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«J'espère que Eto'o va arrêter de me mettre des bâtons dans les roues. Il fait tout pour nous déstabiliser », Marc donne un dernier ultimatum au patron de la Fecafoot

Marc Brys, entraîneur des Lions Indomptables, a adressé un ultimatum à Samuel Eto'o, président de la Fecafoot, lui demandant de cesser de perturber l'équipe. Dans une interview exclusive accordée à nos confrères de DHNET, le technicien belge de 62 ans dénonce l'influence négative d'Eto'o sur le fonctionnement de la fédération. Malgré les conflits, Marc Brys se dit déterminer à construire une équipe compétitive.

Lire l’intégralité de interview exclusive accordée par Marc Brys à nos confrères de DHNET

Vous avez gagné la Coupe avec le Germinal Beerschot en 2005 et le trophée Goethals en tant que coach d'OHL en 2021, mais il aura fallu cet affrontement avec Eto'o avant d'être mondialement connu.

"(Rires) Ce n'était pourtant qu'une simple altercation. J'espère surtout que la Fecafoot, la fédération camerounaise de football dont Eto'o est le président, va arrêter de me mettre des bâtons dans les roues. Cela me dérange énormément parce que, hélas !, ils font tout pour nous déstabiliser et donc pour augmenter nos chances de perdre. Comment peut-on être contre son propre pays ?"

Retournons d'abord à cette scène du 28 mai qui a fait le buzz.

"La Fecafoot nous avait convoqués une énième fois dans ses locaux, comme d'habitude sans nous communiquer l'ordre du jour. Vu l'agressivité et les menaces dont je faisais l'objet sur les réseaux sociaux, le ministre des Sports avait demandé à deux de ses collaborateurs de nous y accompagner. Arrivé largement en retard, Eto'o m'a vu mais m'a initialement ignoré, avant de me faire signe de façon assez agressive de le rejoindre. Je n'aime pas recevoir des ordres, et surtout pas quand on ne me dit pas bonjour. Je lui ai donc laissé un vent, et c'est à partir de ce moment-là que la vidéo démarre. Il s'est senti humilié parce que je lui ai rendu la monnaie de sa pièce en étant méprisant comme lui et il a donc commencé à crier et à me menacer. Avant cela, il avait d'ailleurs été discourtois et outrageant vis-à-vis du conseiller du ministre des Sports."

Vous êtes resté très calme.

"J'avais trois possibilités. Soit, je m'enfuyais. Soit, je me battais, mais là, j'aurais été viré. Soit, je ripostais à son agressivité en le confrontant avec quelque chose qu'il n'aimait pas du tout. Quand il m'a dit qu'il avait été entraîneur, j'ai rétorqué – j'avais lu cela auparavant : 'Oui, en Turquie (à Antalyaspor en 2015). Mais seulement pendant trois semaines. Félicitations !' Puis, il m'a dit que j'étais viré. J'ai répliqué : 'C'est la quatrième fois que tu dis ça, mais tu n'as pas le pouvoir pour me virer. C'est la responsabilité du ministre des Sports.'"

Vous n'avez pas eu peur ? On voit que votre T2 Joachim Mununga était prêt à intervenir.

"Oui, Joachim s'était rapproché de nous. C'est un bon gars (rires). Mais pourquoi aurais-je dû avoir peur ? S'il avait frappé, j'aurais réagi de manière énergique. S'il avait émis des menaces envers ma fille ou mon fils, je ne sais pas si j'aurais gardé mon calme. Mon papa m'a toujours appris qu'il ne faut pas reculer et qu'il faut encaisser s'il le faut. J'ai suivi son conseil. Quand ma femme a vu les images, elle m'a demandé ce que tout cela signifiait. Mais bon, entre-temps, elle me connaît."

Deux jours plus tard, Eto'o s'est excusé.

"De façon gluante, à une conférence de presse retransmise à la télé. Il voulait me serrer dans les bras. Mais encore deux jours plus tard, c'était rebelote."

Quand il a désigné un nouveau coach national, qui a démissionné après un jour ?

"Il a une équipe de réseaux sociaux autour de lui. Mais 80 % des infos qu'ils annoncent sont erronées ! C'est de la pure fiction, mais les gens le croient. J'ai soi-disant déjà été viré 37 fois. Vu son passé de footballeur et ses origines, il est soutenu par les classes populaires. Il est très puissant, même s'il n'a réussi que comme footballeur. Dans les autres domaines, il a échoué : comme entraîneur, comme entrepreneur et visiblement comme dirigeant, quand je vois sa façon de faire à la Fecafoot. J'ai 62 ans, un âge auquel on dit les vérités aux gens, pour les aider à évoluer. Mon prédécesseur Rigobert Song était sa girouette et n'avait rien à dire. Eto'o rentrait dans le vestiaire avant le match et au repos et il changeait l'équipe de A à Z. Les joueurs se sentaient tyrannisés, c'était une farce totale. Dans un tel environnement, il ne fallait pas attendre que le Cameroun réalise les performances qu'on attend de lui."

