Connu mondialement pour son best-seller paru en 1979 «Une saison blanche et sèche», Andre Brink, premier écrivain afrikaneer frappé par la censure en Afrique du Sud, est décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 79 ans.
Des médias sud-africains ont rapporté l’information dans la matinée. L’agence radio Eye Witness News a notamment obtenu confirmation du décès auprès de son ex-épouse, Alta Brink.
Ancien professeur d’anglais à l’Université du Cap, Andre Brink est décédé à bord d’un avion qui le ramenait d’Europe, après avoir été fait docteur honoris causa de l’Université catholique de Louvain (UCL) en Belgique. «Cette nouvelle est profondément triste, même si les circonstances de la mort d’André ne rendent pas justice à la vie extraordinaire qu’il a menée», a réagi Lesley Marx, professeur à l’Université du Cap.
Le président sud-africain Jacob Zuma quant à lui a rendu hommage à un «universitaire remarquable et très réputé». Marié et divorcé à de nombreuses reprises, Andre Philippus Brink a été plusieurs fois proposé pour le Nobel de Littérature mais jamais primé. Il a reçu plusieurs prix prestigieux dans son pays et à l’étranger, dont le Prix Medicis étranger en 1980 pour «Une saison blanche et sèche».
Ses liens avec la France remontaient à ses études à la Sorbonne entre 1959 et 1961, où il a obtenu un diplôme de littérature comparée. Il a également reçu la Légion d’honneur, en 1983. Né en 1935 d’un père magistrat et d’une mère professeur dans un collège anglophone, il écrivait aussi bien en anglais qu’en afrikaans, la langue dominante de la minorité blanche sud-africaine.
Il était membre de «Die Sestigers», un mouvement littéraire qui s’était élevé contre la politique ségrégationniste d’apartheid à partir des années 1960. Frappé par la censure –
En 1973, il fut le premier écrivain afrikaneer frappé par la censure en Afrique du Sud pour son roman «Au plus noir de la nuit», qualifié de roman «pornographique».
Dès ses premières oeuvres, au titre parfois provoquant comme «Orgie», il a encouru la réprobation des milieux conservateurs sud-africains. Son oeuvre la plus connue est certainement «Une saison blanche et sèche», immédiatement interdite en Afrique du Sud et publiée à Londres en 1979.
Ce roman raconte l’histoire d’un Sud-Africain blanc qui se lance dans une enquête pour connaître le sort réel de deux amis noirs, un père et un fils morts pour avoir contesté le régime d’apartheid.
En 2009, Brink avait publié un livre de mémoires intitulé «A Fork in the Road» (traduit par «Mes bifurcations»), dans lequel il tirait un bilan assez sombre des 15 premières années post-apartheid, notant que la liberté chèrement acquise n’avait pas exorcisé tous les démons de son pays. «Un instant dans le vent», «Rumeurs de pluie», «Un turbulent silence», «Le mur de la peste» et, plus récemment, «Etats d’urgence» figurent parmi ses titres les plus connus. Il a été traduit en 36 langues.
Lundi, à Louvain, l’UCL a salué la «posture libérale» d’Andre Brink qui a su dénoncer «le rigorisme, la condition de la femme et la ségrégation raciale en Afrique du Sud». Le professeur d’architecture et écrivain belge, Martin Buysse, a rappelé que le septuagénaire situait sa «prise de conscience des fondements iniques de l’Apartheid» à un matin de mars 1960 où, «assis dans le Jardin du Luxembourg, [il] désespér[ait] de comprendre ce qui a pu entraîner [son] pays jusqu’à l’horreur du massacre de Sharpeville» dont il venait d’être informé. «Les événements de mai 1968 dont vous êtes témoin lors d’un deuxième séjour en France vous renforcent dans votre détermination à vous élever contre l’Apartheid», a-t-il poursuivi.
Quelques minutes plus tard, Andre Brink s’était adressé dans son discours de remerciement aux étudiants, qui «cherchent des réponses», les appelant à «savoir dire non comme Antigone». Le romancier a ensuite rendu hommage à Camus. Camus, a-t-il dit, «est toujours le phare le plus important de ma vie qui me montre la possibilité d’un choix». «Le seul triomphe dont peut se vanter l’être humain, a-t-il encore déclaré, c’est d’aller à l’encontre des questions afin d’essayer de trouver des réponses. Si on savait à l’avance ce que sont les réponses, il n’y aurait pas d’aventure, il n’y aurait pas de choix véritable.»
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