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Football : Bernand Tchoutang « Tu peux avoir tout l’argent du monde, mais tu dois avoir du respect pour l’humain »

Bernand Tchoutang

Il fait partie des anciens Lions Indomptables qui n’ont pas leur langue dans la poche. Invité du groupe Africa Football Media (AFM), une plateforme regroupant des hommes de médias africains et étrangers s’intéressant au football africain, il s’est exprimé sur plusieurs sujets d’actualité en rapport avec le football camerounais. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ailier des Lions aujourd’hui reconverti dans le coaching des jeunes footballeurs qui souhaitent réussir leurs carrières n’a pas souvent été tendre tant envers le politique qui ne fait pas assez pour développer le football au pays qu’envers son ancien coéquipier Samuel Eto’o qu’il accuse de vouloir tout caporaliser au niveau de la gestion du football camerounais…

Comment nait votre passion pour le football ?

Je pense que comme tout camerounais, on joue au football dans la rue, parce que les grands frères ont joué, les amis jouent, parce que le football, c’est le sport le moins chère pour les parents qui n’ont pas les moyens de s’acheter les tennis, les balles et raquettes. Le football c’était vraiment ce que tout le monde faisait, j’ai suivi les pas des grands frères. Je pense que j’étais passionné dès le bas âge et c’est pour cela que j’ai continué.

Qui vous a tenu la main pour vous conduire dans le football ?

Je n’ai pas eu quelqu’un qui m’a tenu la main. J’ai mon grand frère qui s’appelle Alain Yoro qui jouait déjà dans l’Union de Douala quand j’étais tout jeune. J’ai juste suivi ses pas. J’avais aussi un voisin qui s’appelait Mvoum Jean-Pièrre qui était un grand frère du quartier, qui était en quelque sorte mon mentor. Quand j’étais gamin, j’allais voir Mvoum Jean-Pierre tous les jours chez lui et c’est comme ça que j’ai eu la passion de jouer parce que j’étais en train de suivre ses pas. C’est comme cela que je suis entré dans le football. C’est vrai que j’avais déjà cette passion depuis tout petit, j’ai commencé à jouer à l’âge de cinq ans ou six ans, je jouais déjà avec les grands frères qui avaient dix –quinze ans. Le fait d’avoir Mvoum Jean-Pierre comme voisin et Alain Yoro mon grand frère qui jouait à l’Union de Douala, c’est ce qui m’a encouragé.

Comment vous arrivez au Tonnerre de Yaoundé ?

J’ai commencé avec le Racing cadets, une équipe que le Racing avait à Yaoundé. J’ai commencé là-bas. J’ai fait mes premiers pas à Yaoundé et puis, à l’âge de quinze ans, je suis allé au Racing de Bafoussam. A Bafoussam, j’ai fait un an avec le Racing et après, je suis allé à Fovu de Baham où je suis resté un an et demi. Le Tonnerre de Yaoundé a ensuite entendu parler de moi par le biais de Rigobert Song qui jouait au Tonnerre aussi et c’est ainsi que le Général Semengue a fait tout ce qu’il fallait pour que je vienne au Tonnerre. J’y suis allé parce que c’était une équipe référence. Mon idole Mvoum Jean-Pierre jouait au Tonnerre et pour moi, c’était juste écrit qu’il fallait que je joue au Tonnerre. Et après, quand ils ont sollicité mes services, je n’ai même pas hésité. Qui peut dire non au Général Semengue ? Personne. Donc… c’est comme ça que je suis arrivé au Tonnerre de Yaoundé.

Quelle a été ton idole dans le football ?

Mon idole dans le football c’était Romario de Souza. J’adorais vraiment ce joueur parce qu’il était passionné, il y avait de la qualité. C’était un joueur nonchalant mais qui était d’une efficacité sans pareil. Au  niveau du Cameroun, j’avais aussi un monsieur comme Roger Milla parce qu’après Mvoum Jean-Pierre, quand j’ai côtoyé l’équipe nationale du Cameroun, j’ai appris à connaitre un monsieur comme Roger Milla, j’allais chez lui à la Cité verte, je vivais presqu’avec lui, j’allais nettoyer ses godasses quand j’étais aussi jeune et c’est comme ça que j’ai appris à discuter avec lui et si aujourd’hui, je ne bois et ne fume pas, c’est grâce à lui parce qu’il m’avait dit depuis tout petit qu’un footballeur ne doit ni boire, ni fumer. Je l’ai côtoyé et je crois qu’au niveau du Cameroun et au niveau africain, mon idole, c’était Roger Milla.

