Tribunal : Six gardes du corps du président Paul Biya condamnés à de lourdes peines

Des peines pécuniaires avec sursis leur ont été infligées pour avoir bien rudoyé un journaliste de la Rts qui couvrait une manifestation d’opposants en juin 2019.

Le Tribunal de police de Genève a estimé vendredi dernier que six membres du service de sécurité du président camerounais Paul Biya avaient bien rudoyé, en juin 2019, un journaliste de la RTS qui couvrait une manifestation d’opposants devant un hôtel genevois où séjournait le chef d’État. L’information, révélée par le journal Le Temps, a été confirmée par Jamil Soussi, l’avocat du journaliste. Les gardes du corps sont condamnés à des peines pécuniaires au lieu de peines privatives de liberté. Le seul agent qui n’avait pas participé à l’empoignade écope de 30 jours-amendes avec sursis. Les cinq autres de peines de 90 et 100 jours-amendes avec sursis, un appel est toujours possible.

Le Ministère public genevois, par voie d’ordonnance pénale, avait déjà condamné pour ces événements les gardes du corps à des peines de prison avec sursis d’au moins trois mois. Les agents avaient fait opposition. Le Tribunal de police s’est montré un peu plus clément à leur égard, les condamnant cette fois à des peines pécuniaires avec sursis. Les agents du service de sécurité du président camerounais demandaient leur acquittement devant le Tribunal de police.

Ils n’ont été blanchis que pour l’infraction de dommage à la propriété, sauf pour l’un d’entre eux. « Ce jugement est regrettable, car à mon sens, la liberté de la presse ne donnait pas le droit au journaliste de filmer les agents, sans leur consentement. Ils sont intervenus, car il relevait de la sécurité du président et de la leur que leur visage ne se retrouve pas sur les réseaux sociaux», a commenté Robert Assaël, l’un des avocats des gardes du corps.

Jusqu’au Tribunal fédéral

L’affaire avait fait du bruit et était remontée jusqu’au Tribunal fédéral. Les gardes du corps du président camerounais arguaient être au bénéfice de l’immunité. Une vision que les juges de Mon Repos avaient rejetée, estimant, au vu des circonstances, que les agents n’avaient pas agi ce jour-là pour la sécurité de Paul Biya.

Le reporter avait été molesté devant l’Hôtel Intercontinental, où le président Paul Biya résidait. Légèrement blessé lors de l’intervention des gardes du corps, il avait été délesté de son matériel professionnel et de ses effets personnels. Cité par Le Temps, le procureur général de Genève Olivier Jornot a estimé, devant le tribunal, qu’un «signal fort est nécessaire pour rappeler les limites de leur action à ceux qui se cachent derrière un prétendu statut diplomatique pour agir comme bon leur semble ».

Aux yeux du parquet, «il s’est passé quelque chose de grave» sur l’esplanade de cet hôtel où séjourne régulièrement Paul Biya lorsqu’il vient sur les bords du Léman pour des soins médicaux. «Des représentants d’un Etat étranger se sont permis de faire la chasse à un journaliste qui ne représentait aucun danger, mais également à des opposants.» Tout cela, tempête encore Olivier Jornot, va bien au-delà de ce que le canton est habitué à connaître en matière de manifestation politiquement sensible. Le Ministère public estime également que la délégation camerounaise, qui occupe tout l’étage de l’hôtel Intercontinental, se comporte comme «un Etat dans l’Etat».

Un touriste américain aurait d’ailleurs fait les frais de cette attitude et une procédure séparée a été ouverte à ce sujet. L’enquête a donc été difficile à mener. Olivier Jornot précise que les gardes du corps se sont finalement livrés à la police et qu’ils ont proféré «un festival de mensonges invraisemblables» (personne n’a empoigné le journaliste, ses affaires ont été trouvées par terre, etc.) avant d’être confrontés aux images de vidéosurveillance. La brigade de sécurité diplomatique a également dû palabrer et insister pour récupérer le téléphone du plaignant.

 

 

Tribune de Genève

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