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Le professeur Nkou Mvondo donne des leçons de droits au Ministre Atanga Nji et à ses collaborateurs

Le Professeur Nkou Mvondo critique le Ministre Atanga Nji dans une lettre ouverte, reprochant à ses collaborateurs de ne pas lui donner de conseils juridiques. Il remet en cause la légalité du communiqué interdisant des organisations politiques et met en garde contre les actions anticonstitutionnelles demandées aux fonctionnaires du ministère de l'administration territoriale. Le Professeur Nkou Nvondo évoque la liberté d'association et de manifestation politiques, et exhorte les collaborateurs du Ministre à agir dans l'intérêt de la République et non de la politique partisane. Le dialogue et le respect des droits des citoyens sont mis en avant comme des principes fondamentaux à respecter.

 

Mesdames et Messieurs les Hauts fonctionnaires en service au Ministère de l'Administration territoriale,

Le 13 mars 2024, votre supérieur hiérarchique, le Ministre de l'Administration territoriale, a signé et publié un communiqué interdisant d'activité deux (02) organisations politiques, à savoir : l'Alliance pour la Transition Politique (ATP) et l'Alliance Politique pour le Changement (APC). Ce communiqué a surpris et scandalisé plus d'un Camerounais. Je me suis demandé comment un tel document, avec un contenu déshonorant pour le Cameroun, a pu sortir des bureaux du Ministère de l'Administration territoriale. Je ne m'en prendrais pas au signataire du document, qui n'est qu'un homme politique, visiblement non outillé en matière de droit et de technique d'administration publique. Je m'adresse à vous, collaborateurs du Ministre, dont la mission première est de le conseiller dans le processus de prise des décisions. Vous êtes présumés intelligents, et dotés de connaissances acquises après de nombreuses années à l'université et, pour de nombreux d'entre vous, à l'Ecole nationale d'administration et de magistrature (ENAM).

La différence entre l'illégalité et la non légalité

 
 

Mesdames et Messieurs, le communiqué de votre supérieur hiérarchique s'en prend aux deux (02) organismes citées plus haut ; il prétend que celles-ci sont « clandestines ». Pour peu que l'on soit allé à l'école de la langue française, le terme « clandestin » renvoie à une existence à la fois secrète et illégale. Pourtant, dans le communiqué du Ministre, il est dit que ces organisations tiennent des conférences de presse, une activité par essence publique. Les organisations citées ne sauraient dès lors être qualifiées de « clandestines », puisqu'elles sont visibles par le public, à travers ces conférences de presse. A ce niveau, le communiqué entre en contradiction avec lui-même. Par ailleurs, c'est le lieu de vous rappeler que des organisations non déclarées, comme le sont l'APC et l'ATP, ne sont pas obligatoirement « illégales » ; elles le seraient si dans leur création et/ou dans leur existence, sur descelle des points de violation de la loi. Il s'agit en réalité d'organisations « non-légales », parce que non-légalisées, c'est-à-dire non-déclarées auprès de l'administration étatique. La déclaration d'un groupement permet à celui-ci de prendre l'une des formes prévues par le droit positif : association civile, parti politique, société civile ou commerciale et autres. La nuance entre « illégal » et « non-légal » s'apprend à l'université où vous êtes passés, Mesdames et Messieurs les collaborateurs du Ministre de l'Administration territoriale. Aux étudiants de ces institutions de formation, on enseigne aussi qu'il existe des associations et des sociétés « de droit », celles qui sont déclarées, distinctes des associations et des sociétés de « fait », ou « créées de fait » qui, bien que non déclarées, sont en droit de mener, en toute liberté, à ciel ouvert, des activités de leur choix, dans le respect des lois et des règlements de la République. Ceci dit, traiter de « clandestines » l'ATP et l'APC, regroupements de « fait », est un acte de diffamation pour lequel l'auteur du communiqué, et ses éventuels complices, peuvent être poursuivis devant les juridictions pénales.

