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Qu’est ce qui peut expliquer toutes ces démissions en cascade dans le MRC

Essai d'analyse sociologique des cas de démission des militants du Mrc (2012-2023)

Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) est né en 2012. Après le Mouvement républicain populaire (Mrp) fondé par le Pr Alain Fogue Tedom en 2010, quelques universitaires avaient été sollicités par ce leader pour travailler à la structuration des textes fondateurs d'un nouveau parti politique dénommé le Mrc (Mouvement pour la renaissance du Cameroun). Deux universitaires conviés à Nkolbisson dans l'arrondissement de Yaoundé VIIème s'étaient réunis, en 2012, pour peaufiner l'armature des textes, en l'occurrence Olivier Bile, enseignant à l'Esstic(École supérieure des sciences et techniques de l'information et de la communication et président national de l'Union pour la fraternité et la prospérité, et Stephane Akoa, analyste géopolitique. Ils étaient en séance de travail avec des membres fondateurs. Quelques jours avant la naissance du Mrc, O. Bile avait proposé que le président national du Mrc intègre le foyisme dans son allocution d'ouverture le jour de la conférence de presse, mais d'autres membres ont rejeté cette idée et lui ont fait savoir que compte tenu de l'existence de l'État laïc au Cameroun, ça ne sert à rien d'incorporer une nouvelle dimension spirituelle dans le discours de Maurice Kamto. Illico presto, Bile a claqué la porte. En dépit de l'interdiction de l'autorité administrative compétente de cette époque-là, les membres fondateurs du Mrc avaient organisé une conférence de presse dans l'obscurité totale Y étaient présents : Maurice Kamto ; Alain Fogue ; Thierry Okala Ebode ; Sosthène Médard Lipot ; Martin Ambang; Fabien Assigana ; Frank Hubert Ateba ; Arnaud Manga ; etc.

Après la naissance du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) en 2012, le premier cas de démission a été observé le 9 juin 2016, soit quatre ans après. Fabien Assigana, alors membre fondateur du parti, claque la porte et formule, de manière globale, la raison liée à la divergence aussi bien dans la vision politique que dans la méthodologie adoptée pour la conduite d'un parti politique. De manière singulière, celui qui est le président national du Morep (Mouvement républicain) évoque, dans sa lettre de démission, cinq mobiles:

1. Le non-respect des textes par certains dirigeants du parti

2. La mise à l'écart de certains responsables du parti au niveau du directoire et même au niveau des fédérations régionales ou communales. Toute chose, dit-il, qui ne répond à aucune procédure statutaire quels que soient les reproches qui leur sont faits.

3. La confusion de rôles et d'attribution en particulier au directoire, où les uns sont hyperactifs et contre-productifs, mais surtout agissent en violation des textes et les autres sont mal placés en situation de chômage permanent. Cet ancien membre fondateur débusque alors des catégories de responsables ci-après : les membres réels ; les apparents; les fictifs ; les exclus; les marginaux ; les intrus; les invisibles et les laxistes.

4. Le recrutement hasardeux et fantaisiste de certains cadres du parti au directoire et, en particulier, sur fond de clientélisme et de favoritisme. "Certaines recrues de dernière heure, écrit F. Assigana, sont couvertes de pouvoir et d'honneur au détriment des militants engagés".

5. Le laxisme et l'inertie qui caractérisent les responsables des organes stratégiques du parti, qui n'ont jamais fonctionné, à l'instar du secrétariat national, du comité national d'arbitrage, du conseil national, de l'Ojmrc(Organisation des jeunes du mouvement pour la renaissance du Cameroun) et de l'Ofmrc(Organisation des femmes du mrc).

Après F. Assigana, d'autres cas de démission ont été enregistrés, en l'occurrence ceux de Denis Emilien Atangana, Franck Hubert Ateba, Eric Kennedy Foyet, Pierre Marie Bebga, Urbain Adolphe Metacgviawo. Après avoir interrogé quelques concernés et après avoir lu, in extenso, les motifs de leurs démission, le motif du tribalisme est dénoncé. En effet, D.E. Atangana, P.M. Bebga et U.A. Metacgviawo décrient, tous les trois, l'ethnocentrisme qui, disent-ils, "gangrènent cette formation politique. "Comment peut-on faire une liste de candidatures aux législatives de 2013 dans la circonscription du Mfoundi, laquelle comporte sept titulaires avec six noms Bamileké?"s'était interrogé celui qui est, aujourd'hui, le président national du Front des démocrates camerouanis (Fdc). Ce conseiller municipal à la commune de Monatele, qui avait obtenu 42% aux élections municipales de 2013, s'était également demandé comment il se faisait que tous les responsables communaux du Mfoundi sont originaires de l'Ouest, dont quatre appartenant à l'aire culturelle du président national du Mrc. Pour P.M. Bebga, ancien secrétaire de la fédération régionale du Centre 1, qui avait démissionné le 15 février 2016, "au-delà du caractère tribal reproché au parti, il existe, au sein du Mrc, des signes visibles de marginalisation de certains groupes de personnes issus de certaines régions camerounaises". Il en veut pour preuve l'origine de sept responsables des arrondissements du Mfoundi du Mrc, qui sont, au cours de cette année-là, tous de l'Ouest. U.A. Metacgviawo, ancien conseiller municipal à la commune d'arrondissement de Douala Vème en 2013, avait, à cette époque-là, dénoncé aussi le tribalisme dans la composition du bureau de la fédération communale de Douala Vème.

