Cameroun-Présidentielle 2018 : Voici l’intégralité de l’interview de Cabral Libii sur radio France Internationale (RFI)

Cabral Libii

Le coordonnateur national du mouvement « 11 millions de citoyens » et candidat du parti Univers pour le scrutin présidentiel du 07 octobre a répondu ce matin aux questions de Christophe Boisbouvie sur RFI

237actu.com vous propose ci-dessous l’intégralité de cette interview  (Prise chez nos confrères de Cameroun-Info.Net)

Question : Vous n’avez pas 40 ans, est-ce que la victoire d’Emmanuel Macron l’an dernier vous a inspiré ?

Cabral Libii : Ça fait 14 ans que je me bats. Je ne suis pas sûr qu’il y a 14 ans, M. Macron avait forcément mené le même type de combat que je menais. Néanmoins, son élection à la tête de la 5ème puissance mondiale parle forcément à la jeunesse africaine. Vous savez, il faut voir souvent comment les yeux des jeunes africains pétillent lorsque le président Macron y va. Vous avez vu les images du Nigeria, lorsqu’on a vu ce jeune président en bras de chemise s’adressant aux jeunes, pétillant d’énergie…moi j’observais les yeux des africains qui le regardaient, c’était des yeux envieux. Ces jeunes africains ont soif de ce type de leader.

Question : Cabral Libii, qu’est-ce qui, à vos yeux, ne va pas dans la gouvernance Paul Biya et quelle est la première chose à changer ?

Cabral Libii : La première chose à changer au Cameroun, c’est le management. Une poignée d’individus s’est coupée de la base, a installé un système de rente qui fait que dans une condescendance et un mépris absolus, ils font du Cameroun ce qu’ils veulent. Voilà ce qui ne va pas. Et malheureusement pour lui (Paul Biya Ndlr), il ne peut plus résoudre ce problème à l’âge qu’il a. Je lui souhaite encore de vivre le double de cet âge, mais humainement, ce n’est pas possible.

Question : Mais n’y a-t-il pas du développement, de nouvelles routes, de nouvelles écoles, de nouveaux hôpitaux ?

Cabral Libii : Vérifiez au Cameroun, les sources officielles parlent de 40% de Camerounais qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Nous sommes dans un pays où on peut se permettre d’acheter tous les 3 ans une voiture rutilante au Président de la République, plus d’un demi-milliard, alors qu’on opère des gens à ventre ouvert avec des lames dans un hôpital. Voilà la réalité du Cameroun. Je ne dis pas non plus, je ne suis pas un nihiliste, j’ai jamais dit qu’il n’y a pas un seul km de route bitumée depuis que le Président Biya est au pouvoir. Mais j’espère que vous savez quand même que le km de route bitumé au Cameroun est l’un des plus des chers d’Afrique, simplement à cause des surfacturations. En tout cas, il faut faire une comparaison entre notre pays et d’autres pays de niveau de développement comparable comme la Côte d’Ivoire qui est aujourd’hui, je crois à 7 ou 9 points de croissance alors que le Cameroun a régressé, nous avons été à 3.7

Question : La guerre civile dans l’Ouest anglophone, est-ce la faute aux séparatistes ou au gouvernement de Paul Biya ?

Cabral Libii : Les responsabilités dans une guerre sont toujours partagées, parce que les excès peuvent être commis des deux côtés. Les anglophones vous disent depuis longtemps que le système éducatif pose problème ; que le système judiciaire pose problème ; qu’il est inacceptable que pour le reprofilage de 10 km de route en terre à 700km de Yaoundé, qu’on attende 6 mois parce que la décision doit être prise à la présidence. Voilà le problème de fond.

Question : Quand l’opposant Joshua Osih déclare « le président Biya ne comprend rien au Cameroun, il passe le plus clair de son temps à l’étranger, il pense qu’envoyer l’armée peut résoudre le problème de l’Ouest anglophone ». Vous êtes d’accord avec ce qu’il dit ou pas ?

