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Sadjo Djaoro : « Le handicap n'est pas une identité », l’aveugle qui voit clair !

SADJO DJAORO MBERÉ, Chef Supérieur de la Communauté Mboum Mbéré de Garoua-Boulaï
A l’occasion de la journée mondiale du Handicap qui se célèbrerait chaque 9 octobre, SADJO DJAORO MBERÉ, le Chef Supérieur de la Communauté Mboum Mbéré de Garoua-Boulaï, dans la Région de l’Est,  nous présente sa conception de la notion du handicap, lui qui est lui-même malvoyant. Pour lui, il n’y a pas de handicap, il n’y a que des différences ; le seul handicap qu’il connaisse relève du fait de ne pas accueillir l’autre tel qu’il est.  

L'aveugle à la vision plutôt clair du handicap visuel, en général, et du handicap tout court, en général s'est s'exprime. Lisons plutôt: 

 "Le monde semble sombre quand on a les yeux fermés.", c'est un proverbe indien qui le dit.

Souvent, au cours de mes nombreuses rencontres, il m’est demandé de parler du handicap, surtout quand mon interlocuteur découvre la distance et l’humour qui pilote mon quotidien d’aveugle.

« Qu’est-ce que le handicap ? », m’interroge-t-il alors.

Pour moi, se définir comme handicapé provient forcément d'une complicité désolante entre celui qui a les yeux éteints, dans le cas de l’aveugle, et celui ou celle qui se trouve en relation avec lui.

C'est en effet le regard de la comparaison, du jugement, jugement né de la peur de la différence, du refus, qui peut créer et renforcer la notion identitaire de la personne dite handicapée, mais uniquement si celui-ci refuse son « autreté » et s'identifie à ce que son interlocuteur projette sur lui.

L'acte de courage à la fois le plus humble et le plus vaillant est signé par l'homme, quelles que soient sa forme, sa couleur, ses différences, qui ose être ce qu'il est, sans plus se comparer aux autres, en adhérant corps et esprit à ses différences.

Être aveugle, paralysé, prétendument normal, d’une race minoritaire, ce n'est pas évident, non pas parce que nous sommes ceci ou cela, mais parce que nous nous voulons autre.

Il y a en nous deux possibilités : l’une est de nourrir les refus, « je suis aveugle, noir, anxieux, mais je ne devrais pas l’être » et l’autre, inconditionnelle, c’est d’accepter. La première est entre les griffes de l’inconscience, elle a comme matrice la peur. La seconde est de la nature de la conscience, elle est amour.

Il n’y a pas de handicap, il n’y a que des différences ; le seul handicap que je connaisse relève du fait de ne pas accueillir l’autre tel qu’il est.

Si j’accueille la cécité non plus comme une limite, une prison, mais comme un instant particulier du mystère du vivant, je n’invente plus de corde pour m’évader, je ne cherche plus de complice à l’extérieur, de sauveur, je n’ai plus de bouc-émissaire à dénoncer, et je deviens la cécité quand celle-ci est mise en évidence, par exemple, par un objet égaré.

Mais elle n’a plus d’emprise quand elle n’est pas mise en évidence par quelque chose à trouver.

Ce n'est évidemment pas notre différence qui doit changer, mais le regard de comparaison que nous portons sur elle.

Si la vie me donnait la vue dans les yeux, je l'accepterais, autant que j'accepte d'en être privé.

Le seul handicap auquel je crois, c'est le manque de discernement et d'amour, source amère et créatrice du refus et de la peur.          

Dans chaque homme, il y a deux tendances : l'une est destructrice, frustrée, a une vision morcelée et refuse le Réel ; l'autre est amoureuse de la Vérité, créative et pacifiée. Je suis comme vous et comme tous les hommes de la terre. La tendance qui triomphe c'est évidemment la tendance que je nourris le plus.

J’espère que la lumière de ces quelques lignes dévoilera l’horreur de la situation, notre complicité avec le handicap, notre mensonge identitaire.

SADJO DJAORO MBERÉ

CHEF SUPÉRIEUR DE LA COMMUNAUTÉ MBOUM MBERE DE GAROUA-BOULAÏ