 

Le devoir de vérité

Mesdames et Messieurs les Hauts fonctionnaires, votre supérieur hiérarchique, le Ministre de l'Administration territoriale, prétendent que des regroupements, mis sur pied en vue de la préparation des élections de 2025, sont dans la « illégalité » dès qu'ils n 'ont pas été déclarés comme partis politiques. Vous avez le devoir de dire à votre Ministre que les rencontres, les amitiés, les alliances, les regroupements sont libres dans un État de droit. Vous auriez dû inviter Monsieur le Ministre à se souvenir qu'il fait lui-même partie d'un regroupement politique appelé : « Alliance RDPC-UNDP-FSNC-MDR-PADDEC », qui gouverne le Cameroun en ce moment ; son attention devrait également être attirée sur le fait que son mentor politique, le Président Paul Biya, a été réélu en 2018 grâce à, entre autres, une alliance politique dénommée « G20 », un regroupement stratégique de vingt (20) partis politiques, à qui le Ministre de l'Administration territoriale n'a pas exigé le statut de parti politique pour leur permettre de mener des activités politiques. Vous auriez dû demander à votre Ministre pourquoi ce qui est possible dans l'intérêt de son mentor, et dans son propre intérêt, ne l'est plus lorsqu'il s'agit d'une alliance en faveur d'autres citoyens. Vous devriez lui faire savoir qu'il est au service de la République et non au service des intérêts politiquesment partisans ; ceci l'amènerait à ne pas intimider ceux qui ne sont pas du même bord politique que lui. Les activités politiques dans un pays ne se limitent pas à celles des partis politiques : la politique est l'affaire de tous. En effet, les citoyens qui vont voter le jour du scrutin ne sont pas nécessairement membres des partis politiques, mais impliquent ce jour-là, un acte politique majeur ; les groupements de personnes, au même titre que les citoyens pris isolement, sont en droit de débattre des sujets politiques, mener des activités politiques, dans les villes et villages, en privé comme en public, dans les médias et autres espaces, sans préalablement se constituer préalablement en parti politique, contrairement à ce que pense malencontreusement le Ministre. Pour tout dire, des regroupements comme l'ATP et APC, sans être des partis politiques, sont en droit de débattre et de mener des activités politiques, notamment dans le cadre de la préparation des élections de 2025 ; contre cela, Monsieur le Ministre n'y peut absolument rien. De nombreux autres mouvements et organisations, non déclarés comme partis politiques, existant au Cameroun à l'heure actuelle : « Elites-ressortissants de… », « Cercle des amis de… » et bien d'autres. Dans leurs activités, hautes politiques, ces regroupements demandent, à la moindre occasion,ils peaufinent des stratégies pour le succès de leur futur candidat ; Il existe même une organisation bien connue qui, sans être un parti politique, appelle à la candidature du fils de Paul Biya. Pourquoi le Ministre ne veut-il pas que des organisations, « de fait » ou « de droit », se forment pour appeler à la candidature d'autres citoyens ? ou simplement pour réfléchir sur les stratégies à adopter pour aborder les élections de 2025 ? Que Monsieur le Ministre le veule ou non, qu'il soit content ou pas, l'ATP et l'APC, pour ne parler que de ces deux (02) organisations-là, existant « en fait » et mèneront des activités politiques. Mesdames et Messieurs les Hauts fonctionnaires, ayez le courage de dire à votre supérieur hiérarchique que la République ne lui appartient pas ; qu'il passera et le Cameroun restera ; donnez-lui de bons conseils ; aidez-le dans son travail ; vous rendez ainsi un grand service à la République, à la nation et à l'histoire du Cameroun.

Le commandement au service de la République

 
 

Mesdames et Messieurs les Hauts fonctionnaires de la Préfectorale, Le communiqué signé de Monsieur le Ministre de l'Administration territoriale s'adresse également à vous, dans l'exercice de vos fonctions de « commandement territorial ». Mais, faut-il vous rappeler que vous êtes des fonctionnaires étatiques, au service de la République et non au service d'un individu, quel que soit le poste qu'il occupe dans les institutions étatiques. Certains d'entre vous me prendront sans doute pour un rêveur dans un environnement républicain complètement délabré. Seulement, mon devoir citoyen m'invite à vous dire ce que je sais et ce que je pense, avec une liberté que même le Diable ne peut m'enlever. En vertu des libertés proclamées par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, et la Constitution du Cameroun, les réunions et manifestations dans un cadre privé sont absolument libres ; elles ne sont soumises à aucune exigence d'autorisation ou de déclaration à l'autorité administrative étatique.