Avez-vous des regrets ?

Vous savez, la vie n’est pas parfaite, les regrets, on en a toujours. Mais je pense que si j’ai un regret, c’est vraiment un regret que toute ma vie, je porte et chaque fois que j’y pense, ça me fait mal au cœur. Je pense que si j’avais participé à la Coupe du Monde 1998 en France, j’aurais eu un autre itinéraire au niveau du football parce que j’avais de très bons contacts. Je me  rappelle, à l’époque, j’étais en pourparlers avec l’Olympique de Marseille, je pense que si j’allais simplement en Coupe du Monde 1998, je pense que j’aurais signé à Marseille et mon parcours sportif aurait été différent. C’est un regret que j’ai et j’ai appris à faire avec. Je ne suis pas mort, je pense qu’il y a des grands footballeurs comme Georges Weah que j’aime beaucoup qui n’a pas fait une Coupe du Monde mais qui a eu une très grande carrière. J’aurais pu le faire aussi mais ce n’est pas grave, j’ai aimé ce que j’ai pu faire, j’ai aimé ce que j’ai essayé de faire et pour moi, ça a toujours été un tremplin. Donc, ce n’est pas trop grave.

Que deviens-tu aujourd’hui ? Toujours dans le football ?

Je suis toujours dans le domaine du football. Vous savez, quand on arrête une carrière, ce n’est pas évident du tout de se refaire dans le domaine du football. Que ce soit entraineur de foot ou agent de joueur, ce n’est pas toujours évident. Moi, je suis conseiller sportif. Ça consiste à conseiller, à orienter et à permettre aux footballeurs de ne pas faire les mêmes erreurs que nous avons connues, surtout la jeune génération. C’est ce que je fais en tant que conseiller en France. J’ai ma société qui s’appelle Seven (7) qui s’occupe spécialement d’accompagner les footballeurs et détecte aussi. Et si j’ai trouvé une perle rare, pourquoi ne pas la placer. Je suis plus dans le conseil, l’orientation. Il y a quelques joueurs camerounais déjà qui m’ont fait confiance, je n’ai pas envie de citer leurs noms ici parce que le conseil, c’est un peu secret…

Parlez-nous du temps que vous avez passé avec Marc-Vivien Foe en sélection ?

C’est des moments toujours difficiles quand il faut  parler de Marco parce que je pense que tous ceux qui ont joué à l’époque avec Marc-Vivien Foe ne peuvent dire que du positif sur lui. C’était quelqu’un qui avait un grand cœur, qui savait mettre les gens en valeur, qui savait donner à chacun sa place, qui était surtout très discret. Il n’y a que du positif en parlant de Marco, c’est quelqu’un qui m’a tellement appris ce qu’on appelle le comportement en dehors du football. Comment se comporter, comment être humble, comment ne jamais blesser les autres. Ce n’est pas toujours évident quand vous êtes dans un groupe, d’accepter un peu tout. J’ai eu la chance de côtoyer Marco en dehors du foot. Quand il jouait à Lens, moi, je jouais en Hollande, on se voyait très souvent en Belgique et on échangeait beaucoup. J’apprenais beaucoup de lui. Je me rappelle quand je n’avais pas été sélectionné pour la Coupe du Monde en 1998, il ne m’avait pas appelé, il avait appelé mon ex-femme pour avoir les nouvelles de ma famille parce qu’il savait que les personnes qui en souffraient, c’était surtout ma famille. Il l’a appelée pour lui dire : C’est rien, il n’a pas été appelé pour la Coupe du Monde, c’est un grand garçon, il va se relever. J’ai tellement aimé ça que j’ai gardé avec lui de très bons souvenirs. Jusqu’aujourd’hui, je reste en contact avec son ex-femme et ses enfants. Ça me fait plaisir, je peux parler de lui toute une journée.

