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Opinion-Grève des enseignants au Cameroun: vers une résolution ou une aggravation de la crise?

Dr SANDJONG SANI

Une nouvelle semaine de grève des enseignants s’achève au Cameroun, depuis la levée de la suspension décidée le 25 avril 2022 par le mouvement OTS (On a Trop Supporté), en association avec deux autres collectifs (On A trop Attendu et le Collectif des Enseignants Vacataires du Cameroun), et un syndicat (Syndicat des Enseignants pour l’Afrique et le Cameroun.Malheureusement à ce jour, aucune solution durable n’a été trouvée aux récriminations formulées. Dans une posture de soutien à cette lutte corporatiste affectant un secteur clé pour notre développement, il est important de faire le point sur l’effectivité de la cessation d’activités sur le terrain, d’en tirer les leçons, et d’envisager les voies stratégiques pour faire face aux écueils.

De l’analyse de l’effectivité de cette reprise de grève dans les établissements scolaires de l’enseignement secondaire public, plusieurs constats problématiques peuvent être faits. Dans l’ensemble, il y a comme une baisse de régime en comparaison avec la phase de cinq semaines qui a précédé la suspension. Une telle observation se fonde, d’une part, sur la réduction des publicationsd’images et de vidéos dans les réseaux sociaux, comme preuves du respect du mot d’ordre de grève sur le terrain. D’autre part, le degré d’emprise de cette contestation pacifique, semble être beaucoup plus faible localement dans plusieurs établissements scolaires, avec l’augmentation du nombre de contrevenants aux directives d’OTS. Il est regrettable d’en compter parmi, des collègues de la même discipline (Éducation Physique et Sportive), que l’un des symboles de cette lutte, l’enseignant Hamidou décédé après avoir travaillé dix années sans salaire.

La diminution de l’ampleur de la grève peut être aussi interprétée par la baisse de son écho dans certains médias. On peut bien penser que ces derniers ont succombé aux intimidations ou à la corruption, avec à la manœuvre des acteurs gouvernementaux. Comme autre justification plausible à cette observation, il y a le fait qu’en se rapprochant de la fin d’année, la grève n’a plus le même impact psychologique négatif au sein de l’opinion publique pour susciter le grand intérêt de ces acteurs médiatiques.

Cette semaine a été en outre marquée par une lettre de Madame la Ministre des Enseignements Secondairesadressée aux Délégués Régionaux, prescrivant la mise en branle et l’application des procédures réglementaires dans le but de sanctionner les personnels indisciplinés. Vu le contexte de cette correspondance, les leaders grévistes l’ont évidemment interprétée, comme une manœuvre d’intimidation, et ont réagi par un communiqué de dénonciation.C’est à croire qu’avec cette activation des formalités administratives de sanctions disciplinaires, les autorités s’orientent plus dans une logique de répression, plutôt que d’apaisement et de véritable dialogue, négligeant le risque d’une radicalisation des positions ou d’une aggravation de la crise.

Dans l’optique de tirer des leçons de ces faits désavantageux pour cette dynamique de protestation et la résolution de cette crise, il a été indispensable d’en rechercher les causes. À ce propos, il semble pour le moins incontestable qu’il y a eu une perte d’engouement engendrée par la suspension. En prenant cette décision, les leaders d’OTS avaient évoqué des justificatifs juridiques inappropriés, en l’occurrence, des possibilités de privations de solde,bien que la grève était légale (soutenue par un syndicat) et légitime (le droit de réclamer de meilleures conditions de vie et de travail et le non-respect des textes en vigueur). Ils ont négligé par ailleurs la mentalité de nombreux grévistes longtemps intimidés et inertes, enclins à la résignation, au fatalisme, à l’égocentrisme et à la corruption. Il y a également eu une erreur d’appréciation de la bonne foi de nos dirigeants, qui n’avaient pourtant pas dans le passé montré suffisamment de dispositions favorables à la résolution des problèmes posés par les enseignants. Ainsi, tous ceux qui ont milité pour cette suspension, doivent aujourd’hui se rendre à l’évidence qu’en s’étant montré moins intransigeants au mépris de la gravité de la situation, on aurait évité les dissensions à l’origine aujourd’hui d’une démobilisation et d’une démotivation.

Pour une remobilisation efficace, la communication permanente avec prise en compte des opinions de la base et l’option d’un renouvellement périodique du mot d’ordre de grève choisie par les leaders d’OTS,sont déjà salutaires. Ilfaut par ailleurs poursuivre dans la dénonciation de toutes les menaces, les intimidations et les sanctions ciblant particulièrement les grévistes. Il estdans ce sens impératif d’envisager des actions de soutien collectif à ceux qui pourraient être victimes de répression administrative du fait de la grève.

À titre individuel, les professionnels de l’éducation qui continuent d’obéirsans réserve aux initiatives d’OTS, doivent en plus s’activer dans la conscientisation et la sensibilisation de leurs collègues démotivés et réfractaires. Dans cette stratégie, il serait utile de leur rappeler, qu’en se mettant en marge d’une lutte pour des valeurs et des intérêts communs louables dans la corporation, leur comportement serait assimilable à de la trahison. Ils gagneraient à faire preuve de plus de clairvoyance, en étant moins obnubilés par des avantages éphémères liés à leur fonction ou à une participation aux évènements de la vie scolaire, tels que les examens officiels. Le décès de l’un des symboles de cette grève est une interpellation supplémentaire pour une adhésion totale à cette cause, dont l’objectif principal est d’aboutir à des réformes profondes concernant la gestion de carrière et l’amélioration de la rémunération dans la corporation enseignante. Bref, ils doivent se résoudre à ne plus accepter qu’il y ait de nouvelles victimes affectées par la situation de clochardisation et d’injustice à l’égard des enseignants dans notre société. Pour ceux qui sont craintifs, et n’ont pas suffisamment de cran pour faire face aux pressions de la hiérarchie locale, des décisions personnelles de flexibilité n’impactant pas significativement le non-respect des exigences d’OTS peuvent leur être tolérées.

Pour terminer, avec en face des décideurs qui semblent montrer que très peu de dispositions favorables pour satisfaire à l’ensemble de leurs revendications,les professionnels de l’éducation au Cameroun sont invités à faire montre d’une grande persévérance dans la démarche de contestation qu’ils ont engagée. Dans un avenir proche, il faut formuler néanmoins le vœu de voir ces dirigeants accéder favorablement à leurs doléances. Au bout du compte,il y a un espoir certain d’une élévation de leur statut social,d’une restauration de leur dignité, en quelque sorte une nouvelle ère pour ces acteurs majeurs du système éducatif.

 

 

Dr SANDJONG SANI