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Cameroun-Opération Epervier : comprendre les dessous des libérations déguisées de Inoni et Fotso

Yaoundé s’est rapidement débarrassé de deux boulets, évacués sanitaires par complaisance et qui ne remettront plus jamais les pieds au Cameroun sous Biya. Il ne sait pas quoi faire du cas Essimi Menye, qui le nargue mais maintient illégalement Amadou Vamoulké en détention provisoire.

Par le journal Aurore plus n°2117

« Il ne reviendra jamais au Cameroun, en tout cas pas tant que Paul Biya est au pouvoir. Vous ne l’imaginez quand même pas retournant, tranquillement, au pays pour purger ses peines à perpétuité à Kondengui.» Cette sentence définitive est d’un très haut fonctionnaire, en service à la présidence de la République. Elle concerne Yves Michel Fotso, condamné à perpétuité, mais également sous le coup d’une peine d’emprisonnement de 25 ans, dans le cadre de l’acquisition foireuse d’un aéronef pour les déplacements du chef de l’État. Le Tribunal criminel spécial (TCS) lui a imputé le détournement d’une somme totale de 8,719 milliards de francs, sa responsabilité ayant aussi été établie dans la liquidation calamiteuse de la Cameroon Airlines (Camair), dont il fut admnistrateur-directeur général de 2000 à 2003.



Si le fils de milliardaire a bien procédé au versement de 886 millions de francs, au titre du remboursement du corps du délit, ce geste n’a pas empêché son maintien en détention. Jusqu’à ce que, déclaré très mal en point et sous la pression des lobbies, il soit évacué vers le Maroc dans la nuit du 13 au 19 août 2019 sur autorisation spéciale du chef de l’État. Paul Biya fera plus que cela. Dans sa grande magnanimité, le chef de l’Etat a décidé du déblocage d’une somme de 89.917.374 francs destinés au suivi médical de l’intéressé. Depuis lors, «IMF» a disparu des radars. On le dit toujours interné dans une; clinique à Casablanca.

Si des rumeurs font annoncé au pays, à l’occasion des obsèques de son géniteur, Victor Fotso le » 20 juin, c’était visuellement pour amuser la galerie. En effet, en dehors des viriles querelles familiales, l’ayant quasiment recadrer au rang de paria, un retour au pays, même forcé de l’enfant terrible de Bandjoun aurait laissé croire qu’il avait ne serait-ce que partiellement – recouvrer sa santé. Et donc qu’il était de nouveau disponible pour la cellule. Impensable



Exil foireux
A la vérité en effet, la permission d’évacuation sanitaire, à lui octroyée par le sommet de l’Etat, valait exfiltration officielle. Vieil ami de Victor Fotso, Paul Biya avait tenu à faire une fleur audit milliardaire en élargissant son rejeton. Le reste ne fut que mise en scène.

En décembre 2006, IMF, alors que le rouleau compresseur de la justice avançait vers lui, organisait force dîners d’adieu avec des proches, aussi bien à Yaoundé que dans son village natal. «Je voulais dire au revoir à certaines personnes. On a toujours un peu de mal à quitter sa terre. En annonçant que je partais, j’avais l’espoir qu’une partie de la presse qui m’attaque depuis des années n’allait pas écrire que je m’enfuyais», déclarera-t-il plus tard à Jeune Afrique.



Dès janvier suivant, il annonçait fièrement qu’il n’était «plus un contribuable camerounais», ayant acquis un titre de résident de Singapour. Dans ce pays à la fiscalité réputée plutôt souple, il créa la Société financière africaine de Singapour et le Fotso Group Holding Singapour, qui ambitionnait d’étendre ses ramifications jusqu’en Chine. Mais il passera à peine une année en Asie, déboulant de nouveau sur la scène nationale comme pour narguer ses tourmenteurs.

. La suite, ce sont des démêlés judiciaires, une ronflante campagne médiatique sur un scénario millimétré. Puis les interminables audiences au TCS avant la case prison. Au grand dam de Paul Biya et Victor Fotso, incapables d’enrayer l’engrenage qui se refermait sur le prévenu. Mais le président de la République, apprend-on, avait promis de «faire quelque chose» pour consoler son intime et un des plus gros financiers du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir).

