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Inculpation du professeur Kamto et Cie : détention politique ou de droit commun?

Une fois encore, comme cela est devenu un peu viral ces derniers temps, les projecteurs se sont braqués sur le professeur Kamto, à la faveur de la sortie musclée du Sous-secrétaire d’État américains aux affaires africaines, Tibor Nagy. En effet, le 5 mars dernier, ce haut commis américain a « conseillé » aux autorités de Yaoundé, de procéder à la libération de Kamto et de tous ses partisans, parce qu’une telle arrestation est considérée comme… « politique »…ce qui est « inacceptable » de nos jours.

La réaction, un peu malheureuse, du Gouvernement « conseillé », ne s’est pas fait attendre. Pour le successeur d’Issa Tchiroma (que certains commencent à regretter) au ministère de la Communication, il s’agit, ni plus, ni moins que d’une ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun. Car, « M. Kamto n'est nullement en détention pour avoir exercé des activités politiques, ou participé légalement au jeu politique ».

Voilà une déclaration dont le Gouvernement aurait pu s’en passer, et qui relance « l’artillerie » de Kamto et donne du grain à moudre aux scribes de l’instant et de tous les instants. Et, du coup, la question qui saute à l’œil est celle de savoir la nature réelle de la détention de celui qui continue de déclarer avoir « marqué le penalty » à l’issue de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Mais avant d’y voir clair, intéressons-nous à quelques préalables.

D’abord un mot sur la déclaration du MINCOM

Pourquoi a-t-on besoin de réagir chaque fois qu’une « attaque » sur les questions de droit de l’homme est portée contre le Cameroun, alors même que l’on peut prendre du temps pour y voir clair, comprendre et garder un dialogue positif avec les auteurs desdites « attaques » ? La communication gouvernementale avait-elle lieu d’être du moment où le principal concerné est annoncé à Yaoundé le 17 courant et qu’une saine discussion aurait pu être engagée avec ce dernier « in situ » ? L’empressement du Gouvernement à communiquer en réaction et donc sur le tard, ne traduit-t-elle pas la fébrilité avec laquelle il appréhende la question Kamto et ses partisans ? En tout état de cause, en le faisant de cette manière-là, il n’a pas aidé le Gouvernement à se sortir d’affaire, mais a plutôt incité à se poser d’autres questions, notamment celle de l’internalisation de la règle du droit international que le Cameroun a régulièrement signée et ratifiée pour être appliquée au Cameroun. On en veut pour preuve, la sortie juste après de l’union européenne et de la responsable en chef des Droits de l’Homme de l’ONU, allant dans le même sens. Et, dire de Kamto qu’il « n’est pas en détention pour avoir exercé des activités politiques, ou participé légalement au jeu politique » relance le débat sur la clarification des concepts…usités.

Ensuite la clarification du vocabulaire

Gérard Cornu

  • « exercer des activités politiques » suppose participer à la vie politique, se mettre au service de son parti ou de ses idéaux dans le but de consolider ou de changer l’ordre politique établi ;
  • « participer légalement au jeu politique » signifie avoir la possibilité de prendre part aux élections, donner son avis par rapport auxdites élections, contester ou approuver le verdict par les voies reconnues par le Droit ; lequel est différent de la loi (à suivre).

Et Luc Sindjoun, dans son cours sur l’introduction à la science politique, précise que tout est potentiellement politique pour autant que la cité en soit concernée.

S’agissant de l’expression « infraction de droit commun », l’on devrait la considérer comme une infraction non politique, non militaire ; bref une violation de la loi qui ne porte pas atteinte à l'ordre politique, à l'ordre public et à la sureté de l'État (https://www.doc-du-juriste.com/blog/conseils-juridiques/infractions-droit-commun-definition-infraction-elements-constitutifs-09-09-2016.html).

Cela étant, comment comprendre les faits relatifs au MRC en omettant la qualification politique ?