Avez-vous regardé la dernière CAN ? Si oui, qu’en penses-tu ?

Oui, j’ai bien regardé la CAN mais je n’étais pas en France. Je l’ai commentée sur une chaine de radio hollandaise. J’étais un peu déçu quelque part parce que je pense qu’on avait l’équipe et les moyens pour faire mieux qu’en 2017. En 2017, c’était une surprise mais tactiquement on était forts cette année-là. On avait un entraineur qui avait su utiliser les joueurs qu’il avait, on avait un groupe qui était vraiment soudé. En 2019, c’était tout le contraire. Je pense que quelque part, on le prédisait, du moins, ceux qui connaissent le football parce que l’ambiance hors football était un peu délicate. On a dit ça avant, on a essayé de faire comprendre à la fédération que le chemin qu’on empruntait n’était pas le bon : un nouvel entraineur avec des joueurs qui n’étaient pas confirmés, avec des joueurs appelés qui n’étaient pas vraiment les meilleurs à leurs postes. On avait déjà un peu tiré la sonnette d’alarme mais ils n’ont pas voulu comprendre. C’est toujours difficile de dire après qu’on avait raison. J’étais vraiment très déçu, hors football, ce n’était pas ce qu’il fallait et en équipe nationale du Cameroun, le plus important c’est ce qui se passe en dehors du football et à ce niveau-là, ce n’était pas du tout les bonnes conditions… Nous avons tiré la sonnette d’alarme en disant que Seedorf, c’était un bon choix mais ce n’était pas le choix adapté pour l’équipe nationale du Cameroun qui sortait d’une victoire à la CAN 2017. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on sait que le Cameroun, c’est un pays délicat. Donc, quand il faut restructurer l’équipe, il faut d’abord pensé aux joueurs qu’on va appeler. Nous avons tiré la sonnette d’alarme quand on a vu les joueurs qui étaient appelés parce qu’il manquait de cadre, il manquait de personnes qui auraient pu passer les messages au vestaire. J’ai toujours demandé pourquoi on n’a pas amené un garçon comme Aboubakar Vincent parce que même blessé, c’est quelqu’un qui pouvait offensivement apporter quelque chose. Même avec une jambe, Aboubakar aurait pu apporter quelque chose. Le cas Moukandjo qu’on a très mal géré en tant que capitaine, on gère toujours très mal les anciens au Cameroun et le fait qu’il y a eu des jeunes joueurs appelés qui n’avait aucune expérience… Vous savez qu’en Coupe d’Afrique des Nations, l’expérience est très importante. Quand vous appelez 23 joueurs, il faut qu’il y ait 18 baroudeurs, 18 anciens, ceux qui savent vraiment comment se passe la compétition et 5 jeunes qui peuvent apporter quelque chose de plus. Ce n’est pas ce qu’on a fait. On a eu des vidéos qui sont sorties, des jeunes joueurs qui n’étaient pas contents de ceux qui ont été appelés, c’était justement ce que nous disions avant.

Que pensez-vous d’une CAN avec 24 équipes et en été ?

Une CAN à 24 équipes et en été, je pense que l’idée n’est pas mal. Ça donne plus de matches, plus d’engouement pour le pays, si c’est un pays qui sait faire la part des choses, c’est plus de recettes, c’est une fête en plus. Je pense que 24 équipes c’est une bonne chose, si et seulement si c’est un pays qui sait accueillir, sait s’occuper des spectateurs qui viennent. Au niveau infrastructure, c’est aussi très important, si on a ce qu’il faut. En été encore c’est une bonne chose parce que ça permet à des personnes de se préparer, de prendre des vacances facilement puisqu’en hiver, c’est plus difficile. 24 équipes, c’est une bonne chose pour le pays qui organise mais il faudrait que ce pays puisse en profiter.

On vous entend souvent parler de Nkomkana. Que représente ce quartier pour vous ?

