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Fuite en avant : les vraies questions que le pouvoir esquive [Le Messager]

Laurent Esso

Au-delà d’une vulgaire manifestation comme tente de le faire croire le Gouvernement, la mutinerie à Kondengui remet au goût du jour, l’épineux sujet de la lutte contre la surpopulation carcérale qui a fait de nos prisons de véritables mouroirs. Mais aussi l’application des peines alternatives qui auraient pu permettre de dégraisser ces mammouths.

"Alléger la surpopulation carcérale et créer de meilleures conditions de détention dans nos prisons" . Ces propos du ministre d’État chargé de la Justice (Minjustice), Laurent Esso, à l’ouverture de la traditionnelle réunion des cours d’appel il y’a trois ans à Yaoundé sonne comme une ritournelle dans les oreilles des camerounais.

A cette occasion comme à beaucoup d’autres, de hauts magistrats des dix régions auxquels le garde des Sceaux avait associé des délégués régionaux de l’administration pénitentiaire avaient proposé une batterie de mesures visant à décongestionner les geôles camerounaises. Les participants aux assises tenues dans la capitale politique camerounaise n’avaient pas trouvé meilleure sortie de crise que de proposer logiquement la construction de nouvelles prisons et l’aménagement de celles existantes, l’équipement des salles d’audiences, la relecture de certaines dispositions du code de procédure pénale génératrices de lenteurs judiciaires. Il en allait aussi de l’appropriation par les magistrats des dispositions du Code de procédure favorables à la liberté individuelle, notamment les poursuites libres, le prononcé des peines de privation de liberté avec sursis et la libération conditionnelle.

Disproportions

A l’époque de ce conclave, on avait cru que les pouvoirs publics traduiraient cette soudaine sollicitude à l’endroit de la surpopulation carcérale, en actes concrets. Mais quatre ans plus tard, c’est toujours le brouillard. Pas une seule pose de première pierre pour montrer au moins que les lignes peuvent bouger. On est resté au stade des discours pompeux et des promesses stériles. L’inévitable problème de surpopulation dans nos prisons s’enlise au moment où on espérait que ce corollaire des lenteurs administratives préoccuperait au plus haut point l’Etat. Les chiffres sont là pour prouver qu’on n’a pas bougé d’un iota. Tenez par exemple, pour 17.000 places disponibles dans les prisons camerounaises, il y a plus de 26.000 détenus, prévenus, condamnés définitifs et contraignables. Le Cameroun compte 88 prisons crées dont 78 sont effectivement ouvertes. De l’autre côté, 29 tribunaux de première instance, 12 de grande instance, 46 tribunaux de première et grande instance, 10 cours d’appel, un Tribunal criminel spécial et une Cour suprême. Soit au total, 99 juridictions qui statuent en matière pénale, et qui ont permis à un millier de magistrats de connaître plus de 50.000 affaires de cette nature. Il ne faudrait donc pas être particulièrement brillant pour comprendre qu’il y a une forte disproportion entre le nombre de magistrats, le nombre de juridictions saisies, le nombre d’affaires pénales et les prisons ouvertes. Cette disproportion est une cause objective qui génère des lenteurs judiciaires et qui elles mêmes entraînent la surpopulation carcérale.

Décongestionnement

La prison centrale de Kondengui qui est à la Une depuis 48h, a une capacité d’accueil de 15.000 personnes. Dans les années 60, cela paraissait suffisant. Mais, aujourd’hui, elle compte 4234 détenus. « La situation est quasi identique à Douala. La prison de New Bell a été érigée à l’époque coloniale avec une capacité de 500 places. Des travaux d’aménagement ont été faits au fil des ans, augmentant le nombre de lits à 960. Mais, il y a 3150 détenus. Les autres maisons d’arrêt du Cameroun connaissent les mêmes problèmes. Monatété a 478 pensionnaires, pour 150 places disponibles. Maroua, sous les feus de Boko Haram, 1360 prisonniers se partagent tant bien que mal les 350 places disponibles. Alors qu’à Bafoussam, on dénombre 857 geôliers pour 600 places effectifs », rapportent nos confrères de la Météo.

Qu’est donc devenu le programme de construction ou d’aménagement des infrastructures pour décongestionner les prisons existantes ? Que deviennent les travaux de construction de la prison de Ngoma, sur la route de Douala-Bonepoupa dans le Littoral, où il est prévu 5000 places sur une superficie de 30 hectares ? Quid des prisons de Bali-Nyongha, Baham, Ngoumou, Bengbis, Ntui, Bangeum, Moundemba ? Et les nouvelles maisons d’arrêt créées à Mbankomo, Touboro, Bandjoun, Mendji, Tombel et Limbé ?

 

Le Messager