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Politique : Rencontre Kamto-Nagy : l’étrange posture des Etats Unis à l’égard de son allié camerounais

kamto-tibor nagy

Les Camerounais se préparent à voter le 9 février prochain pour les élections législatives et municipales, une étape majeure dans le programme de décentralisation du pays, mais aussi un espoir, peut-être, dans la résolution de la crise des régions dites anglophones. Or, à moins d’un mois de ce scrutin, essentiel pour apaiser les tensions et consolider la démocratie camerounaise, Tibor Nagy, le « Monsieur Afrique » du département d’Etat américain, a choisi de rencontrer Maurice Kamto, leader du parti MRC, qui précisément a décidé de boycotter ces élections au motif que la crise anglophone perdure, et qui se refuse, contrairement à l’ensemble de la communauté internationale, à reconnaître le résultat des élections présidentielles de 2018.

Depuis environ deux ans, l’Oncle Sam multiplie ces messages ambigus à l’égard du Cameroun. En novembre dernier, le président Donald Trump annonçait au Congrès son intention d’exclure Yaoundé des accords de l’AGOA afin de le priver de la facilité d’exporter vers les Etats Unis. En cause, des atteintes aux Droits de l’homme dans la gestion du conflit avec les séparatistes armés. On reproche à Paul Biya l’usage de la force et « des assassinats ciblés » pour ramener l’ordre dans ces régions. On l’invite à dialoguer avec des tenants de la lutte armée, dont les vrais leaders sont pour l’essentiel basés, financés (et peu inquiétés) en Amérique du Nord (voir notre enquête sur Kilimanjaro Capital).

Un reproche étonnant de la part d’un pays qui, quelques mois plus tard, exécutera le haut responsable militaire d’un pays souverain sur de simples soupçons de projet d’attaque d’ambassade américaine. Paul Biya, reconnu pour avoir toujours privilégié la résolution des conflits par des voies pacifiques et légales, y compris dans le long et périlleux différent avec le Nigéria à propos de région frontalière de Bakassi, aurait-il décidé, à 85 ans, d’embrasser une carrière de chef de guerre ? Selon René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, la vision américaine de ce conflit procède « soit d’une ignorance ou d’une méconnaissance de la situation réelle, telle qu’elle a prévalu et prévaut encore dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, soit d’une volonté délibérée d’ignorer cette réalité ».

Depuis plusieurs années, le Cameroun fait face, non seulement à cette rebellion séparatiste à l’Ouest, mais également aux terribles exactions de Boko Haram dans l’Extrême Nord, ainsi qu’aux débordements des conflits qui agitent la République Centrafricaine à l’Est. Trois fronts d’insécurité majeurs qui éprouvent les forces armées, provoquent de gigantesques afflux de réfugiès et assèchent les finances du pays.

C’est précisément le moment que les USA choisissent, en février 2019, pour annoncer la réduction de leur soutien militaire au Cameroun. Ce même mois de février 2019, Allegra Maria Del Pilar Baiocchi, coordonnatrice résidente des Nations unies au Cameroun, s’indignait du déficit de solidarité de la part de la communauté internationale à l’égard du Cameroun : « Je pense que ceci est inacceptable pour une situation comme celle qui prévaut au Cameroun.» Pour la représentante onusienne, près de 4 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire au Cameroun, mais seulement 40% des financements promis ont été concrétisés.

En novembre 2019, c’est Abdoulaye Seck, le directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun qui rendait justice au pays de Paul Biya en évoquant « la générosité du pays et sa longue tradition de solidarité et d’hospitalité à l’endroit des personnes déplacées ». Pas vraiment le profil de la gouvernance sanguinaire qui nous est parfois présentée. Le 9 février prochain les Camerounais éliront leurs députés et leurs maires. L’occasion pour les partis d’opposition de s’implanter dans les régions, de former les militants aux responsabilités de la gestion publique et de construire une alternative nationale, crédible et compétente.

C’est le jeu de la démocratie. D’autres préfèrent tenter de prendre le pouvoir à la hussarde, à coup de violences et de déversements de haine sur les réseaux sociaux. Reste à savoir laquelle de ces deux voies les Etats Unis veulent vraiment encourager en Afrique. Dominique Flaux correspondance particulière