Vous savez, Nkomkana, c’est le Cameroun pour moi, Nkomakana coule dans mes veines. Vous savez, j’ai grandi dans ce quartier, j’ai appris tout ce que j’ai appris de positif dans ce quartier. Un quartier très difficile où il y a beaucoup de mauvaises compagnies si on veut, mais c’est un quartier où les gens sont très fidèles en amitié et en amour. J’ai eu des grands frères excellents dans ce quartier, qui m’ont appris ce qu’on appelle être humble. Ils m’ont appris ce qu’on appelle le respect des autres. Ils savent respecter les gens parce qu’on grandit en famille. C’est comme un peu dans tous les quartiers au Cameroun. Mais Nkomkana c’est spécial peut-être parce que c’est un quartier où il y a beaucoup de galère, on vit plus en famille, on s’entraidait, on essaye d’être toujours là pour l’autre à Nkomkana. Tous les garçons qui ont grandi à Nkomkana et qui sont en Europe ou en Afrique, quand ils se rencontrent, ils se connaissent parce que les voisins parlent, on va chez les autres, les portes sont toujours ouvertes pour tous les enfants de ce quartier. J’ai eu un soutien total de Nkomkana. Je me rappelle à l’époque quand je partais jouer au Tonnerre, il y avait des moments où je n’avais pas d’argent de taxi pour aller à l’entrainement et à Nkomkana, il y avait beaucoup de taximen, ce qui fait que je ne payais jamais le taxi. Il suffisait que je me mette au carrefour et j’avais deux à trois personnes prêtes à m’amener à l’entrainement. Tout ce que j’ai de plus cher au Cameroun aujourd’hui, c’est Nkomkana.

Comment est arrivée la polémique avec Eto’o ?

Rire (…) Je pense que c’est une polémique qui n’avait pas lieu d’être. Je faisais une émission qui s’appelait « Vestiaire » et Vestiaire, c’est une émission où on parle plus ou moins de ce qui se passe dans les vestiaires. J’ai raconté une anecdote sur la diarrhée de Désiré Job que tous les camerounais connaissent. Cette histoire, c’était en 2000 et tous les camerounais avaient entendu parler de cette histoire. Nous qui l’avions vécu, nous savons plus ou moins ce qui s’est passé. Même aujourd’hui, nous les anciens lions quand on se retrouve, on en parle, Lucien (Mettomo) qui est là peut en témoigner. On disait tout le temps et on savait que pour cette Coupe d’Afrique des Nations, Joseph Désiré Job était titulaire. Il a joué 40 minutes après, il a eu mal au ventre, il a eu la diarrhée et n’a plus jamais joué parce que tout simplement, Samuel Eto’o l’a salué en premier. C’était tout ce qui s’était dit au niveau de l’équipe nationale du Cameroun. Pour nous, c’était une anecdote. Une anecdote ce n’est pas toujours quelque chose de vrai, ça peut être une histoire qu’on a vécue et qu’on raconte. J’ai raconté cette histoire et le concerné Samuel Eto’o n’a pas apprécié, plus ou moins et il a fait une missive où il m’a traité de jaloux, de médisant, j’ai été surpris. Mais ce n’est pas ça même le plus important. Le plus difficile, c’était tous ces gens qui ont fait des commentaires, qui m’ont injurié, disant des choses vraiment blessantes sur ma personne, sur ma famille, ils ont raconté plein de conneries et après, j’ai compris, j’ai supporté tout. Les réseaux sociaux, c’est ça, il faut accepter et passer à autre chose. Mais lui, je pense qu’il accepte certaines choses parce que j’ai l’impression qu’on ne peut rien dire de lui et c’est dommage parce que c’est lui qui dit tout des autres, qui insulte Roger Milla, qui insulte Guardiola, c’est lui le demi-dieu, il sait tout. Dès qu’on dit quelque chose sur lui, il n’accepte pas alors qu’il est un homme public, il doit accepter et c’est dommage.

Est-ce que le fait d’avoir raconté cette anecdote a altéré vos relations avec Eto’o ?

