L’un des frères de l’ancien Administrateur directeur général de la Cameroon Airlines a jeté un ballon d’essai au sujet de sa présence aux obsèques de leur père. Il s’adresse directement au chef de l’Etat pour cela. Est-ce une façon détournée d’obtenir une grâce non avouée ? Décryptage.
Notre confrère Essingang a créé un mini-événement la semaine dernière, en publiant une interview du révérend pasteur Stéphane Fotso, fils du célèbre homme d’affaires. Victor Fotso, avec un titre en première page, qui fait réfléchir ; «Nous prions le chef de l’Etat de permettre à Yves-Michel (te venir aux obsèques de notre papa».
Dans ce long entretien présenté sur deux pages dans l’édition du bihebdomadaire parue le 13 mai 2020, le jeune frère de Yves-Michel Fotso explique pourquoi est nécessaire la présence de son aîné aux obsèques en préparation de leur père. C’est en réalité l’essentiel du message délivré par l’un des cadets à l’ancien Administrateur-directeur général (ADG) de la Cameroon Airlines (Camair), lequel mérite d’être décrypté sous toutes ses coutures.
«Si mes souvenirs sont exacts, plaide M. Stéphane Fotso, Michel n’a aucun problème avec la justice camerounaise. 11 a eu sa double condamnation. 11 était en train de purger sa peine quand il est tombé malade. II a eu une autorisation pour aller se faire soigner. Il n’a pas fui le pays. […] Il n’est pas caché. Des rapports sont transmis régulièrement au pays pour parler de sa position. Lorsque la maman de Michel mourrait, le passeport de Michel était déjà retiré. C’est le chef de l’Etat, à qui je.dis une nouvelle fois merci, qui à pris le passeport et l’a remis à Michel pour qu’il aille chercher sa mère et vienne l’enterrer. Et quand Michel a terminé, il est allé remettre le passeport. Michel n’a pas assassiné et n’est pas recherché, il est en prison.»
Avant de prononcer ce message qui a valeur d’opinion personnelle, le révérend a pris la précaution de révéler ce que son père lui aurait confié au sujet de son frère, lors de leur dernière rencontre avant son décès : «11 m’avait dit que son seul souhait était que tous ses enfants soient autour de lui tors de son départ. Il bagarrait pour que ses enfants soient autour de lui, surtout Michel (Yves-Michel Fotso), parce qu’il disait : Michel a son cœur mais il reste mon fils.»
En gros, la sortie médiatique lancée par le pasteur vise à obtenir coûte que vaille la présence de son frère aîné aux obsèques de leur père. «J’aimerais m’agenouiller devant le chef de l’Etat pour qu’il permette à Michel de venir voir pour la dernière fois le visage de son père», dit-il. Cette présence serait primordiale, suggère le locuteur du trihebdomadaire Essingang, pour assurer la cohésion et la paix au sein de la succession Victor Fotso.
Evacué sanitaire
Pour qui connaît la proximité du promoteur d’Essingang avec l’ancien ADG de la Camaîr, journal qui a plusieurs fois porté les combats de M. Fotso sur la place publique, il n’y a pas de doute sur le fait que la sortie médiatique du jusque-là discret révérend Stéphane Fotso est planifiée depuis le Maroc. C’est en effet au Royaume chérifien que le plus célèbre des enfants Fotso purge désormais la peine de prison consécutive à ses multiples condamnations, dont deux à la prison à vie.
Et c’est loin d’être une manœuvre vaine, si l’on considère la profondeur de l’amitié ayant lié de son vivant le père Victor Fotso au président Biya, mais surtout toutes les tergiversations affichées jadis par le pouvoir de Yaoundé pour autoriser les poursuites judiciaires contre le fils du milliardaire de Bandjoun. On pourrait être en face d’un feuilleton naissant.
