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Mort d’Isabelle Mpouma dans le désert du Sahara: l’image de la honte de l’Afrique et ses dirigeants

Une image insoutenable, celle d’une Camerounaise, couchée à même le sol, sur le sable chaud du Sahara. Nous avons voulu ne pas publier cette photo, mais, vu les réactions qu’elle suscite sur la toile et plus précisément sur les réseaux sociaux, nous pensons que cela valait la peine. Aussi choquante soit-elle, cette photo traduit l’horreur de la gestion calamiteuse des res- sources humaines dans nos pays respectifs et interpelle.

Cette jeune femme, vêtue en tenue de “Bozayeur”1, visage couvert de tristesse, asphyxiée par la douleur, alors qu’elle se trouvait en compagnie de plusieurs autres migrants sur le long chemin vers l’Europe.

Cette dame agonisante en plein désert à nos yeux est devenue le symbole d’une réalité rebutante et indécente. Celle de l’impuissance d’un peuple face à une poli- tique honteuse en Afrique dont on ne préfère pas voir de visage. Pourtant, on estime selon plusieurs organisations de défenses et de promotion des droits humains à des milliers de morts et de dis- parus dans ce grand désert devenu le cimetière actif des migrants.

On retrouve dans cette vidéo tous les éléments émotionnels qui sortent de la banalisation de toutes les images sur la guerre. Elle interpelle notre conscience, notre devenir, le devenir de nos enfants, de nos jeunes et de notre peuple africain meurtris par la seule volonté de nos dirigeants.

Comment ne pas être agacé par ce tris- te spectacle devenu récurrent ? Et c’est bien dommage, car cette tragédie dure au moins depuis plusieurs décennies !

Ce n’est pourtant pas la première image diffusée sur ce drame depuis dimanche dernier .

Pourquoi faut-il montrer cette photo qui fait si mal ?

Parce qu’il y a, dans cette vidéo, un effet de choc. Cette jeune dame, isolée dans sa douleur, inerte, les yeux à moitié fermés, nous touche en tant que père, mère, frère ou sœur. Elle touche ce qui nous reste de la conscience humaine. Cela ne peut qu’interpeller la lâcheté de nos dirigeants qui ont la responsabilité d’avoir contribué à des degrés divers, à ce chaos.

Une image vaut mieux que mille mots a- t-on coutume de dire. Il le fallait car, se taire, c’est participer à la cacophonie ambiante en Afrique sur le drame de la migration. Il faut dénoncer ce qui est insupportable.

L’opinion publique ne veut d’ailleurs pas qu’on lui masque la réalité. Le lecteur est un adulte, qui analyse les situations et les comprend bien plus vite qu’on ne croit. La photographie prend sa raison d’être dans la pratique même du journalisme. Si demain, pour une raison morale, politique ou religieuse, on empêchait cette photo d’exister, on porterait atteinte à la liberté d’expression et forcément à la démocratie.

La responsabilité d’un journal, d’un support médiatique, d’un canal d’information ou de communication, en publiant des photos comme celle-ci, est de mettre à mal tous les stéréotypes de l’opinion sur le modus vivendi des Africains. Ce visage masqué d’Isabelle Mpouma est là pour nous le rappeler .

Cette image peut réveiller les consciences, comme toutes celles qui ont marqué l’histoire. La petite fille brûlée au napalm prise par le Photo journaliste Nick Ut en 1972 avait, par exemple, eu un impact terrible à l’époque. L’opinion américaine avait pris conscience de l’horreur de la guerre. Il est temps de prendre conscience du sort des Africains qui brûlent d’envie de quitter leur pays respectif pour aller chercher fortune ailleurs.

Nos dirigeants doivent comprendre qu’ils sont eux-mêmes à l’origine de la chute exponentielle de leur pays dans la déchéance multidimensionnelle. La mal gouvernance qui gangrène nos pays existe sous le regard morne d’un peuple depuis plusieurs décennies déjà.

Il ne sert à rien d’adresser des lettres de soutiens à ces derniers comme le font les laudateurs calculateurs et égoïstes de nos dirigeants. Comment entretenir le chaos dans un pays quelconque et penser que les ressortissants ne vont pas partir ?