Oui…Je pense que déjà, on n’avait pas une relation d’amis, on avait le respect de l’ancien joueur et du nouveau joueur, le respect que j’avais pour lui en tant que footballeur, que j’ai toujours pour lui en tant que footballeur. Mais je suis quelqu’un pour qui la relation humaine est plus importante que tout le reste. Et à ce sujet, avec lui, j’ai tous les désaccords du monde parce que pour moi, tu peux avoir tout l’argent du monde, tu peux être l’homme le plus influent du monde mais tu dois avoir du respect pour l’humain. Et parfois j’ai l’impression qu’il n’en a pas, surtout en ce qui concerne les femmes. Je ne le cache pas, je l’ai dit à haute voix, je l’ai dit partout et il sait que j’ai toujours dissocié l’homme du footballeur. Le footballeur, il n’est pas comparable. Mais l’homme, il y a tout à revoir. Moi, je le lui ai dit et il le sait… Aujourd’hui quand on se voit, si on peut se saluer, on le fait, si on ne peut pas se saluer, chacun passe sa route. Moi, ça ne change rien à ma vie. J’ai du respect pour le footballeur mais pour l’homme, je n’ai pas du tout du respect, tout le monde le sait et je ne m’en cache pas.

Quel est le coach qui vous a le plus marqué ?

Le coach qui m’a le plus marqué, si je prends en équipe nationale du Cameroun, et c’est quelqu’un qui m’a tellement marqué qu’il m’a fait comprendre à quel point c’est difficile d’être entraineur et c’est pour cela que je ne peux pas être entraineur. Parce que j’ai vu ce qu’il a vécu et ça m’a traumatisé jusqu’aujourd’hui. C’est monsieur Henri Depireux. C’est l’entraineur qu’on avait avant la Coupe du Monde 1998. Il a fait six matches de qualification obtenant cinq victoires et un match nul. Et il a été chassé du Cameroun comme un malpropre, simplement parce qu’il avait réclamé une prime ou bien qu’il fallait payer son hôtel à Mont Febe. Mais ce n’était pas ça, c’est parce que des joueurs, je cite les noms, je ne m’en cache pas, Omam Biyik et son frère Kana Biyik avaient décidé de faire venir Claude Le Roy qui était leur entraineur parce qu’ils n’aimaient pas Dépireux. Parce que Dépireux ne les appelait pas en équipe nationale du Cameroun, ils sont allés voir le Ministre et avec la complicité de ce ministre, ils ont chassé Dépireux. Et la manière dont il a été chassé m’a tellement marqué que j’ai compris qu’être entraineur, c’est vraiment ingrat. C’est Henri Dépireux qui m’a marqué au niveau du Cameroun. Et au niveau de l’Europe, j’ai eu la chance de connaitre un entraineur qu’on appelle Martin Hioll, il a entrainé Totténham, je l’ai connu en Hollande à Roda, j’ai travaillé avec lui pendant trois ans, c’était un fin tacticien et c’est quelqu’un qui m’a beaucoup marqué.

Et c’est donc cette histoire d’Henri Depireux qui vous pousse hors de l’entrainement ?

Oui, c’est cette histoire qui fait qu’aujourd’hui, je ne peux pas être entraineur parce que c’est un métier très ingrat. Donc, je salue le courage des gens comme Rigobert Song, mon frère de cœur, des gens comme Joel Epalle, comme Kalla, des gens qui ont passé leur diplômes, Lucien Mettomo, des grands frères comme Libih Thomas, Mboue Emile… Je dis chapeau parce que c’est des gens qui sont patients, des gens qui ont compris. Tout le monde ne peut pas être entraineur. Moi, je suis conseiller, j’essayerai de faire le meilleur pour pouvoir amener les jeunes joueurs à réussir leur carrière.

Etes-vous prêt à vraiment vous investir dans le football camerounais ?

Oui, bien sûr ! Je ne demande que ça et comme je dis toujours, je ne suis pas prêt à faire n’importe quoi pour avoir un poste. Les postes ne m’intéressent pas, je l’ai toujours dit : c’est travailler pour le football camerounais. Je vois beaucoup de gens qui travaillent ici en France, qui font du bénévolat, le football pour eux, c’est toute une passion. Au Cameroun, tous ceux qui travaillent pour le football, c’est ceux qui veulent seulement gagner de l’argent et c’est dommage. Quand on travaille pour l’équipe nationale du Cameroun, on doit faire du bénévolat. Après, si on gagne à côté, tant mieux ! En premier, c’est d’abord la passion. Si on me dit demain : monsieur Tchoutang, venez ! Je vais d’abord demandé qu’est-ce que je dois faire. C’est très important. Je ne peux pas être là juste pour donner les petits papiers, ça ne sert à rien. Apporter mon soutien à certains footballeurs en attaque, aux ailiers, comment il faut travailler oui ! Apporter mon soutien à un président de fédération en tant que conseiller, oui ! C’est ça pour moi, travailler pour le football camerounais.