Appartement meublé
Moins médiatisé, le cas Ephraïm Inoni n’en a pas moins fait l’objet de fortes pressions sur le pouvoir de Yaoundé. Premier ministre du 8 décembre 2004 au 30 juin 2009, il fut en début septembre 2013 condamné à 20 ans d’emprisonnement ferme. Il a été rendu coupa; ble de «malversations financières» s’élevant à 1,7 milliard de francs, dans le cadre d’une transaction pour le compte de ia Camair. Lors du Grand dialogue national (GDN), tenu du 30 septembre au 4 octobre à Yaoundé et destiné à sortir du cycle de violences des sécessionnistes anglophones, plusieurs dignitaires traditionnels du Sud-Ouest avaient, discrètement, glissé son nom dans le lot d’activistes ambazoniens dont ils demandaient la libération. Au nom de l’apaisement, précisaient-ils perfidement.

Si la maladie en prison du «Chief» n’a jamais fait l’ombre d’un doute, tout s’est néanmoins dénoué au lendemain de la mutinerie survenue le 22 juillet 2019 à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui. La rumeur insistait alors, pour préciser qu’il fut parmi les personnalités violentées par d’autres détenus, toute chose ayant «aggravé» son état de santé.

Le 25 octobre suivant, il* s’envole de Yaoundé à bord d’un avion médicalisé sur «instructions du président de la République», qui tente de se dépêtrer du chaudron anglophone. Pourtant, à en croire l’hebdomadaire Jeune Afrique, l’ex-chef du gouvernement coule depuis lors des jours tranquilles dans le 16ème arrondissement de Paris, logé dans un petit appartement meublé par le gouvernement camerounais. Et son retour au Cameroun, et donc en prison, n’est pas pour demain. Rompez.

Condamnations à vie
Un qui a également bien compris le système, c’est Essimi Menye. Lui aussi condamné à perpétuité, l’ex-ministre des Finances, bénéficiaire lui aussi d’une évacuation sanitaire, ordonnée le 1er décembre 2015 par Paul Biya pour l’hôpital américain de Neuilly, en France. Il n’a jamais remis les pieds au Cameroun. Après s’être fait passer pour victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC), celui qui se trouvait alors en garde à vue s’est depuis lors installé au 6305 Shiplett Boulevard Burke, Va 22015, à Washington DC aux Etats-Unis.

Sous le coup de quatre condamnations à vie par contumace et d’un mandat d’arrêt international, la justice l’a jugé coupable de la distraction d’une somme de 9,1 milliards de francs. «Je ne veux et ne peux pas tomber dans le genre de piège tendu à Atangana Mebara», a-t-il déclaré dans la presse, faisant référence aux déboires de Tancien ministre de l’Enseignement supérieur (1997-2002), ci-devant ministre d’Etat et secrétaire général de la présidence de la République (2002-2006) et ex-ministre des Relations extérieures (septembre 2006-septembre 2007).

Crachats sur l’ONU
Pendant ce temps, un autre prisonnier dit de luxe, Amadou Vamoulké, en détention provisoire depuis quatre ans, a du mal à faire entendre sa voix du fond du cachot. Ancien Directeur général de l’Office de la radiotélévision à capitaux publics (Crtv), il est régulièrement présenté comme un grand malade, «aucun protocole médical adapté n’a été, selon Reporters sans frontières (RSF), suivi malgré deux certificats médicaux prescrivant des examens qui ne peuvent être réalisés au Cameroun».

Placé en détention provisoire le 29 juillet 2016, poursuivi pour détournement de fonds, sa procédure patine curieusement devant le TCS. Sa cause sera de nouveau examinée le 9 octobre, à la suite d’une nouvelle composition du

tribunal consécutive au récent mouvement de personnels au sein de la magistrature. Le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire estime, dans ses conclusions, que la détention provisoire de l’ex directeur général de la Crtv n’a «pas de base légale», car allant «au-delà de la limite maximale prescrite par la loi, et sans explication suffisante du caractère raisonnable et nécessaire de cette mesure». Vainement, l’instance a demandé «instamment» à Yaoundé de libérer «immédiatement M. Vamoulké et de veiller al ce qu’il reçoive le traitement médical nécessaire dans toute la mesure du possible».