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Christian Penda Ekoka : Un EXPERT que la société n’a pas su utiliser

Adieu, mon Grand ! Lorsque je décidai, dans une période de ma vie, à prendre des cours d’économie publique, c’est parce que j’avais été marqué par un certain Penda Ekoka et un certain Bakisakana qui faisaient des interventions très brillantes à la Télé.

Je me demandais comment ils faisaient pour connaître tant de choses et surtout, pourquoi rien ne bougeait dans la direction qu’ils montraient. En hommage à l’Expert Penda Ekoka qui s’en va, lui-aussi, je voudrais poser le problème d’appartenance rencontré par beaucoup d’universitaires et autres experts dans notre société.

Pendant longtemps, les Experts ont cru bon de faire le choix de s’écarter de la chose politique et donc, de la gestion de la cité. Beaucoup juraient qu’ils ne feraient jamais la politique. C’était une abomination ! Il était requis d’un « vrai expert » ou membre de la société civile de résister à la tentation politique. Sauf qu’ils ont très rapidement déchanté : Avoir raison n’était plus suffisant ; être uniquement de la société civile n’était plus pertinent dans une société en déliquescence. « Les gens de bien ne pouvaient plus laisser le pays entre les mains des gens de mal ». Il fallait prendre ses responsabilités. Il fallait contribuer à améliorer les choses autour de nous. Au-delà de l’engagement civique, il fallait désormais envisager un engagement politique.

Décalage entre les programmes politiques et l’expertise

Mais, le dilemme reste entier lorsque l’Expert s’engage en politique. Il déchante aussi très rapidement. Il est encore sous la domination hiérarchique des gens moins formés. Il se rend compte qu’il existe un décalage entre les programmes politiques et l’expertise qu’il détient. Or, il est tenu de respecter la hiérarchie. Les entrepreneurs politiques ne veulent pas de l’expertise pour le développement. Ils veulent gagner des élections ou simplement arriver au pouvoir par tous les moyens. En effet, l’expertise (changement structurel) n’est pas politiquement payant et cela n’intéresse pas les politiciens. Vous pouvez accepter d’être Conseiller de Paul Biya comme le désormais Feu Penda Ekoka que vous n’aurez pas la possibilité d’influencer la décision politique par votre simple expertise pour le développement. Paul Biya est intéressé par l’expertise pour la conservation du pouvoir. Vous flirtez avec l’opposition politique et vous avez le même sentiment. Vous découvrez que beaucoup de partis d’opposition sont uniquement intéressés par l’expertise pour la conquête du pouvoir. D’où la très mauvaise gouvernance des partis politiques. Ces derniers proposent des projets politiques qui sont en décalage avec le niveau actuel de la connaissance sur un sujet. Par exemple, lors des présidentielles de 2018 au Cameroun, aucun parti politique n’avait pris en considération les critiques faites au DSCE par les universitaires de l’université de Yaoundé 2.

L’Expert camerounais traverse donc un désert politique. Après avoir fait ses preuves ici ou ailleurs, il a de la peine à s’exprimer valablement dans les milieux de prise de décision. Lorsqu’il participe à une réunion, il doit défendre la position de la hiérarchie et non la position de la science. S’il veut rester sur ses principes scientifiques, il risque de se retrouver seul comme Penda Ekoka. Il risque de se faire « lyncher » par celles et ceux-là même qui voulaient de son expertise et qui lui reprocheront ensuite de n’avoir pas pu justifier l’imposture. S’il entre dans l’administration publique et se soucie de sa carrière, alors il sera à l’image de celles et ceux que l’on appelle « intellectuels de Paul Biya », réduits à défendre l’indéfendable au nom de la discipline du parti ou du respect de la hiérarchie. Il sera comme ce professeur tenu à démontrer que 32 est égal à 500 alors qu’il n’y croit pas lui-même. Travailler à contrecœur est le lot quotidien de l’Expert camerounais. Pire, même s’il décide de travailler pour les organismes internationaux, il aura le même problème. Depuis près de 60 ans, aucun pays africain ne s’est développé grâce aux aides et autres programmes internationaux de développement. Le développement de l’Afrique n’est pas le but recherché. Si vous œuvrez à protéger les intérêts étrangers, alors vous serez un « bon expert » qui aura une « bonne carrière internationale ». Le dilemme est total : choisir entre le néant ou la gloire, l’argent et la carrière !

La vie paisible d’un expert camerounais se fait en off, en privé, loin des regards, loin des positions partisanes ou radicales qu’il est tenu de prendre en société. Nous retiendrons de Christian Penda Ekoka ce qu’il a été de bien à savoir : un EXPERT que la société n’a pas su utiliser pour son développement. Il a porté sa croix sur cette terre et le plus important est qu’il a laissé, lui-aussi, des « enfants » et des disciples de développement.

Vas et repose-toi en paix, mon Grand.

Tu es probablement déjà bien installé avec ton ami Bernard Njonga, expert agro-économiste, et je m’imagine que vous lancez déjà des rires sarcastiques à chaque fois que vous nous voyez tâtonner encore et encore, ou tourner autour du pot sans prendre, une fois pour toute, les bonnes décisions publiques qui s’imposent à nous pour notre développement économique.

Que Dieu nous pardonne et protège le Cameroun !

 

 

Dr Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA