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Cameroun-Opinion, Me Akere Muna « Si à 85 ans, Paul Biya se représente, cela mettra beaucoup de monde dans l’embarras même dans son propre parti… il risque porter la responsabilité d’une guerre en zone anglophone »

Me Akere Muna

De passage en France depuis le 24 février, où il a rencontré la diaspora camerounaise, Akere Muna, candidat à la présidentielle d'octobre 2018, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

La rédaction de 237actu vous propose ci-dessous l’intégralité des échangés.

Jeune Afrique : On vous voit beaucoup voyager, notamment en France actuellement. Comment se passe votre campagne ?

Akere Muna : J’ai visité l’Adamaoua [une région du Cameroun, ndlr], le Nord, l’Extrême-Nord et je vais prochainement me rendre dans le Sud-Ouest, le Nord-Ouest mais aussi en Allemagne, en Belgique, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada pour faire le tour de la diaspora. L’objectif, c’est de mobiliser. Je souhaite qu’au moins 15 personnes de notre mouvement NOW soient présentes dans chacun des 30 000 bureaux de vote de la présidentielle. Cela a l’air énorme, mais on y arrive en réalité très vite, comme on l’a vu au Nord, dans l’Extrême-Nord et autour de Douala, dans le Littoral. D’ici fin mai, on devrait avoir nos équipes

.France, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, États-Unis, Canada…Vous mobilisez beaucoup la diaspora. Pourtant, celle-ci n’a pas le droit de vote puisque la double nationalité n’existe pas au Cameroun…

Ils peuvent néanmoins influencer, même s’ils ne votent pas ! De toute façon, je leur en fais la promesse : dès les premiers jours de mon mandat, ce sera réglé. Chacun pourra choisir s’il a une, deux ou trois nationalités. Bien sûr, il faudra mettre des cadres, notamment fiscaux, mais il faudra cesser de se couper des ressources et des qualités énormes de la diaspora.

Vous avez choisi de démarrer votre campagne de terrain au Cameroun par le Grand Nord [comprenant le Nord, l’Extrême-Nord et l’Adamaoua, ndlr]. Pourquoi ?

C’est dans ces régions francophones que j’ai le plus besoin de convaincre. Étant moi-même anglophone, j’aurais sans doute moins de difficultés à convaincre les anglophones. Barack Obama n’a pas débuté sa campagne en l’axant sur la communauté noire américaine. Il faut en premier lieu que la majorité francophone se reconnaisse en moi et m’accepte. Bien sûr, j’ai prévu de me rendre prochainement dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

La crise anglophone a rendu d’autant plus importantes ces deux régions. Quelle est votre stratégie ?

Le dialogue ! Il n’y a pas d’autre solution que le dialogue et les élections. C’est ça ou la guerre. On voit bien que l’État ne va pas vers le dialogue aujourd’hui. Il pense pouvoir régler les problèmes par la force. Mais c’est impossible. D’un côté, il y a des groupes violents qui sévissent et qui n’ont pas grand chose à voir avec les sécessionnistes, même si ces derniers s’en servent parfois pour exister. D’un autre, l’État utilise cette violence pour justifier le renforcement des moyens militaires. Résultat : on est dans une forme de guerre civile et tous les anglophones

Être anglophone est-il votre principal atout ?

Il ne faut pas aller aux élections simplement en se revendiquant anglophone ? Cela n’a pas de sens. Il faut un projet qui mobilise. Maintenant, vu le contexte politique, je crois que le Cameroun a besoin d’une alternance culturelle. La seule chose qui peut gêner les sécessionnistes, c’est un président anglophone. C’est pour ça que je fais l’objet de leurs menaces.

Faut-il aller vers le fédéralisme ?

C’est en tout cas une chose que les anglophones modérés peuvent accepter. Personnellement, j’y suis favorable. Il faudra bien sûr décider s’il y aura deux, trois, dix États, en débattant sur tout le territoire. Le système fédéral est familier pour les anglophones, qui savent comme cela fonctionne, mais il ne l’est pas forcément pour les francophones. Cela passe donc par un dialogue citoyen.

Vous parlez donc d’un dialogue. Sous quelle forme ?

