Les coupures d’électricité récurrentes, plongeant récemment des quartiers comme Bali (Douala) dans le noir pendant trois jours et Bonaberi pendant cinq jours, ne sont que des symptômes d’un mal-être plus vaste ressenti par de nombreux Camerounais. Face à ces épreuves quotidiennes et à un gouvernement en place depuis 43 ans, souvent critiqué pour son inertie, comment expliquer l’absence apparente de mobilisation collective ? La rédaction de 237actu.com a recueilli l’analyse percutante d’un citoyen, que nous appellerons « X », qui décortique un état d’esprit particulier qui, selon lui, paralyse le pays.
La « Compétition » dans la Souffrance : Un Frein à l’Action
Partant de l’exaspération palpable face aux délestages, X propose une lecture psychologique de la situation. Selon lui, le Camerounais moyen est enfermé dans une « compétition permanente avec son prochain« . Confronté à ses propres difficultés, il trouverait une forme de soulagement pervers dans le fait de savoir que les autres souffrent aussi. « Il pense que comme l’autre Camerounais souffre aussi, ça égalise sa souffrance, » explique X.
Cette comparaison constante neutraliserait l’indignation. Pire, elle créerait une forme de satisfaction relative : « Il croit qu’il ne souffre pas assez parce que l’autre souffre aussi. Il a même tendance à souhaiter que l’autre souffre beaucoup plus que lui et ça lui donne l’impression qu’il est gagnant et qu’il ne souffre même plus. »
L’Incapacité à S’unir Contre « l’Oppresseur »
La conséquence directe de cette mentalité, poursuit X, est « l’incapacité des souffreteux à se mobiliser contre leur oppresseur« . Au lieu de chercher des « stratégies communes pour diminuer ou éradiquer leur souffrance collective« , chacun resterait focalisé sur sa propre échelle de malheur, comparée à celle du voisin.
Ce mécanisme, selon X, arrange bien les affaires de ceux qui dirigent : il garantit un « Statu Quo permanent » et ouvre un « boulevard ouvert pour l’oppresseur qui n’a plus de grands efforts à fournir pour les tenir« . L’énergie qui pourrait être dirigée vers la revendication se dissipe en comparaisons internes.
La Stratégie de la Souffrance Généralisée ?
X va plus loin, suggérant une stratégie consciente ou inconsciente du pouvoir : « L’oppresseur s’arrange à élargir la souffrance un peu partout et à augmenter le nombre de souffreteux ». Il prend l’exemple frappant de la gestion des ordures : « Autrefois il y avait les tas ordures dans certains coins des villes […] L’oppresseur a compris qu’il faut en mettre dans tous les coins sans exception. »
Le résultat ? La plainte initiale se transforme. Lorsque tout le monde est touché, la critique s’émousse et laisse place à une forme de résignation teintée d’humour noir : les plaintes deviennent des « ‘challenges sur les ordures‘ » ou des « scènes de commentaires hilarants« . La logique perverse décrite par X reprend le dessus : « Chaque souffreteux est content de savoir l’autre a sa part de poubelle dans son quartier et ils sont quittes et plus de plaintes. »
D’un Peuple à des « Populations » ?
Pour X, cette dynamique « traduit dans sa profondeur l’état d’esprit » actuel. Il va jusqu’à affirmer que les Camerounais « ont cessé depuis longtemps d’être un peuple » pour n’être plus que des « populations« . Une affirmation forte qui suggère une perte de cohésion, de solidarité et de capacité d’action collective face à un destin pourtant partagé.
L’analyse de X, bien que sombre, invite à une profonde réflexion. Met-elle le doigt sur une réalité psychologique et sociale qui explique en partie l’inertie face aux difficultés persistantes au Cameroun ? Si la souffrance est individuelle, sa solution face à des problèmes structurels ne peut être que collective. La prise de conscience de cette « compétition dans le malheur« , décrite par X, pourrait-elle être le premier pas vers une union des forces pour exiger un changement réel et de meilleures conditions de vie pour tous ? La question reste ouverte.