L’avocat au Barreau du Cameroun à travers cette communication rend un vibrant hommage à l’homme politique décédé Anicet Ekané qu’il n’a pas manqué de comparer au leader de la cause noire aux Etats-Unis d’Amérique Martin Luther King.
« Déclaration publique d’Akere Muna, Avocat au Barreau – EKANE Anicet Georges (1951-2025)
Déclaration publique d’Akere Muna, Avocat au Barreau
Le communiqué officiel du ministère de la Défense est tombé avec la lourdeur définitive d’une pierre tombale. Il annonce la nouvelle profondément affligeante du décès de EKANE Anicet Georges, figure politique éminente et inébranlable. Il est mort dans un hôpital militaire, après près de huit semaines de détention pour de prétendus « infractions graves » relevant de la compétence du tribunal militaire.
Ce n’est pas seulement la perte d’un homme ; c’est l’extinction d’une flamme ardente et passionnée qui brûlait pour le multipartisme et pour l’émancipation démocratique et politique de notre pays. Son engagement était sans limites.
Ma première rencontre avec Anicet Ekane remonte au début des années 1990, entre les murs austères du Tribunal militaire de Yaoundé. Il se tenait aux côtés de Djeukam Tchameni, du Batonnier Yondo Black et de sept autres, tous en attente de procès sous l’accusation menaçante de « subversion ». Anicet portait l’accusation supplémentaire et glaçante d’« outrage au Président ». Nous étions plus jeunes alors, remplis d’un espoir tendu que la loi et la raison prévaudraient.
Aujourd’hui, alors que le Barreau du Cameroun se mobilise pour enterrer notre vénéré Batonnier YondoBlack, et que notre nation titube encore, cherchant son équilibre après l’élection la plus controversée de son histoire, nous recevons ce second coup, brutal. La nouvelle du départ d’Anicet dans ces conditions est une blessure sur une blessure. Et tandis que nous pleurons, Djeukam Tchameni reste en détention, un nom parmi une liste tragique et grandissante, estimée aujourd’hui à plus de 3 000 citoyens.
Le communiqué du ministère de la défense reconnaît lui-même un fait accablant : Anicet Ekane était gravement malade même avant sa détention. Un fait qu’il m’avait lui-même réaffirmé, avec la résilience qui le caractérisait, la dernière fois que nous nous sommes parlé. Une fausse alerte concernant son décès avait déjà retenti il y a trois semaines — une secousse prémonitoire du tremblement de terre à venir.
On aurait pu penser que l’humanité la plus basique, la présomption d’innocence fondamentale et l’évidence indiscutable de sa santé défaillante auraient exigé sa libération auprès de sa famille et des soins des experts médicaux qui connaissaient son état. Au lieu de cela, dans une posture de mépris total pour la dignité humaine, on lui a refusé le droit simple et sacré de passer ses derniers moments sur cette terre entouré des siens. Quel monstre impitoyable notre pays devient-il, pour emprisonner ses malades et leur refuser une dernière étreinte ? Tout patriote camerounais doit regarder cet abîme en face et poser cette question avec un courage inflexible.
Ainsi, comme Martin Luther King Jr., dont le rêve fut différé, Anicet Ekane, en rendant son dernier souffle, aurait pu légitimement affirmer : « Non, non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que la justice ne ruissellera pas comme les eaux et la droiture comme un torrent puissant. »
Comme Moïse, et comme Martin Luther King, Anicet Ekane a gravi une montagne ardue. Il est arrivé au sommet et a vu la terre promise d’un Cameroun libre, démocratique et juste. Il n’a pas pu y entrer avec nous, mais son combat, sa passion et sa foi indéfectible en ont tracé le chemin. Sa contribution fait que notre peuple, guidé par sa vision, y parviendra un jour.
Va donc, Anicet. Ta longue et harassante lutte est terminée. Repose maintenant en éternité, dans la paix qui t’a été refusée de ton vivant, et sache ceci : ton peuple sera libre ».