Yves-Michel Fotso avait quitté le Cameroun le 19 août 2019, bénéficiant d’une évacuation sanitaire officielle au Maroc. Il venait de vivre la confirmation par la Cour suprême du Cameroun des deux peines de prison à vie prononcées contre lui par le Tribunal criminel spécial trois ans plus tôt sur des faits relatifs à sa gestion de la défunte Camair. Le 25 juin 2019, en effet, la haute juridiction avait trouvé injustifiés les pourvois formulés contre les arrêts du TCS.
D’ailleurs, la haute juridiction avait considéré que l’ancien ADG de la Camair s’étant privé des moyens de sa défense, en laissant revenir subrepticement dans la procédure des avocats qui s’étaient «déconstitués» de façon tonitruante de la défense de l’homme d’affaires devant le TCS. Mais cette audience de la Cour suprême apparaissait comme une étape nécessaire à son évacuation sanitaire.
En fait, lors de l’audience du 25 juin 2019, l’ancien ADG de la Camair avait comparu en étant médicalement assisté comme l’avait déjà révélé Kalara. 11 était arrivé dans l’ambulance de l’Hôpital de la Cnps. Il avait, connectées à son bras, trois perfusions accrochées à une potence. Un infirmier veillait. Lui-même était fortement amaigri, avec une voix qui portait très peu. On voyait bien qu’il se sentait mal.
C’est sans surprise que les témoins de cette scène avaient accueilli l’idée de son évacuation sanitaire, même si la controverse était née Immédiatement après son départ pour le Maroc. Certains avaient indiqué qu’il s’agissait d’une évasion organisée, d’autant que de nombreuses autres personnalités comme Marafa Hamidou Yaya ou Amadou Vamoulké et Urbain Olanguena Awono, sans que la liste soit dose, attendent vainement d’être évacuées à l’étranger pour des soins qui ne peuvent leur être prodigués sur place, faute de plateau technique adéquat.
Combats multiples
En plus, la fuite dans les réseaux sociaux d’une correspondance du secrétaire général de la présidence de la République adressée au ministre des Finances et l’instruisant de faire face au coût de la prise en charge sanitaire de M. Fotso au Maroc, en janvier 2020, avait fini par convaincre sceptiques sur le statut de prisonnier de l’ancien ADG de la Camair. Ce courrier mettait aussi indirectement en évidence les attentions du chef de l’Etat pour le rejeton de son ami.
Dès tors, on ne peut manquer de s’interroger sur la sortie médiatique du révérend Stéphane Fotso et sur la mise en scène qu’il fait des confidences qu’il attribue à leur père commun, Victor Fotso, concernant Yves-Michel Fotso. Est-ce un ballon d’essai pour sonder les dispositions d’esprit à l’égard de son frère cto ceux qui décident de la liberté des personnalités prises dans les griffes de l’opération épervier ? Est-ce une manière de forcer la main au chef de l’Etat pour obtenir une grâce tacite au profit de son frère, qui trouve au rang des justiciables frappés par les sanctions pénale les plus lourdes, condamnés à mort exclus ? Seul l’avenir nous dira.
Rappelons que Yves-Michel Fotso est en conflit avec l’Etat du Cameroun sur plusieurs fronts, notamment au sujet de sa gestion de la Camair, mais aussi du contrôle de la Commercial Bank of Cameroon (CBC). Il avait été reconnu coupable de détournement des fonds destinés à l’achat d’un avion pour les voyages du “Iffiefcle l’Etat, des fonds sortis des caisses de la SNH au début desannées 2000. Il est sous le coup de deux emprisonnements à la prison à vie à côté d’autres condamnations. Perçus pendant tongtemps comme le digne successeur de son père, il avait fini lui-même par ruiner cette idée avec de nombreux conflits familiers nés autour de sa personne depuis son embastillement. Mais son frère a indiqué dans son interview à Essingang que la succession de leur père réserve des surprises. On est curieux de les voir.
Source: kalara