À l'avant-veille de votre premier match, la victoire 4-1 contre le Cap-Vert, vous n'aviez pas de car, pas de ballons ni d'équipements.

"En effet. C'était fait exprès. Et donc, j'ai dit à mes joueurs que l'entraînement était remplacé par une promenade. J'ai voulu montrer que ça n'allait pas comme ça. Ce n'était pas tout. Avant notre match en Angola, il n'y avait soi-disant pas de chambres dans l'hôtel pour les entraîneurs, uniquement pour les joueurs et les dirigeants. J'ai refusé d'aller ailleurs et on a reçu une chambre. La nuit avant le match, j'ai reçu un mail à 1h30 et 5h40 disant que les passeports des joueurs et les noms de l'équipe de base devaient être fournis à un commissaire de la Fifa qui logeait à une heure et demie de là. À 7 heures du matin, j'ai loué une voiture pour aller tout lui donner moi-même. Je craignais que la Fecafoot fasse des changements dans mon équipe. Et puis, nouvel incident : les membres de mon staff n'étaient pas accrédités pour ce match. André Onana, gardien de Manchester United, a donc dû s'échauffer lui-même, sans entraîneur des gardiens ! Du jamais-vu. Voilà ce que Samuel Eto'o, grand footballeur qu'il a été, a fait en tant Président de sa fédération."

Comment voyez-vous votre future collaboration avec Eto'o ?

"La balle est dans son camp. S'il veut des relations cordiales et apaisées, je suis preneur. S'il veut des relations inamicales et brutales, elles le resteront jusqu'à ce que je finisse ma mission, qui consiste à reconstruire une équipe du Cameroun conquérante, comme on l'aime dans le monde entier. Certains doivent savoir tourner la page pour laisser les plus jeunes générations écrire la leur."

On croyait que vous partiriez au Nigeria, qui vous voulait en pleine crise avec Eto'o.

"Cela aurait été trop facile de m'enfuir pour un salaire plus élevé."

Vous savez que votre salaire actuel est paru dans les journaux ?

"Non seulement, le montant n'était pas correct (NdlR : 420 000 euros brut par an), mais grâce à une clause dans mon contrat, j'aurais aussi pu démissionner tout en touchant tout mon salaire en cas de fuite dans les journaux. J'ai songé à le faire (rires). Mais finalement, je n'en ai pas fait usage. Je ne voulais pas quitter mon formidable groupe de joueurs. Quelle ambiance. Un exemple : en Europe, le bizutage d'un nouveau joueur dure 30 secondes, le temps de chanter quelques mélodies. Au Cameroun, ça prend 20 à 30 minutes. C'est un véritable spectacle, une sorte de pièce de théâtre."

Comme vedettes, il y a Onana de United mais aussi Choupo-Moting et des joueurs de l'OM, de Brentford, de Brighton et de Naples. La présence de Didier Lamkel Ze dans la sélection nous a surpris.

"Didier a été exemplaire. C'est le joueur qui m'appelle le plus. Il a reçu une offre d'un club de D2 en Russie et en Turquie et il m'a demandé mon avis. Je lui ai dit que ce serait mieux de jouer en D1. Lors du 4-1 contre le Cap-Vert, il n'est pas bien monté au jeu. Je lui ai expliqué qu'il devait être aussi je-m'en-foutiste sur le terrain qu'en dehors, qu'il devait oser ! Il a failli marquer le but de la victoire en Angola (1-1)."

L'ex-Carolo de Vérone, Jackson Tchatchoua, a joué les 90 minutes dans chacun des matchs.

"Dans le premier match, il était même le meilleur joueur sur le terrain. Je le lui ai bien dit cinq fois, pour le charrier (rires). Il a une excellente mentalité, quatre poumons, de bons pieds. Il n'était initialement pas mon premier choix, mais il m'a convaincu aux entraînements. Je ne l'ai pas regretté."

Comment est la vie à Yaoundé ?

"J'aime Yaoundé. J'ai un chauffeur personnel et un garde du corps, qui sont disponibles dès 5h30 du matin. On se déplace avec une sirène et les quatre clignotants allumés. Parfois, mon chauffeur doit quasiment repousser les autres voitures qui viennent dans le sens inverse pour pouvoir passer. Au début, j'avais des motards à ma disposition, mais je trouvais que c'était un peu excessif. Je suis tellement aimé par les Camerounais que je suis systématiquement submergé par les fans. J'ai donc appris à ne plus aller au resto en ville, car je passe plus de temps à signer des autographes et à être filmé qu'à manger. Et même si j'essaie de me camoufler, ce n'est pas facile de passer inaperçu (rires)."

Vous n'étiez pas mieux en Belgique ?

"Non. Soit, j'arrêtais en tant qu'entraîneur, soit je devenais coach fédéral. J'ai été approché par plusieurs pays africains. Mais j'ai choisi le Cameroun, un pays de football mythique. J'étais un des 46 candidats au poste d'entraîneur, une sélection pilotée de façon très professionnelle par le Ministère des Sports. Malgré tout ce qui s'est passé, je n'ai pas encore regretté cette aventure."