Aujourd'hui, à travers son communiqué, le Ministre de l'Administration territoriale vous demande d'interdire, même des réunions privées de l'ATP et de l'APC. Je vous prie de bien vouloir lui dire qu'il s'agit-là d'une mission anticonstitutionnelle et illégale qu'il vous confie : vous devriez au moins vous en indigner ! Le Ministre vous demande de violer la loi en interdisant des réunions privées ; il vous demande de porter atteinte aux droits des citoyens et de poser des actes de délinquance et même de criminalité. Je vous invite à solliciter une séance de travail avec le signataire du communiqué scélérat, pour lui faire entendre raison. Souvenez-vous qu'en qualité de fonctionnaires, vous avez le droit de ne pas exécuter un ordre manifeste illégal de votre supérieur hiérarchique. En vertu de la loi n° 90/055 du 19 décembre 1990, les réunions et manifestations publiques sont aussi libres ; Toutefois, celles-ci doivent faire l'objet, non pas d'une « autorisation » comme cela est de pratique administrative, mais doivent faire l'objet d'une déclaration auprès de l'autorité administrative étatique, toute chose qui permet à cette dernière de prendre des dispositions pour l'encadrement de l'activité programmée, avec pour objectif premier de protéger les organisateurs et les participants contre des troubles éventuels provenant d'un tiers. L'autorité administrative le fait déjà si bien lorsqu'il s'agit des activités du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti auquel appartient le Ministre de l'Administration territoriale. Une activité publique ne peut faire l'objet d'une interdiction que si l'ordre public est « gravement » menacé. Tous les camerounais le savent : c'est toujours de vos supérieurs administratifs que vous vient souvent l'ordre d'interdire abusivement les réunions et les manifestations politiques, alors que l'ordre public n'est nullement menacé. Seules les activités publiques du RDPC, le parti au pouvoir, sont exercées librement, parfois même sans déclaration préalable. Une réunion ou une manifestation publique au Cameroun n'est « autorisée » que si elle a pour plus de glorifier le Président Paul BIYA. Le communiqué qui demande aux Gouverneurs, Préfets et Sous-préfets d'interdire les activités politiques de l'APC et l'ATP n'apporte rien de nouveau à ce qui existe déjà. Seulement, il faut rappeler au Ministre de l'Administration territoriale que le monde a changé.Les méthodes dictatoriales des derniers siècles sont très peu efficaces face à l'évolution des techniques de communication publique : on n'a essentiellement plus besoin d'organiser des réunions au carrefour, ou sur la place du marché, pour faire passer des messages politiques : il ya la radio, la télévision et surtout, il ya internet, un moyen contre lequel la dictature politique, avec ses méthodes surannées, ne peut absolument rien. Mesdames et Messieurs les Hauts fonctionnaires de la Préfectorale, Ces membres de l'ATP et l'ACP, qu'on vous demande aujourd'hui de pourchasser, de malmener, de brimer, d'humilier, d'arrêter, seront probablement les dirigeants du Cameroun de demain ; ils vous pardonneront sans doute si vous acceptez vous soumettre aux instructions manifestement anticonstitutionnelles et illégales contenues dans le communiqué du 13 mars 2024 ; tout le monde comprendra que vous avez agi par crainte de perdre ces avantages et privilèges exorbitants que vous tirez de votre docilité au régime politique en place. Seulement, lorsque vous obéirez à de tels ordres, politiquement abjectes, ayez aussi le courage de vous regarder dans un miroir lorsque vous serez seul dans votre salle de bain ; aurez-vous la fierté de dire à vos enfants que vous servez la République ?