Après l'ère de 2016, de nouvelles démissions ont été répertoriées en 2020. Martin Ambang, ancien 4ème vice-président national du Mrc ; Célestin Djamen, ancien secrétaire national en charge des droits de l'homme ; Christian Fouelefack, ancien président de la fédération départementale du Mrc de la Menoua et Paul Eyoum, ancien militant du parti à la section communale de Douala 1er sont des acteurs ayant quitté le train de la renaissance à la suite de la décision du président national de boycotter le double scrutin législatif et municipal de 2020. Joint au téléphone, M. Ambang a égrené le chapelet d'autres problèmes qui, explique-t-il, participent à ternir l'image de cette formation politique : problème de gestion financière ; refus de respecter les textes du parti; tribalisme ; nomination à un poste de responsabilité au sein du directoire sans consultation ; imposition des décisions politiques par certains proches collaborateurs du leader national alors qu'ils n'occupent aucun poste de responsabilité dans les organes stratégiques du parti ; gestion des fonds du parti par certaines personnes alors qu'elles n'ont aucune qualité au sein du directoire ; relations incestueuses entre certains membres du parti et l'argent.

Après la période de 2020, qui a drainé une vague de frustrations et de retraits des acteurs mrcistes, les renouvellements internes des organes de base du parti opérés dès juillet 2022 ont suscité aussi des vives polémiques et engendré des soubresauts au point où certains ont lâché du lest et ont quitté la barque. C'est le cas de: Tabi Johnson, ancien 5ème vice-président national du Mrc ; Mme Tchoua, ancienne membre de la section communale Mrc de Yaoundé Vème; Emmanuel Kueka, ancien candidat déchu à la fédération régionale de l'Ouest; etc. Le dernier cas en date est celui de Sosthène Médard Lipot, ancien conseiller spécial du président national du Mrc, qui a, lui aussi, démissionné le 16 mai 2023. Sollicité pour répondre à nos questions, celui qui fut le premier secrétaire national à la communication du parti, qui plus est membre fondateur a décidé, délibérément, de garder mutisme et nous a, simplement, dit qu'il ne va pas accorder d'interview avant une semaine.

****** Analyse sociologique de la nomenclature des mobiles de la démission des militants du Mrc

Après avoir listé une litanie des facteurs explicatifs de la démission de quatorze anciens cadres et militants du Mrc, il apparaît, manifestement, que cette formation politique de l'opposition camerounaise souffre des problèmes structurel, fonctionnel et conjoncturel qui participent à entraver le fonctionnement de la quasi-totalité des partis politiques au Cameroun. Ces problèmes sont de plusieurs ordres:

1. Une conception et une gestion patrimoniales du pouvoir et du parti

2. Une hypertrophie du moi narcissique qui contribue à ériger la stature de leader messianique

3. Une gouvernance adossée parfois sur une scorie telle que l'opacité

4. Une ingratitude quasi congénitale de certains responsables participant à plomber les rapports avec certains militants du parti

5. La recrudescence des cas d'insatisfaction des membres consécutive aux attentes non-réalisées

6. Des agendas personnels non-aboutis

7. Des pressions externes des officiels du pouvoir de Yaoundé difficiles à supporter

8. La récurrence du problème du tribalisme

À quelques mois de la tenue de la prochaine convention du Mrc à Yaoundé, il est impératif que le président national, les membres du directoire, du conseil national, du secrétariat national, du comité national d'arbitrage, de l'Ojmrc et de l'Ofmrc fassent, de toute urgence, leur introspection afin de remédier à des tares et avatars qui émaillent cette formation politique de l'opposition camerounaise. Personne n'est Blanche comme neige. Les structures sociales, comme les Hommes chargés de les réguler, de les contrôler de les façonner et de les manager, recèlent des atouts et des inconvénients, des points positifs et négatifs, des acquis et des passifs. C'est, d'ailleurs, le paradoxe de l'ambivalence de la vie humaine tant la graine et l'ivraie se côtoient imperturbablement. Chaque maillon de la chaîne doit faire son aggiornamento. Histoire d'opérer un mécanisme, voire des dynamiques de mutation de comportements. C'est à la faveur de la socialisation des acteurs politiques dans l'académie nationale de la renaissance que les mentalités, les attitudes et les pratiques asociales peuvent, au bout du compte, être extirpées de manière à voir les comportements sains et responsables des cadres, militants et sympathisants. Que chacun(e) fasse donc son introspection et cherche à savoir où il/elle a trébuché dans la production des comportements déviants et rétrogrades afin de se relever et de rectifier le tir. C'est l'impératif d'une responsabilité collégiale ! C'est l'affaire de tous et de chacun !

Par ailleurs, les organisations politiques camerouanises méritent de fonctionner comme des entreprises. C'est pourquoi l'on parle d'entrepreneurs politiques. En effet, l'argent est le nerf de la guerre. Tout parti politique a, naturellement, besoin des espèces sonnantes et trébuchantes pour mener ses activités. Les officiels du Mrc doivent donc mettre à profit le capital de sympathie et de crédit des financiers locaux, des mécènes et des compatriotes de la diaspora. Question de lever les fonds et de faire, pour ainsi dire, tourner la technostructure politique. Il est donc urgent de concevoir des stratégies adéquates et idoines pour mobiliser et lever les fonds conséquents autant au niveau national qu'à l'échelon supra national. Puissent les spécialistes du management politique travailler à cet effet! Cela ne doit être l'affaire exclusive de l'argentier du parti ou des cadres du parti, mais de toutes les expertises susceptibles d'aider à la mobilisation des fonds. Ainsi les partis politiques passeront-ils du stade de associations politiques aux entreprises politiques.

 

Serge Aimé Bikoi