La routine de ses courts-longs séjours privés à l’étranger n’a pas altéré l’intérêt, sans doute légitime, que les Camerounais portent à leur chef d’Etat. Longue de plus de 30 jours, l’absence de Paul Biya a alimenté les commentaires, des plus conciliants aux plus osés, notamment sur les réseaux sociaux.
Suite aux évènements du 22 septembre et du 1er octobre 2017 dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, d’une destination inconnue de la majorité de ses compatriotes, Paul Biya a réagi, sur ces réseaux, en condamnant « de façon énergique tous les actes de violence, d’où qu’ils viennent, quels qu’en soient les auteurs ». Et en appelant à un « dialogue serein ».
Surfant sur cette réaction peu habituelle, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, vantera sur Equinoxe télévision «l’omniprésence» du chef de l’Etat, qui « utilise tous les avantages que lui offrent les techniques et technologies de l’information et de la communication ». Interrogé par Radio France international (Rfi) sur la crise anglophone, l’ambassadeur du Cameroun en France, Samuel Mvondo Ayolo, dira du président Biya, avec le même triomphalisme, « qu’il est un homme très moderne », qui travaille où qu’il se trouve dans le monde.
Le côté androïde de Paul Biya (ou celui qu’on lui prête) s’est davantage affirmé lorsque vendredi dernier, le protocole d’Etat a fait fuiter sur les réseaux sociaux le programme de fin de séjour du couple présidentiel en Suisse. Une manière de redire aux activistes de Facebook et WhatsApp : ‘’circulez il n’y a rien à voir, le chef de l’Etat travaille en permanence. Il n’y a pas de vacance à la tête de l’Etat’’.
Cependant, la mise en scène et la propagande officielle courantes autour des retours du chef de l’Etat, après les courts-longs séjours à l’étranger, sonnent faux pour ceux qui seraient tentés de croire au mythe de l’omniprésence de Paul Biya. On a le sentiment que même dans son propre camp, son absence se vit sur le schéma « un seul être vous manque et tout est dépeuplé », propre au poète français Lamartine, ou alors sur l’adage « le chat parti, les souris dansent ». Et que son retour au bercail marque le déclic dans la prise de la décision stratégique. Dès lors, tout le monde se met au pas et regarde en direction d’Etoudi en se rasant le matin.
De plus, en ciblant la jeunesse, principal utilisateur des réseaux sociaux et principal vivier électoral, pour faire croire que le président de la République, Paul Biya est omniprésent, les stratèges du chef de l’Etat doivent se garder de penser qu’ils ont affaire à des personnes naïves. Les utilisateurs des réseaux sociaux, du moins les plus avisés, ont certainement eu le temps de consulter des sites d’information des présidences africaines ou occidentales, pour juger de l’activité des chefs d’Etat, depuis la fin de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Ils ont certainement regardé les chaînes satellitaires dont les coûts d’accès sont de plus en plus démocratiques, pour comparer le fonctionnement de leur pays à d’autres proches ou lointains. Dans ce registre, le cas du président français, Emmanuel Macron, parce que très éloquent, donne à réfléchir. Entre ses activités de politique intérieure et son déploiement sur la scène internationale, l’agenda du locataire de l’Elysée est à mille lieues de ce qui a tout l’air de la gestion à minima du Cameroun sur les 30 derniers jours.
Du coup, il est évident que pour convaincre cette jeunesse de plus en plus exigeante, il faudra plus que de l’affichage sur les réseaux sociaux. Il faudra plus qu’une gesticulation… androïde. L’adjuvant des réseaux sociaux doit être précédé d’un management moderne, proactif et diligent, qui n’érige pas le « temps du Président » en synonyme d’inertie.
Source:Geoges Alain Boyomo du quotidien Mutation.