Que pensez-vous du retrait de la CAN 2019 au Cameroun et pensez-vous que le pays sera prêt en 2021 ?

Le glissement de 2019 m’a fait sourire. Mais en même temps, tous les passionnés, tous ceux qui ont pu jouer une Coupe d’Afrique des Nations savaient qu’on n’était pas prêt. On ne pouvait pas être prêt parce que tout simplement, c’est dommage chez nous que le politique n’ait pas compris à quel point le football est un vecteur de société. Le football est quelque chose d’énorme. Je vois ici en France comment de petites communes vivent du football. Ils ont des infrastructures, ils ont des stades où il n’y a même personne qui y joue. Vous voyez les petits pays comme le Burkina Faso où on est parti en 1998 pour la CAN. Cette année, le Burkina n’était rien du tout et on voit qu’avec l’aide du football et cette Coupe d’Afrique, ils sont devenu un pays énorme parce qu’ils ont investi. Chez nous, c’est dommage que l’individualisme ait primé sur tout. En 2019, ça a été normal qu’on ne puisse pas organiser cette CAN. On n’était pas prêt. Et en 2021, on risque de vivre la même chose. Je vais vous dire une chose. Pour ceux qui connaissent bien le football et qui sont un peu dans les petits papiers. 2021, ça ne va pas être un problème de stades, pas un problème d’infrastructures parce que les stades, on en a… On va avoir deux, trois, quatre, cinq stades prêts pour 2021, ça c’est sûr. On va avoir les infrastructures, s’il faut. En un an, on peut faire plein de choses si on est vraiment sérieux. Mais ce qui va nous coûter 2021 et nos dirigeants camerounais le savent, c’est le conflit au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Rappelez-vous très bien de ce que l’équipe nationale du Togo a vécu en Angola où on avait tiré sur ses joueurs. Leur gardien de but en est encore traumatisé aujourd’hui parce qu’il est handicapé jusqu’aujourd’hui. La CAN avait décidé qu’elle ne devait plus jamais donné une Coupe d’Afrique des Nations à un pays où sévissent des conflits. Au Cameroun, c’est cela notre problème et nos dirigeants le savent. Tant qu’on n’a pas réglé ce problème de nos frères anglophones, on n’aura jamais une Coupe d’Afrique des Nations et ça, croyez-moi.

Quelles sont vos rapports avec Rigobert Song ?

Rigobert Song, ça représente trop de choses. C’est vraiment le frère. C’est vraiment celui que j’appelle « mon frère » à l’équipe nationale du Cameroun parce que j’ai vécu tellement de choses avec lui. On a commencé cadets ensemble, on est montés juniors, il a été en équipe A avant moi, deux trois mois avant et après, je l’ai rejoint. C’est vraiment le frère. Il l’est devenu encore plus quand il a eu son AVC et qu’il a vécu trois mois hospitalisé en France. C’était moi le gardien, j’étais à l’hôpital le matin à 8 heures, je rentrais à  22 heures. Je vivais à l’hôpital tous les jours et je pense que ça nous a davantage rapprochés. Rigobert Song, plus qu’un collègue, c’est un frère, je peux vivre tranquille en sachant qu’il va bien. Je n’ai pas besoin d’être près de lui tous les jours mais je sais que quand on se parle une fois par mois ou une fois toutes les deux semaines, c’est comme si on s’est parlé hier. C’est vraiment le frère que je devais avoir mais qui n’est pas né de ma mère mais qui est vraiment un frère. Je pense qu’on a vécu tellement de bonnes choses et je crois qu’il le sait, je n’ai pas besoin de le dire que je l’aime et pour moi, il sait bien qu’il a une place énorme dans mon cœur.

Et Lucien Mettomo ?

