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CCJA: Bolloré a mordu la poussière

Bolloré mord la poussière à Abidjan ! Avons-nous titré un article se rapportant à la décision qui a été rendue par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage d’Abidjan (Ccja) le « 28 janvier 2021, laquelle Cour aurait désavoué le Tribunal administratif du Littoral dans l'affaire qui oppose le Port autonome de Douala (Pad) à Bolloré SA ».

Un vacarme inonde les réseaux sociaux contre Eyeke Vieux et Madame Esther Moutngui, tous deux magistrats à ladite Cour, motif pris de ce qu’ils auraient divulgué la décision sur les réseaux sociaux alors même qu’il manquerait, selon ce bourdonnement, la signature d’un des juges de la collégialité au moment de la publication de la décision. Il reviendra à qui de droit de considérer si oui ou non les magistrats incriminés ont commis une faute les exposant à sanction. La rue n’a ni qualité ni capacité d’appréciation. Elle ne peut pas juger de la responsabilité des hauts magistrats qu’elle cherche à livrer à la vindicte populaire. A vilipender. notre but est d’informer afin que chacun se fasse son opinion.

Dans cette optique, nous rappelons au préalable l’article 50 du décret du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature qui stipule : « 1) Le ministre de la Justice saisi d'une plainte ou informé d'un fait de nature à entraîner une sanction disciplinaire contre un magistrat, après vérification et application de l'article 40 paragraphe 3 du présent statut. a) Transmet le dossier au président de la République, s'il s'agit d'un U magistrat du siège. b) Fait application de l'article 49 paragraphe 2 ci-dessus, ou met en mouvement l'action disciplinaire en saisissant la Commission permanente de discipline, s'il s'agit d'un magistrat du parquet. 2) Le ministre de la Justice peut dans les deux cas suspendre par arrêté, le magistrat mis en cause de l’exercice de ses fonctions, avec les effets prévus par le statut général de la Fonction publique, pour une durée maximum de six (6) mois… .. ».

 De jurisprudence, un président de la Cour d’appel de l’Est à Bertoua (Cameroun) avait été révoqué pour avoir divulgué un projet de décision dans un litige opposant Mtn Cameroon à une autre société. Nous n’allons pas revenir sur les détails de cette affaire, mais il faut retenir que le magistrat avait été sanctionné pour avoir divulgué le secret des délibérations, sur fond de corruption, en présentant son projet de décision qui était contraire à l’arrêt rendu. L’affaire Bolloré sA qui provoque des grincements à Abidjan épouse-t-elle les mêmes contours susceptibles d’amener le Garde des sceaux à saisir le président de la République aux fins de sanctionner les magistrats auteurs de la diffusion d’une décision non revêtue de la signature de tous les Juges ayant siégé en collégialité ? nous ne sommes pas certains. Ici les réseaux sociaux n’établissent pas le fond de corruption qui aurait déterminé les juges à procéder à la publication de l’arrêt de la Ccja avant la signature d’un des Juges. nous insistons pour dire que chacun se fera son opinion.

JURISPRUDENCE

Pour se faire cette opinion, il faut se référer aux articles 40 à 42 de l’Acte uniforme sur le règlement de procédure de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage du 18 avril 1996 tel que modifié par le règlement n° 001/2014/Dcm du 30 janvier 2014 qui stipule : « Article 40. 1. L’arrêt est rendu en audience publique. Les parties dument avisées. 2. la minute de l’arrêt est signée par le président et le greffier en chef. Elle est conservée au greffe. Expédition et copie certifiée conforme en sont délivrées aux parties qui en font la demande, selon le tarif fixé par la Cour. Article 41. L’arrêt a force obligatoire à partir du prononcé. Article 42 Un recueil de jurisprudence de la Cour est publié par les soins du comité mis en place par le président.

Ce comité est chargé, en outre, de toute autre publication de la Cour ». C’est sur la base de ces principes que doit être appréciée la publication, telle qu’elle est reprochée aux magistrats camerounais dans l’affaire qui a opposé Bolloré au Port Autonome de Douala, devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage à Abidjan. Deux questions se posent ici : la publication de la décision, qui avait déjà force exécutoire à partir du prononcé avait-elle dénigré l’arrêt en cause ; 1- Cette publication a-t-elle attenté à la vie privée de quelqu’un. si la publication n’a pas dénigré l’arrêt en cause, si cette publication n’a pas porté atteinte à la vie privée, si la publication n’est pas sous-tendue par la corruption, le branlebas orchestré dans les réseaux sociaux contre les magistrats nous parait sans fondement. L’article 41 du règlement de procédure, pour nous, doit être interprété de manière à remplir ses fins. A savoir l’exécution immédiate dès le prononcé. si donc la décision est exécutoire dès le prononcé, cela n’oblige-til pas les hauts magistrats, qui siègent, à prendre des dispositions pour rendre leur décision immédiatement exécutoire dès le prononcé.

Du coup, l’histoire d’attendre la signature d’un des Juges ayant siégé devient improbable. A la 11ème édition du Congrès africain des Juristes d’Affaires (Coja 2018) Dakar, sénégal, 26 - 28 juin 2018), Eyike Vieux a exposé sur « le droit Ohada évalué par ses utilisateurs : apports, difficultés pratiques, propositions de réformes, regards sur la jurisprudence Ohada (Ccja et nationales) ». Il a développé au cours de son exposé les problèmes juridiques posés par le droit ohada et résolus par la jurisprudence et sur les conflits entre la Ccja et certaines juridictions nationales. La décision contre Bolloré sA, dans l’affaire qui l’oppose au Pad sera commentée sur tous les aspects. Toutefois, quels que soient les commentaires et les gargouillis, elle a force exécutoire à partir du prononcé, en application de l’article 41 cidessus visé. Sans autre forme de procès. Bolloré S.A. a mordu la poussière à la Ccja et la décision qui a été rendue va enrichir la jurisprudence dans la matière qu’elle concerne. Rien à faire.

Source : LA NOUVELLE N° 577 du lundi 8 février 2021