L’universitaire camerounais Achille Mbembe dans cette sortie fait une réflexion profonde sur situation politique au Cameroun au lendemain du scrutin présidentiel.
CAMEROUN : L’ON N’ECHAPPERA PAS A UNE TRANSITION
L’on aurait tort de cesser de braquer les lumières sur ce qui se joue au Cameroun. Le choc final n’a pas encore eu lieu, et la farce électorale qui vient de s’y dérouler n’a fait que reporter les échéances.
Elle a aussi révélé l’irréparable fracture qui existe désormais entre un régime honni et désavoué et une masse quasi-hebetee, qui tente finalement de se désenvouter.
Pour acheter les consciences, des milliards de francs sont partis en fumée. Ils viennent s’ajouter aux 30-40% du budget de l’Etat qui, bon an mal an, sont engloutis dans la consommation somptuaire par l’une des élites les plus voraces et les plus prédatrices du continent.
Les organisations internationales ont recensé entre 40 et 50 morts – chiffre en apparence anodin si on le compare aux plus de 700 enregistrés lors du carnage en Tanzanie, ou aux 2000 identifiés quelques années auparavant, lors des massacres kenyans.
A la ‘saison des tueries’ (le vrai nom qu’il faut donner a bien des pseudo-elections africaines) succède celle des emprisonnements, la chasse aux sorcières, la traque des dissidents, les enlèvements et disparitions. La lutte politique étant un jeu à somme nulle dans ces contrées et le pouvoir un butin tribal que l’on se partage en famille, il faut bien récompenser laquais et sicaires, punir ceux et celles qui ont osé se tenir debout face au satrape, et à force de vendetta et de terreur, extirper, autant que faire se peut, tout le reste.
Ces manoeuvres passent cependant à côté de ce qui compte véritablement.
Le constat, unanime et irréfutable, est simple.
L’ère-Biya est terminée.
Le bilan est calamiteux et il n’y a strictement rien à attendre de ce qui vient.
Le personnage et l’ensemble de ses créatures appartiennent au passé.
Il faut, sans délais, tourner la page.
Le pays n’échappera pas à une transition.
La question aujourd’hui est de savoir si elle sera subie (et par conséquent désastreuse) ou non.
C’est cette transition qu’il importe d’organiser.
Nul ne le fera à la place des Camerounais. Il leur appartient d’articuler l’Agenda de cette transition en réactivant leur imagination, en s’adossant sur leur intelligence collective et en convoquant l’énergie requise pour dessiner un futur alternatif, surtout pour les générations dont l’avenir est actuellement confisqué par une gérontocratie cynique, sans foi ni loi.
Des idées et propositions pour inventer ce futur existent. C’est à les nourrir et à les porter collectivement qu’appellent les temps.





