Dans sa tribune publiée sur internet, Me Dimitri Amédée Touko, critique le projet de loi de finances 2025. Selon lui, le gouvernement camerounais est déterminé à exercer une pression fiscale injuste sur les citoyens, alors que les élites échappent à leurs obligations. Avocat au Barreau de Paris, Maitre Toukou fustige cette approche qui ne garantit pas efficacité économique, et appelle à repenser le système fiscal.
Lire ici sa tribune :
Le Gouvernement camerounais vient à travers un projet de loi de finances, que j’appelle loi de la taxation tous azimuts, d’exposer le marasme managérial qui a fait de ce pays jadis admiré, adulé pour son potentiel économique, sa croissance et sa prospérité, un pays instable, défaillant, mendiant, dangereux.
Il y a néanmoins des constances qui se déclinent dans cette fiscalité de la prédation. C’est la fidélité du régime fainéant et cleptocrate de Yaoundé, à sa politique économique de la Chasse et de la Cueillette, devenue la Politique économique de la Chasse au feu de Brousse.
Elle se résume en cette formule : on ne crée rien, on ne produit rien, mais on récolte ce qu’on n’a pas semé… Et quand on a fini de manger les fruits de la forêt et de chasser les animaux qui s’y trouvent, on y met du feu pour la raser dans le but de s’emparer du restant de sa faune.
Le résultat c’est qu’après le feu, il n’y a plus ni flore, ni faune.
LA DÉCLARATION DES REVENUS DES PARTICULIERS IMPOSÉE AU PETIT PEUPLE
Le 25 avril 2006, le président de la République a promulgué la Loi n° 003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs, en application de l’article 66 de la Constitution.
Cette loi prescrit la déclaration des biens et des avoirs au début et à la fin de leur fonction ou mandat, pour : le Président de la République ; le Premier ministre ; les membres du gouvernement et assimilés, le Président et les membres du Bureau de l’Assemblée Nationale ; le Président et les membres du Bureau du Sénat ; les députés, les Sénateurs ; tout détenteur d’un mandat électif ; les Secrétaires généraux de ministères et assimilés ; les directeurs des administrations centrales ; les directeurs généraux des entreprises publiques et parapubliques ; les Magistrats ; les personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement, du maniement des recettes publiques et du contrôle budgétaire, tout gestionnaire de crédits et de biens publics.
Voilà bientôt 20 ans que Paul BIYA et son gouvernement n’ont pas cru devoir se soumettre à ce dispositif. Malgré tout, ils se croient légitimes à enjoindre le bas- peuple à déclarer ses revenus. Or l’idée de l’impôt repose essentiellement sur la solidarité, sur la légalité et sur le consentement . Elle s’inspire donc d’une certaine justice sociale, dont la neutralité est le corollaire. Des obligations légales et fiscales qui ne concernent qu’une partie des citoyens tuent l’impôt.
QUAND LA FISCALITE SE REDUIT EN LA TAXATION DES MORCEAUX DE VIANDE DANS L’ASSIETTE DU PAUVRE CITOYEN, C’EST LA FIN DE L’IMPÔT, C’EST LE BRAQUAGE
Un impôt doit être porté par l’idée de justice dont le corollaire est son utilité et sa pertinence économique. Au regard de ce qui précède, il est établi que le projet de loi de finance 2025 du Cameroun, est l’expression d’un véritable gribouillage économique, tant la définition de son assiette et donc des prévisions de recettes, sont quasiment impossibles. Cet impôt qui se réduit à tordre les mains chétives du citoyen pour lui arracher ses miettes de survie est simplement un impôt de la provocation, un impôt de la prédation d’État.
Par ailleurs, le caractère obligatoire de l’impôt repose sur la possibilité de recouvrement forcé par l’État en cas de non-paiement. Quel en serait donc le gage dans ces hypothèses ? L’Etat prescrit ici le harcèlement physique tous azimuts du citoyen dans tous les actes de la vie civile y compris sa liberté d’aller et venir. Il faut donc prévoir que des policiers corrompus camerounais, exigent des citoyens, en plus de leur carte d’identité nationale que l’Etat n’arrive pas à produire, leur quitus fiscal dans la rue…
Enfin, en matière managériale comme en matière fiscale, quand une solution est encore plus compliquée que le problème, il faut l’abandonner. Si recouvrer un impôt coûte plus cher à l’État en termes de coût global économique et politique, il faut rapidement s’en débarrasser.
Un impôt juste est avant tout un impôt simple.