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Cameroun : Voici un extrait de « Sous la Cendre, les Etoiles », nouvel ouvrage de l'essayiste, philosophe et poète Maurice Kamto

Avec Sous la cendre les étoiles, Maurice
Kamto nous dévoile « l’aube
primordiale » d’un très grand chant
où se mélangent l’enfance du poète
et celle d’une nation. D’un côté,
l’insouciance et le geignement de
l’enfant bousculé par l’absence brève
mais profonde des figures de l’amour.
De l ’autre, la difficile parturition
d’un nouveau pays. Alors se déploie
un panorama où l’attention du poète
se manifeste aussi bien à l’égard des
enfants des rues, des femmes, des arbres
que pour la geste continentale.
L’espoir soutient chaque vers, cha -
que syllabe. Ce pourrait être la définition
du poème. Léopold Sédar
Senghor trouve en Maurice Kamto
un digne continuateur de la poésie
épique, mais réinventée, transfigurée.

Extrait :

Un extrait de Sous la cendre les étoiles

de l'essayiste, philosophe et poète Maurice Kamto
 
Éditeur: Obsidiane; 1ère édition mars 2021, 96p
 
SERREMENTS
 
- I -
 
Et tu as fait halte sur ce coteau cher à mon esprit
 
Sépulture fleurie de mon cordon ombilical
 
Qui ancre mon âme dans les taillis
 
Terre qui épouvanta mes nuits de souverain déchu
 
En ce lieu de mon enfance défenestrée
 
Comme une vomissure sur une table de fête
 
Tu as fait halte pour me dévoiler les arbres rabougris
 
L’étroitesse du bocage qui s’imposait à mon regard
 
Comme un territoire sans bornes sans rivage
 
Tu as fait halte pour qu’enfin j’entende piailler
 
Le ruisseau-bénitier se faufilant dans l’herbe fraîche
 
Sous des arbres aux bras chargés de baies mûres
 
Que j’entende les mânes fouetter mon sang
 
Du rythme de la danse
 
Que j’entende le chœur des oiseaux et des feuillages
 
Transporter mon âme
 
- I I -
 
La dissidence de mon âme dès l’entame
 
― Ô chagrin de l’arrachement à l’humus ―
 
N’y comprenait rien alors que mon cœur avait tout compris
 
Ma vie s’égarait dans un chemin de traverse
 
Mon esprit cherchait ton visage
 
À cette heure où l’angoisse m’était promise
 
Vinrent le premier soir et l’affolement des sens
 
Terreur de la nuit comme une tombe scellée
 
Brisant le cri d’une âme naufragée
 
Je refaisais mille fois des promesses de sagesse
 
Mille fois à genoux la supplique de mes yeux
 
de mes mains de mes larmes
 
Impuissance des paroles redites ad nauseam
 
Et de l’esseulement qui enserre le cœur
 
Poussait vers ton souvenir des râles comateux
 
- I I I -
 
Voici passées les premières pluies de mars
 
Je n’ai pas émergé de cette terre trempée de tristesse
 
Pas une seule fois l’écho de l’aïeul dans mon sang, son sang
 
Muet comme un rejet du bouton sur son tronc éclos
 
Pas une seule fois la parole révoltée de la mère de mon père
 
N’a descendu la voie royale pour envelopper ce bout de rien
 
Moi fils de son fils. De celui qui n’était pas promis
 
À être le fromager dressé au milieu de la cour
 
- IV -
 
Il a plu en moi chaque jour chaque instant
 
Depuis que la grisaille s’est répandue coite
 
Sur le bonheur d’une enfance citadine
 
Mes larmes n’ont pas lavé mon malheur
 
Elles n’ont point allégé la douleur du cordon qu’on sectionne
 
L’absence s’est enfoncée profond dans ma chair
 
Et chaque nouveau jour a cisaillé mon âme
 
Une pleurésie de haine minait ma parentèle
 
Enflure dédaigneuse se revanchant du sort
 
Elle a rétréci l’espace, raréfié l’air du fiel de son sourire.
 
Mon corps se hâtait derrière l’esprit en cavale
 
Mais sitôt évadé me voici revenu
 
Sitôt revenu je cherche le large
 
Tu ne m’aimes pas ô ma terre de latérite visqueuse
 
Mon havre de tristesse. Ici point de repos
 
- V -
 
Je ne voulais jamais que vienne le soir tyrannique
 
Et que le soleil meure avec mon sourire de septembre
 
Comment retourner dans cet antre tortionnaire
 
Qui chaque jour me blessait de paroles vénéneuses?
 
Le jour déclinant m’arrachait à la mélancolie
 
De la souche originelle, ma grand-mère silencieuse
 
Elle me pressait de prendre la route, en me retenant
 
[du regard
 
Dans son cœur d’argile émietté par la douleur
 
Elle me poussait à la quitter, en détournant son regard
 
Du chemin aclinique courant à mon supplice
 
Elle me disait au revoir comme on dit adieu,
 
En murmurant dans son cœur des prières aux esprits
 
Et sur le chemin serpentant vers les cimes
 
Des larmes des larmes des larmes!
 
Roulement de chagrin sur mes joues de Gaza
 
Quel sortilège n’aurais-je appris pour conquérir
 
Le cœur de cet être basaltique!
 
Que faire de son sang qui sadise mes veines?
 
Sang du sang de mon sang ô généalogie tyran nique.
 
Tous les ciels j’aurais offert pour ressentir moi aussi
 
Le baiser de ses yeux sur mon cœur!
 
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