Lucien, c’est mon libéro, c’est l’homme propre avec qui on a vécu de très bons moments en équipe nationale du Cameroun. Quand il est en France, il m’appelle, on discute. C’est quelqu’un de très intelligent qui respire le football, qui connait le football. Nous, on a joué au football mais je pense qu’on ne connait pas autant cette discipline que lui. En jouant au football, je pense qu’il était déjà un dirigeant parce que c’est quelqu’un qui savait rassembler les autres, conseiller les joueurs. Aujourd’hui, en équipe nationale du Cameroun, je pense que c’est quelqu’un qui doit avoir la place d’un manager parce que je pense qu’il connait fédérer autour de lui, des gens qui ne se parlent pas. Lucien peut permettre que deux personnes qui ne se parlent pas s’asseyent et se parlent. Il a ce truc que beaucoup n’ont pas. Il a le conseil facile. Il sait amener les gens à résoudre les problèmes… Je pense qu’il doit être le manager de l’équipe nationale du Cameroun. Si j’étais président de la FECAFOOT, je mettrais Lucien manager parce qu’il sait réunir les gens et pour moi, c’est le plus important.

Bernard Tchoutang, homme politique ou lanceur d’alerte ?

L’homme ne peut pas vivre sans la société. Quand je vois l’état du Cameroun aujourd’hui et constate que beaucoup de footballeurs n’en parlent pas, ça me fait mal au cœur. Plein de personnes m’ont injurié parce que je suis allé à une marche en France, la marche qui demande le changement au Cameroun parce que j’estime que c’est notre rôle aussi, nous en tant que sportif parce que si on est ce qu’on est aujourd’hui, c’est grâce au peuple. C’est le peuple qui nous a donné notre nom. Moi, j’ai toujours dit, je suis ce que je suis, grâce au peuple camerounais. Et quand le peuple camerounais pleure, je me dois d’être à ses côtés, de tendre le mouchoir pour essuyer ses larmes. Quand je vois l’état politique au Cameroun aujourd’hui et que nous les sportifs, on ne fait rien, on n’en parle pas ouvertement, ça me fait mal au cœur. Mais qu’est-ce que je peux faire ? Je ne peux pas amener les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas. Moi, tant que je le peux je le dis et je le répète. Je veux le changement parce que je pense que c’est de trop, 37 ans en tant que président, c’est beaucoup, tout le monde le dit. Et quand on regarde ce qu’il a fait politiquement, tout le monde trouve des choses à dire. Dire ça, ce n’est pas ne pas aimer le Cameroun. Au contraire, c’est aimer le Cameroun. Politiquement, je pense que j’ai des choses à dire mais je ne crierai pas sur tous les toits. Tout le monde sait ce que je pense. Pour le bien du Cameroun, c’est bien d’avoir une alternance, qu’on voit ce que quelqu’un d’autre peut faire. Je pense que ce serait bien pour nous, pour le football camerounais, pour la politique, pour le grand peuple camerounais, qu’on découvre autre chose. Ce n’est pas gai d’avoir 40 ans et de connaitre le même président. Je pense qu’il y a autre chose à faire. Les mêmes politiciens, les ministres qui font 40 ans au pouvoir, ce n’est pas normal. Je le dis sans me cacher, j’espère que je ne dérange personne en le disant, c’est pour le bien du pays.

Pourquoi les footballeurs ne soutiennent pas assez Joseph Antoine Bell à la conquête de la FECAFOOT ?

Je pense qu’à la dernière élection là, les footballeurs ont soutenu Bell, moi, je me suis exprimé ouvertement et je pense que la grande majorité a soutenu Bell. Mais je pense que ce qui a occasionné sa défaite, il ne faut pas se le cacher, c’est notre ami « Demi-dieu » Eto’o qui a soutenu monsieur Njoya et qui a un peu embrouillé les cartes parce qu’on a vu ce qui s’est passé avec Bell, on a vu la réaction de Roger Milla, c’était à la mesure de ce que Samuel a fait. Je pense qu’il va le regretter parce que beaucoup de footballeurs ne sont pas contents parce qu’on peut dire ce qu’on veut : Bell a une grande gueule, Bell peut dire ce qu’il veut, il n’est peut-être pas l’idéal mais je pense que pour les footballeurs, c’était l’homme qu’il fallait à la tête de la fédération parce que non seulement c’est un monsieur qui peut fédérer, c’est un monsieur qui peut nous amener du monde et c’est un monsieur surtout qui sait ce qu’il faut faire, qui sait où mettre les footballeurs et j’espère vraiment qu’il n’est pas trop tard et qu’on trouvera quelqu’un d’autre qui aura la grandeur d’un Bell et qui pourra fédérer tous les footballeurs autour de lui.