Le destin tragique d’Isabelle Mpouma, cette Camerounaise de 37 ans, décédée dans le désert du Sahara aurait pu être le scénario d’un film hollywoodien dont le dénouement serait le récit de la longue traversée du désert par une migrante… morte sans avoir pu arriver en Europe dont elle en rêvait. Elle ne reviendra plus jamais. Sa sépulture de fortune ne sera probablement jamais retrouvée. Triste fin pour Isabelle qui ne demandait qu’à vivre dans les conditions meilleures.

La problématique de l’immigration lais- se certains pays africains indifférents au point où les observateurs avertis pensent qu’il était temps que quelque chose soit fait pour pallier à ce phénomène qui est devenue indicible. Oui, nous disons qu’il était peut-être temps, pour au moins trois raisons.

Primo

Sans envisager une ouverture totale de ses frontières afin d’éviter l’anarchie, il conviendrait sans doute que l’Afrique et l’Europe abordent la problématique de l’immigration de façon à la fois réaliste et plus humaine.

Secundo

Les Européens doivent également être conscients qu’ils sont eux-mêmes à l’origine du flux migratoire exponentiel dans leur continent. Il ne sert à rien d’apporter du soutien à des dictateurs du Sud par exemple. Il ne sert non plus à rien d’engendrer des conflits dans les pays africains pour revenir en sapeur-pompier pré- tendre éteindre le feu et y apporter la paix

L’Afrique, ce riche continent est devenu cet ogre qui dévore ses enfants dès qu’il les accouche. Ses enfants deviennent certainement des condamnés à la peine capitale, évadés de “prisons” dont l’unique solution est de fuir leur sentence imposée par des dirigeants locaux. Pourquoi ces africains émigrent-ils vers l’Europe ? T elle est la question pertinente que devraient se poser les dirigeants occidentaux.

Dans la plupart des cas, les dictateurs du Sud, soutenus par les Etats Européens, règnent en véritable maître, pillent leur pays, appauvrissent leur peuple, « juvénophobisent » ceux qui représentent l’espoir de leur pays respectif et les plus démunis sont obligés de subir ou de quitter soit par ce qu’ils ont faim ou encore pourchassés pour leurs idées et leurs convictions poli- tiques.

Tercio

Le migrant n’a plus peur de la mort car, pour lui, l’essentiel c’est de partir, de fuir cette misère, cette souffrance dans laquelle il se trouve.

L’Afrique tue sa population parce qu’elle n’a pas trouvé une possibilité de faire valoir ses talents et de vivre de ses compétences ; l’Afrique ronge sa jeunesse avec les portes de l’espoir fermées devant elle ; l’Afrique torture sa jeunesse qui regarde, impuissante, une toute petite partie de la population s’accaparer de tout, en ne lui laissant que la poussière et le soleil cuisant !

L’Afrique étrangle parce que la misère est le seul héritage que les dirigeants pourront léguer aux générations actuelles et futures.

Aux dirigeants africains, il est temps de vous mobiliser face à ces drames récurrents du désert du Sahara et de la Méditerranée. Pour qui voulez-vous conserver vos fauteuils présidentiels si toute la jeunesse devait mourir dans le désert, à Lampedusa, Ceuta et Melilla ou ailleurs ? Pour venir à bout de ce fléau, il faut beaucoup de composantes dont la voix des chefs d’Etat africains en premier. Sortez de vos sommeils avant que tout un continent ne soit enseveli.

Nous sommes convaincus que plus les peuples du Sud seront exterminés, plus ils quitteront leur pays et n’oublions pas que celui qui voudrait aller loin devra ménager sa monture.

Alors, chers dirigeants africains et occidentaux, attaquez-vous aux problèmes fondamentaux de la pauvreté et du développement en Afrique. Les drames successifs et les cortèges de cadavres dans le désert, de Lampedusa, des côtes libyennes…. vous interpellent, nous interrogent tous.

(1) Bozayeurs, terme utilisé par les migrants pour qualifier ceux qui traverse par le désert et la méditerrané pour arriver en Europe

 

 

Par Hugues SEUMO

Journaliste et écrivain, Bruxelles