Cabral Libii : Je crois que le Président Biya comprend bien ce qu’est le Cameroun, pour quelqu’un qui, alors qu’il avait 3 ans de moins que moi en 1968, cumulait déjà les fonctions de Secrétaire Général de la Présidence de la République et de Directeur de Cabinet Civil. En revanche, il y a autre chose, ce n’est pas la méconnaissance ou l’ignorance de la situation ; c’est l’indifférence qui est inacceptable ; c’est la méchanceté ; c’est la condescendance qui est inacceptable. C’est cette condescendance qui veut que, pendant que votre pays est en souffrance, alors qu’un train vient de tuer, parce qu’il a déraillé, des centaines de personnes et d’autres qui sont blessées, que vous ne vous montriez intéressé. Voilà la clé du problème. Ce n’est pas qu’il est ignorant. C’est qu’il est méprisant vis-à-vis de son pays, vis-à-vis de son peuple.

Question : Vous appelez à un Etat régional, donc vous ne pensez pas que le fédéralisme soit la solution pour l’Ouest anglophone ?

Cabral Libii : C’est surtout la superposition institutionnelle qui me pose problème. Parce que si vous rentrez dans le fédéralisme à deux ou à quatre ou à dix, c’est que vous avez 3 cours suprêmes, 3 ordres judiciaires, vous avez 3 ordres politiques, 3 parlements et la mise en place seulement de toute cela vous prend plus de temps. Ce que nous proposons en réalité, c’est une forme de fédéralisme. Entre le fédéralisme, la confédération, le régionalisme, la trame de fond est exactement la même, parfois il s’agit simplement de différence de sémantique. Moi je vais faire de la commune, la clé de voute du développement.

Question : Au Cameroun, il n’y a qu’un seul tour. Vous être huit candidats face à Paul Biya. Est-ce que vous n’êtes pas battus d’avance ?

Cabral Libii : Pas du tout, parce qu’il y a bientôt 30 ans, alors qu’il y avait 13 candidats et pas des moindres, il y a quelqu’un qui avait gagné, il s’appelle John Fru Ndi. Ça n’a jamais été proclamé officiellement, mais la vérité, nous la connaissons.

Question : Donc vous pourriez vous désisté au profit du candidat Joshua Osih qui est le successeur de John Fru Ndi.

Cabral Libii : Pas seulement Joshua Osih, et même au profit d’autres candidats. C’est une position que j’exprime depuis longtemps, j’ai envoyé des correspondances écrites à chaque candidat. Mais malheureusement, la réponse qu’ils vous donnent, c’est que vous êtes jeune, vous n’avez pas d’expérience donc vous devez tout simplement vous disqualifier au profit de l’un d’entre eux. Eh bien, je considère que c’est un mépris vis-à-vis de ma personne de toute cette génération qui croit en moi. Parce qu’en fait 65% de la population camerounaise a moins de 45 ans.

Question : Donc vous ne vous désisterez pas pour le candidat SDF Joshua Osih ?

Cabral Libii : Je suis en train de vous dire que je pourrai me désister dans le cadre d’une concertation. Mais il faudrait que lui aussi et les autres soient disposés à désister en ma faveur.

Question : Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes un sous-marin du régime, que votre candidature vise à diviser un peu plus l’opposition face au Président sortant, Paul Biya ?

Cabral Libii : Je dis que ce sont des balivernes sur lesquelles je préfère ne pas m’attarder. Ça encore, c’est un mépris vis-à-vis de moi, de ceux qui me soutiennent. Je ne suis le pion de personne, je ne roule pour personne et je puis vous dire que le 7 octobre prochain, je serai élu Président de la République.

Question : Pensez-vous comme l’un des autres candidats, Maurice Kamto, qu’il y a quand même des sous-marins de Paul Biya qui sont actuellement candidats pour diviser un peu plus l’opposition ?

Cabral Libii :

Vous savez, je ne me permettrai pas d’insulter les autres candidats. Ça participe d’un orgueil, d’une condescendance, d’un mépris qui est en partie à l’origine de la situation du Cameroun. Et moi je ne suis pas surpris que quelqu’un qui a été ministre de Paul Biya, manifeste une telle condescendance vis-à-vis des autres. 

 

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