De Bell et Eto’o, qui aurait le meilleur profil selon vous pour gérer la FECAFOOT ?

Joseph Antoine Bell, je pense que normalement, il doit être à la tête de la fédération camerounaise de football parce qu’il saura s’entourer de meilleurs, il saura conduire le football camerounais vers de meilleurs horizons. C’est d’abord quelqu’un de pragmatique, il aime le travail bien fait et je pense qu’il va certainement faire ce qu’il faut pour avoir de bons footballeurs autour de lui, ceux qui peuvent et il va savoir mettre aussi les non footballeurs pour gérer le football et ça, c’est une bonne chose. Pour Samuel, c’est un peu délicat parce que c’est quelqu’un qui est imbu de sa personne. Il veut toujours tout faire seul, il est toujours meilleur, personne ne sait mieux que lui et c’est très difficile quand tu es quelqu’un qui veut gérer une fédération, ce n’est pas évident. Je pense qu’il faudra déjà qu’il puisse réunir les anciens footballeurs, ce qui n’est pas chose facile pour lui. Ce qu’il a fait à Bell en 2018, je pense que beaucoup de footballeurs ne l’ont pas apprécié et j’espère qu’il va pouvoir un jour s’expliquer et que les autres footballeurs vont l’accepter et que finalement, il pourra peut-être fédérer tout le monde autour de lui.

Quelle différence faites-vous entre la génération d’avant et celle d’aujourd’hui ?

Quand je parle de génération d’avant, je prends les deux générations parce que j’ai eu la chance de côtoyer un peu celle de 1990 en 1994 en Coupe du Monde, j’étais à Clairefontaine avec eux, j’ai côtoyé Roger Milla et tout le reste, les Thomas Nkono… et ma génération à moi : Rigobert Song, Kalla et autres. On avait une génération de sacrifiés. Le maillot pour nous était important, il n’y avait pas autre chose que le maillot. Quand on nous appelait, c’était une fierté et quand on n’était pas à l’équipe nationale, on pleurait. On jouait pour rien, on était prêt à faire un voyage en voiture même jusqu’au Nigéria ou au Sénégal pour jouer avec les Lions parce qu’on savait à quel point pour nous, c’était l’idéal Cette génération ci, ils n’ont pas ce même vécu parce qu’ils ne connaissent pas le Cameroun. Ils n’ont pas joué les matches à Mfandena, ils n’ont pas joué les Tonnerre-Canon, ils n’ont pas joué les Union de Douala-Racing de Bafoussam, les matches vraiment où on apprenait ce que c’est que le football camerounais. Cette génération ne vit pas la même chose que nous parce qu’ils n’ont pas ce vécu et cet amour du maillot que nous, on avait.

Eto’o, Diouf, Drogba, Mboma. Pouvez-vous classer ces anciens par ordre en justifiant ?

Pour moi, le footballeur, ce n’est pas seulement celui qui tape dans un ballon, le footballeur c’est celui qui, en dehors du football est un exemple, quelqu’un qui fédère et pour cela, je vais mettre en tête Mboma parce que pour moi, non seulement c’est un grand footballeur mais en plus, c’est quelqu’un qui sait fédérer autour de lui, qui sait accompagner les jeunes, qui sait aider ses anciens coéquipiers. Moi, il faut que je le dise, j’ai vécu des choses et il a toujours été là pour moi. Je mettrais Samuel en deuxième position parce que c’est un camerounais et que c’est probablement le footballeur africain le plus titré, après, le prends Diouf et le reste… J’aurais voulu mettre même Mane avant mais je pense que Mane a encore beaucoup à faire pour prendre la première place plus tard. Je n’ai pas mis Didier Drogba parce que s’il fallait regarder seulement sur la compétence, Didier Drogba peut être devant Patrick Mboma, ça c’est sûr. Mais je suis chauvin et je mets mes frères camerounais en premier, ce qui est normal.

 

Lion Indomptable