Les faits au secours de la qualification « politique » des arrestations querellées

  • À la suite de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, élection à laquelle a pris part le professeur Kamto, suivi bientôt par des alliés sérieux, Éric Kingue, Penda Ekoka, Albert Dzongang, puis par le ralliement d’un autre candidat à ladite élection, le Bâtonnier Akéré Muna, le premier a dès le 08 octobre déclaré avoir été élu : c’est le 1er acte politique précurseur de ce qui lui arrive aujourd’hui et que ne peut contester aucune personne munie un tant soit peu de bon sens. Et le Ministre de la communication l’a plusieurs fois réitéré comme ce fut le cas à RFI le 1er février 2019 lorsqu’il déclara que « ce que l’on constate, c’est que dès le lendemain de l’élection présidentielle, le 7 octobre dernier, le MRC a véritablement choisi de s’inscrire dans une logique systématique de contestation, de provocation, de remise en question d’une élection qu’il n’a pas gagnée, d’une élection qu’il ne pouvait pas gagner en toute logique »;
  • Au terme d’un contentieux qui aura fait couler beaucoup d’encres et de salives, et alors que le président sortant a été déclaré élu, un plan de résistance nationale a été élaboré et publié par ce candidat tendant à continuer à réclamer sa victoire et dire non au « hold-up électoral » : tel est le deuxième motif qui chagrine le pouvoir de Yaoundé et là encore, il y a manifestement une querelle de nature éminemment politique 
  • Les marches organisées le 26 janvier 2019 au Cameroun et non pas à l’étranger comme le claironnent le pouvoir (car, M Kamto n’a aucun pouvoir au-delà du territoire camerounais), et qui ont été étouffées dans l’œuf, ce qui a fait dire à tort à Mme Suzanne Kala Lobé que « Kamto ne mobilise pas », ont une fois de plus profondément égratignées l’égo du président. Surtout au vu de ce que l’on a appelé les « saccages » des ambassades de Paris et de Berlin. « À Paris et Berlin, nous avons tous été témoins d’une violence inouïe, perpétrée par les militants du MRC » dira sans preuve le Mincom dans la même interview précitée. Ici se trouve la 3ème et plus importante manifestation politique organisée par le MRC. Toutes les personnes arrêtées l’ont été, soit au cours des marches politiques du 26 janvier, soit juste après, soit alors…en prolongation desdites marches…soit même juste pour avoir fait une déclaration en soutien à ladite marche (c’est le cas d’Éric Kingue, arrêté devant un restaurant)…

Au vu de ce qui précède, l’esquive de la qualification politique en l’espèce est bien curieuse. Et, pour peu que l’on soit objectif, sans avoir besoin de soutenir quiconque, il est difficile de démontrer que le professeur Kamto et ses partisans sont embastillés pour des questions de droit commun, alors même qu’aucune occasion n’est ratée pour démonter le contraire : le tribunal militaire, les communications tous azimuts, les arrestations à l’emporte-pièce…le refus systématique de la liberté provisoire bien que toutes les garanties aient été réunies par les requérants…l’inculpation pour des faits « d’insurrection, d’hostilité contre la patrie » qui sont bel et bien des infractions de nature à porter atteinte à la sûreté de l’Etat et donc, des infractions principalement contraires au droit commun !

Au total, l’hypermédiatisation, doublée des appels incessants et interminables pour la libération des mis en cause,  démontrent à suffire que personne ne croit aux élucubrations du gouvernement et ceux qui le soutiennent mordicus. Mais aussi, on a ici la preuve que cet homme-là, Maurice Kamto, a une étoffe internationale que n’a pas révélée l’élection présidentielle. Pour tout ça, ces Messieurs et Dames qui disent être libres, seront bientôt matériellement libres que ce soit « vrai ou faux » dixit Tibor Nagy.

À suivre…

Par Emmanuel MIMBÈ