Le cadre du SDF, Jean Robert Wafo, analyse le phénomène de « microbes » dans la ville de Douala et préconise quelques solutions.
Il est tout à fait normal que des mesures soient prises pour mettre fin au phénomène des “microbes” dans la ville de Douala et partant sur toute l’étendue du territoire national. Le gouverneur de la région du littoral a pris un certain nombre de mesures salutaires mais il y en a une que j’estime inconséquente car déconnectée de la réalité sur le terrain à savoir l’interdiction des benskinneurs de circuler entre 20h et 6h du matin. Ce sont les populations piétonnes et les commerces de nuit qui vont en pâtir dans un premier temps sur le plan économique. Si l’on s’en tient au cas récent de ces microbes qui doivent être sévèrement punis conformément à la loi, tout a commencé en pleine journée et ce n’est que la nuit qu’on veut interdire la circulation des motos. C’est de toute évidence questionnable.
La réalité quotidienne en matière de circulation des personnes est que les routes ne sont pas du tout bonnes dans l’ensemble et dans certains quartiers, ce n’est qu’en moto qu’on y accède. On nous fait savoir que c’est une mesure conservatoire pour les fêtes de fin d’année. Soit. On pouvait circonscrire cette interdiction entre minuit et 6h du matin ou entre 22h et 6h du matin, si tant est que les statistiques font ressortir que le gros des agressions s’opère entre 22h et 6h du matin. Fixer l’interdiction à partir de 20h a tout l’air d’un couvre-feu à peine déguisé. Le gouverneur est mieux placé pour maîtriser et apprécier les statistiques de l’insécurité provoquée par les “microbes”.
Un autre problème va de toute évidence se poser en rapport avec cette interdiction dans la fourchette horaire indiquée: Combien y a-t-il encore de taxis à Douala ? Et ceux qui habitent dans des quartiers non goudronnés et inaccessibles aux taxis qui eux aussi, comme les piétons, auront peur pour leur sécurité. En gros, cette mesure crée un problème dans le problème, sans y apporter une solution de cheval. Mauvaise solution à un vrai problème, serait-on tenté de dire.
Il m’est revenu que la circulation concerne les centres villes mais pas les quartiers. Une sensibilisation de masse doit être faite dans ce sens. Et si c’est le cas, est-ce que ces “microbes” répugnants qui mettent en péril la circulation et surtout la vie des citoyens épargnent alors les quartiers situés en dehors des centres-villes? Makea, Mbanga Pongo, Bepanda, Cité sic, Mabanda et bien d’autres quartiers sont-ils épargnés par ce phénomène détestable des “microbes”? Que feront entre-temps ceux qui arrondissent leurs fins de mois avec cette activité secondaire effectuée en marge de leur activité principale entre 18h et 22h ou minuit ? Si on regarde aînsi, on ne résoudra aucun problème, me dira-t-on. Je suis d’accord que le phénomène des microbes est préoccupant voire inquiétant. En même temps, il vaut mieux ne pas créer un autre problème en sus du vrai problème.
Des mesures à court terme et à moyen terme peuvent être implémentées à savoir :
- – Contrôler et Identifier systématiquement toutes les motos en circulation et appliquer rigoureusement la réglementation en vigueur en cas d’infraction.
- – Multiplier les contrôles inopinés dans les carrefours ou lieux de stationnement des motos taxis
- – Procéder en collaboration avec les maires au recensement des personnes dans les maisons de quartiers sous la coordination des sous-préfets et des auxiliaires d’administration que sont les chefs de quartier.
- – Augmenter le budget des unités de police et de gendarmerie et Mettre les moyens adéquats dans le renseignement prévisionnel.
- – Procéder au recensement général de la population pour avoir le nombre réel des habitants de la ville de Douala et par conséquent le nombre d’unités de police et de gendarmerie nécessaire pour la ville de Douala.
- – Désengorger les centres villes en créant de nouvelles infrastructures dans la périphérie de la ville (routières, alimentation en eau et en électricité, écoles). Pour ce faire, il faut une augmentation significative des ressources des CTD. La norme est de consacrer un minimum de 7% du PIB de la ville aux CTD pour les besoins en infrastructures de base. Douala a un PIB de 3070 milliards de FCFA. 3% x 3070 milliards de FCFA, ça fait environ 210 milliards de FCFA. Soit environ 3 fois les recettes annuelles actuellues de toutes les CTD réunies de la ville de Douala, y compris le conseil régional qui y siège.
- – Il faudrait également qu’on prêche par l’exemple au niveau national en matière de justice sociale, de méritocratie républicaine et que soit mis fin à l’impunité de certains cartels disposant de puissantes excroissances tapies dans les cercles insoupçonnés du pouvoir gouvernant.
Jean Robert Wafo