Présidentielle 2025 : Rebecca Enonchong veut-elle vraiment succéder à Paul Biya ?

Au Cameroun, le mot-dièse #Rebecca2025 a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux, appelant à la candidature de la femme d’affaires pour l’élection présidentielle, ambition que l’intéressée a démentie. Jeune Afrique décrypte le phénomène.

En tailleur rouge, Rebecca Enonchong croise les bras, son nom est affiché en lettres majuscules, suivi de « FOR PRESIDENT ». Un message incite ensuite les internautes à « rejoindre le mouvement » et à partager le visuel avec le mot-dièse #Rebecca2025. Derrière la femme d’affaires, quatre lettres forment le mot « HOPE », pour « espoir ». Les trois couleurs du drapeau national du Cameroun, vert, rouge et jaune, sont omniprésentes. Sur Twitter, le 27 juin, la publication a déjà été partagée « de nombreuses fois », a constaté la principale intéressée.

La fondatrice d’AppsTech est-elle d’ores et déjà candidate à l’élection présidentielle de 2025 ? L’intéressée a expliqué n’avoir « aucune intention de [s]e présenter à un poste politique », se disant toutefois « extrêmement flattée par les efforts de ceux impliqués dans cette campagne ».

Pour répondre aux questions que pose cette étrange affaire, Jeune Afrique a décrypté le phénomène #Rebecca2025.

 

Un mystérieux compte Twitter

Le 27 juin, sur son compte Twitter, et tout en repartageant la publication, Rebecca Enonchong a appelé ses concepteurs à préciser aux internautes que celle-ci n’était pas sérieuse. « Le visuel est top, a-t-elle écrit. Merci à son créateur. Mais maintenant, ça circule sur WhatsApp ! L’humour que nous avons sur Twitter n’est pas toujours compris par tous. S’il vous plaît, dites-leur [aux internautes] que c’est une blague. » Mais en est-ce véritablement une ?

Ce faux appel à candidature a été initié par quelques internautes dont les motivations ne semblent pas être du ressort de l’humour. Ainsi, le premier compte Twitter à avoir lancé le mouvement #Rebecca2025 répond au nom au pseudonyme de @Crit_Role69. Sa photographie est tirée d’une banque d’images et illustre régulièrement des sites de ventes de costumes en ligne.

Une adresse internet « transformonslecameroun.com », fournie dans la description du compte, ne donne pas plus d’indications sur l’identité de son propriétaire. Selon les publications de @Crit_Role69 et de certains des comptes lui étant liés, le site renvoie à une plateforme politique qui semble avoir été lancée au début de 2020 et qui appelait les Camerounais à voter afin que le pays « entame sa transformation ». Le Cameroun organisait alors des élections législatives, à laquelle une partie de l’opposition avait choisi de ne pas participer.

« Le grand changement »

Le concepteur de l’affiche est un certain Aurélien N., « passionné d’art et de design » et cogérant d’une agence de communication visuelle. Retrouvé par JA, celui-ci confirme avoir conçu le visuel à titre bénévole, après avoir vu circuler les premiers tweets estampillés #Rebecca2025, alors accompagnés d’une simple photo de la prétendue candidate.

Le designer a ensuite soumis sa création à @Crit_Role69, qui l’a autorisé à la publier sur les réseaux sociaux. Le mouvement a alors pris une nouvelle ampleur. D’autant que son initiateur semble avoir, lui, de réelles ambitions en ce qui concerne l’avenir politique de Rebecca Enonchong. « Le Cameroun a besoin d’une disruption pour rattraper son retard sur le monde. On ne peut pas y arriver en comptant sur les acteurs traditionnels », a-t-il indiqué sur Twitter.

« Il faut dont un visage compétent, clairvoyant et qui transcende le connu, l’inconnu et les esprits. That’s the big shift [C’est le grand changement] », a-t-il ajouté. Contacté, @Crit_Role69 n’a pas répondu à nos sollicitations.

Trois jours de garde à vue

Si Rebecca Enonchong dément vouloir se lancer dans la politique, beaucoup lui prêtent cette ambition. Depuis plusieurs années, ses prises de position en faveur de la défense des droits numériques puis, peu à peu, sur certains sujets politiques, ont attiré sur elle l’attention du public. Elle est ainsi proche d’Edith Kahbang Walla, présidente du Cameroon People’s Parti (CPP) et ex-candidate à l’élection présidentielle de 2011, et de Bergeline Domou, activiste engagée dans la lutte pour la protection des droits de l’homme.

La femme d’affaires, fondatrice de plusieurs entreprises à succès, a ainsi fait entendre sa voix au sujet du conflit meurtrier qui paralyse les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, déclarant notamment que « le gouvernement [était] absolument responsable de cette situation ». Aux côtés de l’avocate Alice Nkom, d’Edith Kahbang Walla et de Tomaïno Ndam Njoya, elle comptait parmi les seize personnalités publiques féminines qui ont saisi les Nations unies (ONU) et le Fonds monétaire international (FMI) pour dénoncer le « massacre des fonds publics » au Cameroun.

 

Si son franc-parler ainsi que ses différentes prises de positions lui ont attiré la sympathie des milieux d’opposition et de la société civile, cela lui a aussi valu les foudres de certains dans les rangs du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Au point de subir un rappel à l’ordre ? Le 10 août 2021, elle était arrêtée pour « outrage à magistrat » dans une affaire de succession et de fraude impliquant la vente par son frère d’une propriété appartenant à son défunt père, l’avocat Henry Ndifor Abi Enonchong.

Un mot-dièse, #FreeRebecca, avait aussitôt été créé et Rebecca Enonchong avait finalement été libérée le 13 août 2021, après trois jours de garde à vue. À JA, l’intéressée avait décrit cet épisode comme un tir de sommation destiné à lui rappeler qui étaient les « patrons » au Cameroun. L’arrestation et la mobilisation qui avaient suivi avaient ainsi transformé un simple litige familial en affaire politique.

« La Constitution n’est pas un supermarché »

Depuis, Rebecca Enonchong n’a pas pour autant cessé de prendre position sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Elle s’oppose ainsi régulièrement à la multiplication des propos haineux et tribalistes ayant envahi l’espace public et a milité en novembre 2022 pour la libération de Parfait Siki, alors secrétaire général par intérim et responsable de la communication de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Récemment, elle a même pris la défense de Francis Ngannou, lorsque le célèbre champion camerounais d’arts martiaux mixtes (MMA) a été moqué sur les réseaux sociaux pour avoir « mal exécuté » l’hymne national.

La femme d’affaires a aussi milité contre la corruption et pour plus de transparence financière. « La Constitution n’est pas un supermarché où l’on choisit les articles que l’on veut », a-t-elle fustigé, appelant à l’application de l’article 66 du texte instaurant la déclaration des biens et des avoirs des personnalités publiques.

Sans revendiquer une approche politique, la fondatrice d’AppsTech se dit « bénie de pouvoir travailler sur de nombreuses initiatives qui ont un impact non seulement sur les Camerounais, mais aussi sur les Africains et les personnes du monde entier ». Et affirme vouloir continuer à s’investir en tant que « citoyenne privée » dans des domaines où elle est « en mesure d’influencer ». Est-elle trop prudente ?

Sur Twitter, un internaute a rétorqué à son refus de candidater pour 2025 par un proverbe : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Une façon de sous-entendre que Rebecca Enonchong essayait surtout de ne pas s’attirer les foudres des partisans de Paul Biya…

 

Ref: Jeune Afrique

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