Production de manioc : Eyébé Ayissi renonce à attribuer 400 000 hectares à la société Lyrebird, inconnue du public

La société Lyrebird Capital Company Limited (LCCL) n’obtiendra finalement pas une superficie de 400 000 hectares pour la production industrielle du manioc dans l’arrondissement de Nanga-Eboko, dans la région du Centre du Cameroun. En effet, la tentative de cette entreprise de se faire attribuer des assiettes foncières dans cette unité administrative vient d’être stopper par la présidence de la République. C’est du moins ce que révèle une lettre confidentielle du ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, adressée le 29 avril 2024 à M. Jean Baptiste Nganda, le représentant de cette entreprise au Cameroun.

« Prenant acte des informations contenues dans la correspondance sus référencée en date du 5 avril 2024, par laquelle le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République m’a interpellé relativement à l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en exécution des hautes instructions de la présidence de la République, les termes de ma correspondance (…) du 12 décembre 2023 vous accordant une dérogation spéciale pour la mise en œuvre de la procédure de concession provisoire sur une parcelle du domaine nationale d’une superficie d’environ 400 000 hectares, répartie dans 12 groupements (…) de l’arrondissement de Nanga-Eboko, ont été rétractés », écrit le ministre Eyébé Ayissi (photo).

La lettre de ce membre du gouvernement camerounais vient rasséréner les esprits surchauffés depuis la révélation de ce projet le 27 mars 2024, par un message porté du préfet du département de la Haute Sanaga, Albert Nanga Dang. Ce dernier invitait alors des autorités traditionnelles, des responsables administratifs et municipaux des arrondissements de Nanga-Eboko et de Minta à prendre part, le 2 avril 2024 à Nanga-Eboko, à une réunion d’information et de concertation relative « au projet industriel culture du manioc, dans les arrondissements de Nanga-Eboko et Minta », et aux « dérogations spéciales accordées à la société Lyrebird Capital Company LTD ». Ces « dérogations spéciales », précise une lettre du ministre Eyébé Ayissi, qui avait alors opportunément fuité sur les réseaux sociaux, étaient relatives à la mise à disposition d’une superficie de 400 000 hectares au profit de cette entreprise inconnue du public, et dont une recherche sur la toile épaissit davantage le mystère sur ses activités réelles.

Contestation populaire

La révélation de ce projet n’avait pas manqué de susciter de l’émoi au sein de l’opinion, notamment par rapport à la superficie en passe d’être cédée à la société Lyrebird Capital Company LTD. « Chères autorités administratives, municipales et traditionnelles de l’arrondissement de Nanga-Eboko, il n’est pas possible, quelles que soient les motivations qui sont les vôtres, de valider un projet qui tend à céder à une entreprise fictive ou à n’importe quelle d’ailleurs, 400 000 hectares de terre sur les 700 000 que compte l’arrondissement de Nanga-Eboko. Les populations restent très attentives aux conclusions de la réunion convoquée le 2 avril 2024. La paix sociale est l’une des caractéristiques des populations de cette unité administrative », avait prévenu sur Facebook l’universitaire Joël Meyolo, fils du coin.

Au final, la décision du gouvernement camerounais de faire un rétropédalage sur son projet d’attribution de plus de la moitié des terres de l’arrondissement de Nanga-Eboko à une entreprise désireuse de produire du manioc, permet surtout d’éviter la contestation populaire et une levée de boucliers des ONG en charge de la protection de l’environnement. En effet, par le passé, les pouvoirs publics ont fait l’expérience de la détermination des populations, aidées par les ONG internationales, à préserver leur patrimoine foncier face aux porteurs de grands projets agro-industriels. Ce fut le cas avec Neo Industry (cacao), dans la région du Sud, et Herakles Farms (palmier à huile), dans la région du Sud-Ouest.

Le premier avait vu sa concession provisoire (26 000 hectares) être annulée en 2021, au terme d’un bras de fer de 5 ans entre les populations et l’État. Face à la pression des ONG en charge de la protection de l’environnement et de défense des intérêts des populations riveraines des plantations industrielles, le 2e avait simplement jeté l’éponge, après le démarrage effectif de ses palmeraies dans la région du Sud-Ouest, fruit d’une concession de 20 000 hectares obtenue de l’État du Cameroun. Sur le projet de la société Lyrebird Capital Company LTD, la superficie en jeu était 20 fois plus importante.

 

Ref: Investir au Cameroun

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