Ce fervent catholique à travers ce pamphlet n’arrive pas à comprendre le mutisme de l’archevêque métropolitain de Yaoundé en ce qui concerne la situation du Cameroun au lendemain de l’élection présidentielle.
Lettre ouverte à Son Excellence Monseigneur Jean Mbarga Archevêque de Yaoundé
Cathédrale Notre Dame Yaoundé
Jean-Claude MBEDE FOUDA
Catholique et Laïc engagé
Objet : Silence face aux dérives, aux massacres et à la barbarie du régime après l’élection présidentielle d’octobre 2025.
Monseigneur,
C’est avec le respect dû à votre charge épiscopale, mais aussi avec la profonde angoisse d’un fils de l’Église et ancien séminariste, que je m’adresse à vous aujourd’hui. L’ombre qui plane sur notre nation depuis l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 est une ombre de sang et de larmes, une ombre que votre silence rend plus pesante encore.
Depuis cette date, où, selon l’évidence que chacun porte en conscience, le régime a perdu, nous assistons non pas à un profil bas des autorités, mais à l’instauration d’une loi du plus fort se traduisant par une répression violente et barbare : massacres au faciès ciblant nos frères et sœurs du Nord et de l’Ouest, arrestations arbitraires, enlèvements, tortures filmées et diffusées par des agents de l’État, et exécutions extrajudiciaires. Des familles sont endeuillées, la jeunesse est brisée, et le peuple de Dieu souffre.
Le Silence du Berger face au Loup
Monseigneur, vous êtes l’Archevêque de Yaoundé, la capitale politique, la cathèdre la plus sonore de notre pays. Nous vous rappelons l’image du Bon Pasteur que l’Évangile nous donne :
« Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, lui, qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit le loup venir, abandonne les brebis et s’enfuit ; et le loup s’en empare et les disperse. » (Jean 10, 11-12)
Votre silence, Monseigneur, face à ces dérives récurrentes — des assassinats non élucidés de Mgr Jean Marie Benoît Balla et de Martinez Zogo, jusqu’aux atrocités d’aujourd’hui — résonne douloureusement. Il ne peut plus être interprété comme de la prudence, mais comme une adhésion tacite à la souffrance administrée au peuple de Dieu. Nous vous demandons d’oser rompre ce silence, de briser ce mutisme.
L’Héritage de la Cathèdre de Yaoundé
Être Archevêque de Yaoundé, c’est se situer dans la lignée de vos illustres prédécesseurs, comme Mgr Jean Zoa et Mgr Paul Etoga, qui ont incarné l’engagement de l’Église auprès des plus pauvres et des opprimés. Être Archevêque ne saurait signifier se confiner dans les lambris dorés des salons feutrés. Cela signifie, au contraire, revêtir la chasuble pour descendre dans l’arène de la vérité et défendre les faibles contre l’abus des autorités trop puissantes.
Monseigneur, vous avez la responsabilité de dire la vérité sans chercher de boucs émissaires faciles en accusant ceux qui, sur les réseaux, dénoncent ces dérives et réclament justice. Rien ne vous est inconnu. Les mêmes qui inondent la toile de messages d’« unité et de paix » sont les mêmes qui, par l’ethnie des soldats et leur proximité avec le régime, orchestrent les exactions.
Le Devoir de Prophétie
Monseigneur, votre devoir est de rappeler avec force au régime en place :
Le crime de la gérontocratie : Dans un pays où 80% de la population est jeune, imposer un homme de 93 ans, dont 43 ans au pouvoir, est un crime contre l’avenir et un péché contre la jeunesse qui est l’espérance de la nation.
L’interdiction du massacre : Osez dire à Paul Biya qu’il ne peut pas massacrer la jeunesse pour sauver les intérêts égoïstes de son clan, de sa famille et de sa belle-famille. Rappelez-leur que dans un pays où les dirigeants doivent être irréprochables en éthique et en morale, la conscience est le premier des tribunaux.
Le souvenir du sang : Osez dire à l’élite Béti qu’elle a reçu le pouvoir sans effusion de sang, et qu’elle n’a pas le droit de massacrer aujourd’hui des frères et sœurs du Nord et de l’Ouest. Vous devez leur rappeler que chaque goutte de sang et chaque larme versée ne coulent pas en vain et seront demandées.
Prenez votre courage à deux mains pour prophétiser en anticipant sur les rancœurs que risquent de payer les générations Béti du futur si le silence et la complicité continuent.
Parlez !
Parlez comme l’a fait votre prédécesseur, Mgr Tonye Bakot, contre les pratiques contre nature. Parlez comme le fait Mgr Samuel Kleda à Douala. Mais c’est vous qui êtes sur la cathèdre de Yaoundé, la plus sonore. Criez. Hurlez pour vos fidèles.
Le peuple de Dieu vous regarde. Vous avez la responsabilité de dire la vérité. Votre silence actuel est un alignement avec les oppresseurs.
« Malheur à vous, quand tous les hommes diront du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. » (Luc 6, 26 – Les Enseignements sur la Montagne/Plaine)
Monseigneur, je vous implore de vous lever. Levez-vous et parlez ! C’est la mission qui vous est confiée par le Christ.
Dans l’attente que votre voix inaudible se fasse enfin entendre, je vous assure, Monseigneur, de mon profond respect et de ma prière.
Jean Claude Mbede Fouda
Catholique et Laïc engagé
