compétence. C’est pourquoi moi, en tant que politologue, je fais attention à toutes ces personnes parfois mal formées, dépolitisées et qui ont fait de l’âge un critère de compétence. Ce qui n’est pas vrai. Ce sont les partis politiques qui sont les instruments du bord de toutes les générations confondues au pouvoir. Par exemple au Tchad, il y a un jeune brillant, proche du parti d’Idriss Deby Itno. Il est directeur général des douanes à 26 ans. Il y a le cas d’une personne comme Emmanuel Macron. Il y a également les cas de Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, etc. Ce n’est pas parce qu’on parle de la jeunesse qu’on va créer la confusion. Il faut au contraire, lever ce voile pour mettre en valeur des jeunes compétents, c’est-à-dire, ceux qui sont formés, ensuite politisés. Je crois que ce n’est qu’à ce prix que le Président pourra réaliser son affaire.

Quelle peut être la conséquence de ne pas trop impliquer les jeunes dans la prise de décisions ? Il y a une conséquence immédiate. On court le risque d’une implosion sociale. Est-ce qu’on a suffisamment impliqué les jeunes compétents et politisés ?

Non. Je prends un exemple. À l’université, j’ai de brillants diplomates qui militent au Rdpc et qui ont 28 ans. Les plus âgés ont 30 ans. J’ai de brillants étudiants de sciences politiques dont les plus âgés ont 25 ans. J’ai de brillants militants du Rdpc qui sortent de Polytechnique et qui sont ingénieurs de conception au ministère des Travaux publics. Qu’est-ce qu’on en fait ? Il y a de brillants jeunes de l’organisation des jeunes du Rdpc, qui sortent médecins à 28 ans. Qu’est-ce qu’on en fait ? Lorsqu’on regarde tous ces corps sociaux constitués de jeunes, dans une structure comme l’organisation des jeunes du Rdpc qui est un laboratoire d’intellectuels et que quelqu’un pense à l’investiture que ces jeunes sont absents alors qu’ils sont politiquement engagés, je dis que ce n’est pas normal. C’est pourquoi le Président va devoir procéder à un balayage. Ils ont fermé les portes, y compris celles du développement. Du coup, ça a entraîné l’alcoolisme, l’oisiveté, la frustration, la contestation et l’émergence même de l’opposition. Parce que, la plupart de ces jeunes qu’on voit aujourd’hui dans les partis adverses viennent du Rdpc. Des enfants bien formés, mais frustrés. Il faut qu’on change de politique. Je crois que le Président est un homme de parole. Il a tendu la main à la fois aux Camerounais et singulièrement à une catégorie sociale qu’on appelle la jeunesse.

Je suis pour qu’on encourage cela. Au fait, qui est jeune et qui ne l’est pas ?

Il ne faudrait plus qu’on apprenne à fabriquer le fil à couper du beurre. Il y a le Fonds des Nations-Unies sur la population qui a émis ce qu’on appelle les tranches d’âges identifiables. Ce qui veut dire que de 15 à 20 ans, on parle de pré-jeunesse. De 20 à 30 ans, on est jeune. De 30 à 40 ans, on parle de jeune adulte. De 40 à 50 ans voire 55 ans, on est objectivement adulte accompli. À partir de 60 ans, on est déjà un post-adulte, c’est-à-dire qu’on a une posture où on peut être considéré comme étant un jeune senior. De 70 à plus de 80 ans, on est déjà un senior. Donc, on peut objectivement dire que la tranche d’âge fixée par le Président de la République, en matière de fonctions de pouvoir et de décisions, c’est ceux qui ont objectivement aujourd’hui entre 25 et 55 ans. Pour moi, que vous soyez dans les standards anglo-saxons, dans les tendances germanophones ou même francophones, mondiales ; franchement, la jeunesse dans l’exercice du pouvoir, ce sont les 25 - 55 ans. Au-delà de 55 ans, on ne peut plus objectivement être considéré comme étant véritablement un jeune. Donc, il faut utiliser les 25 - 55 ans dans les jeux politique et décisionnel.