Dans une tribune intitulée « Nous les tribalistes », l’universitaire Richard Makon dénonce la montée d’un tribalisme intellectuel et politique qui gangrène le débat public au Cameroun.
L’analyste politique fustige aussi bien ceux qui défendent le pouvoir par appartenance ethnique que ceux qui le convoitent par rancune tribale, tous aveuglés par leurs instincts communautaires.
Selon lui, le pays est piégé entre deux camps de haine et d’hypocrisie, tandis qu’une majorité silencieuse se contente d’observer, prisonnière d’un tribalisme devenu « féroce et exubérant ».
Lire l’observation du Dr Richard Makon :
NOUS LES TRIBALISTES…
Les discussions que j’ai avec nombreux de mes collègues camerounais, d’ici et d’ailleurs, ces derniers mois, m’ont conduit à un constat regrettable : sur 10 universitaires qui s’expriment sur la situation politique actuelle du Cameroun, 9 sont mus par leurs instincts villageois, pour ne pas dire plus !
Il y a ceux qui défendent le pouvoir, même s’il crèvent de faim, avec des visages émaciés par la pauvreté, et qui pensent protéger une affaire de leur village, ce pouvoir qui est entre les mains de leurs frères ou apparentés. Ils ont peur que le pouvoir leur échappe, et surtout peur d’une éventuelle vengeance de ceux qui cravachent dur en ce moment pour l’avoir. Ils sont déterminés à tuer tout le monde pour conserver « leur » pouvoir et se reposeront à la fin sur un amoncellement de cadavres, une fois la besogne terminée. Quitte à gouverner sur des ruines et des ossements desséchés…
Ils convoquent des auteurs qu’ils ne comprennent pas et arborent un discours faussement scientifique qui cache mal un tribalisme viral !
Et il y a ceux qui sont envieux de ce que le pouvoir offre aux autres, et leur permet de faire, de faire faire et/ou de ne pas faire. Excités par les jouissances auxquelles ce pouvoir ouvre, pris de convulsions rancunières, ils estiment que leur tour est arrivé ! Ils sont prêts à mourir pour l’avoir, prêts à perdre le peu qu’ils ont déjà pour y goûter. Ils sont prêts surtout à ce que tout le monde perde si leur tour là n’arrive pas, ici et maintenant ! Ça passe ou ça casse ! Ça gâte ça gâte !
Ils cachent, sous les oripeaux du mot démocratie, leur conception « mapartiste » et tribale du pouvoir !
Entre ces 02 camps de tribalistes qui feignent ignorer leur nature primaire et profonde, et qui ont chacun leurs universitaires et grands « penseurs », ce sera une lutte à mort si Dieu lui-même n’arbitre pas !
Au milieu, sans stratégie réelle, il y a ceux qui ne peuvent rien espérer pour une multitude de raisons. Leur camerounité étant simplement tolérée, tribalistes passifs eux-mêmes, ils regardent en se curant les dents, en attendant « dealer » avec le vainqueur de cet affrontement sauvage. Sous le couvert d’une pseudo neutralité matinée de lâcheté, ils sont simplement des tribalistes qui n’ont pas le courage d’assumer leur veulerie, encore moins la force pour se venger !
Trois groupes de camerounais pris au piège d’un tribalisme féroce, hier rampant, aujourd’hui libéré et exubérant !





