Alors que le Sénégal a tout simplement supprimé le Sénat, au Cameroun, le président Paul Biya vient de nommer 30 sénateurs et leurs suppléants, clôturant ainsi le processus des élections sénatoriales engagées en mars 2018 au Cameroun.
Lorsqu’on sait que le Sénat en tant qu’institution a été définitivement supprimé au Sénégal et que même la France se pose la question de la suppression du Sénat, on est enclin à se poser la question de savoir l’utilité du Sénat pour un pays tel que le Cameroun.
En effet, hormis la question de gestion de la vacance du pouvoir au sommet de l’Etat (laquelle question peut être transférée par des dispositions légales à l’assemblée nationale), le Sénat ne sert strictement à rien pour un pays tel que le Cameroun. Le Sénat tel que mis en place au Cameroun est une institution illégitime et antidémocratique dans la mesure où près d’un tiers de ses membres est directement nommé par le chef de l’Etat.
Le Sénat ne fait qu’alourdir le fonctionnement des institutions à cause de son manque de pouvoir véritable. Parce qu’en réalité, le rôle du sénat est purement consultatif et mettre en place un sénat au Cameroun n’est ni plus ni moins que créer une seconde chambre d’applaudissement et d’enregistrement. Au Cameroun, le Sénat lors de sa dernière mandature n’a pas amélioré l’élaboration des lois, n’a pas amélioré le contrôle de l’action gouvernementale. Le sénat camerounais est en réalité une chambre créée pour recaser, récompenser et enrichir les copains, amis et alliés politiques du pouvoir en place. Au regard des âges des membres qui y sont nommés, le Sénat au Cameroun ressemble beaucoup plus à une maison de retraites pour des privilégiés. C’est le moyen idéal pour octroyer l’immunité parlementaire à des personnalités proches du pouvoir en place ayant des comptes à rendre à la justice ‘’ Républicaine ‘’.
On connaît tous les salaires exorbitants des sénateurs et les multiples avantages financiers qui vont avec cette »fonction ». Après l’élection et la nomination des sénateurs, il faudra bien dépenser des sommes faramineuses pour construire le palais tant annoncé digne de ce nom devant accueillir les sénateurs. Le sénat Camerounais coûte en moyen 20 milliards de franc CFA par année.
Le Sénat est une institution très coûteuse. C’est principalement pour cette raison que le Sénat a été supprimé au Sénégal. Six mois après son élection, le président Macky Sall a annoncé, le dépôt du projet de loi pour supprimer le Sénat. Une mesure qui lui permettait d’économiser près de 8 milliards de francs Cfa (plus de 12 millions d’euros) par an. Le pays étant en proie à de terribles inondations, le président sénégalais avait également décidé qu’il affecterait ce même budget du Sénat à l’assistance des sinistrés et à la réfection des infrastructures endommagées.
Et il l’a fait. Il a supprimé le Sénat et a utilisé l’argent de cette institution pour construire une centrale photovoltaïque afin d’électrifier le pays. « Mon peuple a plus besoin d’électricité que de sénateurs qui ne servent à rien » tranchait -til. Mettre en place un sénat au Cameroun c’est suivre bêtement les modèles institutionnels des puissances occidentales (France) même lorsqu’ils ne sont pas adaptés à nos réalités locales. Même en France (pays qui a inspiré la quasi intégralité de la constitution camerounaise), la question de la suppression du sénat se pose avec acuité. L’idée de la suppression du Sénat avait déjà été formulée dès 1959 par le général de Gaulle. C’est cette idée qui lui coutera sa place à la tête de l’Etat à l’issu du référendum de 1959. En France, alors qu’il était Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone, avait déclaré jeudi 29 janvier 2015, qu’il souhaitait supprimer le Sénat. En effet, en France, le Sénat essuie souvent de très dures attaques, et ses détracteurs sont légions. Noel Mamère qualifiera la deuxième Chambre de « maison de retraites pour privilégiés de la politique ». Lionel Jospin, lui, parlera d’« anomalie constitutionnelle».
Le Sénat camerounais qui est une pâle copie du Sénat français est une institution dépassée, révolue de par son conservatisme, son caractère démocratique controversé, son coût élevé et son utilité discutée. C’est une institution inutile et budgétivore. De 2013 à ce jour, le Cameroun a dépensé près de 100 milliards de Franc CFA pour faire fonctionner le Sénat. A l’heure où le Cameroun est endetté jusqu’au cou, où le pays se prépare à accueillir la CAN, où les populations manquent d’eau et d’électricité, où les populations meurent encore de choléra, la République ne devrait-elle pas commencer par montrer l’exemple dans l’exécution de « la rigueur » en évitant des dépenses inutiles ?
© Correspondance : Wake Up Africa