Je crois qu’on a dépassé l’étape d’un dialogue camerouno-camerounais. Une tierce personne ou une organisation doit enclencher le processus en parlant aux différentes communautés. Ensuite, on pourra essayer de se mettre d’accord sur la forme de l’État et sur une réforme de notre système, comme on n’en a pas connu depuis 1972.

La décentralisation est une farce : le Cameroun fonctionne sur un système de création de dépendance envers le régime. Vous quémandez, on vous donne. Le résultat, c’est que le pays est pris en otage par moins de 500 personnes, dont beaucoup ne sont même pas élues ! C’est ce qu’il faut changer.

Comment ?

En démarrant par mettre fin à une corruption qui nous prive de nos ressources. Dès mon premier mandat, il y aura une politique de transparence. On saura qui passe les contrats, pour quelle somme, pour combien de temps… C’est une façon de redonner confiance en l’État. Il est impensable que le Cameroun n’ait pas un système de santé qui fonctionne, des routes qui relient les grandes villes, des rails et des trains électriques qui aillent d’Est en Ouest et du Sud au Nord…

Pour mon premier mandat, on construira un train électrique qui ira non seulement de Douala à Yaoundé mais aussi vers le Nord, l’Extrême-Nord et le Tchad. Il nous faut un train trans-camerounais. C’est aussi ça l’indivisibilité du Cameroun : pouvoir aller partout dans le pays.

Vous avez parlé à deux reprises de votre premier mandat. Doit-il y en avoir d’autres ?Êtes-vous favorable à la limitation des mandats ?

Oui, nous mettrons en place une limitation à deux mandats. C’est largement suffisant pour faire le travail. Pour la durée, je trouve que sept ans, c’est long. Donc, lors de mon premier septennat, je demanderai le passage au quinquennat. Je suis également favorable à une limite d’âge, qui pourrait interdire à une personne de se présenter à une présidentielle au-delà de 80 ans.

Il doit aussi y avoir un renouvellement de génération. Je l’ai vu dans les régions du Grand Nord. La jeunesse est déçue par les grands partis, qui n’ont rien construit. Les jeunes doivent devenir des acteurs de la politique camerounaise !

Seul Paul Biya, qui vient de fêter ses 85 ans, pourrait avoir plus de 80 ans lors de la prochaine élection. S’il décidait de se présenter…

Effectivement, il ne s’est pas encore prononcé et je crois que cela met beaucoup de monde dans l’embarras dans son propre parti. Certains commencent à paniquer. Cela dit, je pense qu’on est à un tournant décisif : Paul Biya observe et j’imagine qu’il est soucieux de ce que l’histoire retiendra de lui.

Organiser les élections et se retirer du processus maintenant serait une porte de sortie très honorable. S’il choisit de rester, il risque au contraire de porter la responsabilité d’une guerre en zone anglophone.

Le fait que son rival John Fru Ndi ne soit pas candidat à la présidentielle peut-il le pousser à réfléchir davantage à la retraite ?

Je le crois, tout comme les sorties de Jacob Zuma, Robert Mugabe, José Eduardo dos Santos… Peut-être que Paul Biya voudra également faire comme Ahmadou Ahidjo, son prédécesseur, et partir de lui-même en orchestrant sa sortie. Dans tous les cas, le retrait de Fru Ndi et le choix de Joshua Osih sont de bons messages. Osih aura davantage tendance à penser à l’avenir plutôt qu’au passé. Quant à Fru Ndi, il sera sans doute plus facile d’échanger avec lui dès lors qu’il n’aura plus le poids de la candidature à la présidentielle sur les épaules.

Vous croyez donc à une candidature commune de l’opposition ?

La candidature commune est très possible. Les Camerounais demandent à ce que l’on se mette ensemble. C’est pourquoi j’ai mis en place mon projet la « Plateforme pour une Nouvelle République », à laquelle les autres partis et organisations de la société civile peuvent adhérer. Il faudra sans doute aller plus loin et convaincre d’autres candidats potentiels.

Bien sûr, si je suis convaincu que le programme d’un autre est le meilleur et le plus utile au pays, alors je m’alignerai derrière lui. Maintenant, il faut aussi que nous ayons un candidat d’expérience, notamment à l’international. C’est aussi pour cela que je voyage beaucoup et que je parle à mes aînés, comme le Ghanéen Nana Akufo-Addo ou l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo.