Il y a 30 ans à Windhoek en Namibie, les hommes de médias dans une déclaration qui fait référence jusqu’à ce jour, militaient pour une presse libre et affranchie des influences internes et externes de la profession.
Hasard de calendrier, le Cameroun mettait sur pied en 1990, les lois sur la communication sociale. Entre précarité, responsabilité et justice des pairs, la presse camerounaise traverse des moments de morosité. La pandémie du coronavirus n’a pas épargné ce corps de métier. La presse écrite en a payé le plus lourd tribut. L’arrivée de nouveaux médias avec les progrès fulgurant du cybernétique, a impacté de fond en comble la presse imprimée. La presse audiovisuelle n’est pas en reste. Des persifleurs se sont jetés à corps perdu sur la bande FM. Censeurs et procureurs, justiciers et redresseurs de tort, ils ont transformé l’espace audiovisuel en une cour martiale. La flambée des titres et la prolifération des canaux de diffusion audiovisuelle, ne sont pas des indicateurs fiables pour jauger la liberté de la presse.
Les médias suscités par les politiques et parfois les lobbies économiques et tribaux, embrassent des causes occultes, au mépris des principes de l’éthique et de la déontologie. La faute à une profession trop perméable, une profession des médiocres. La presse camerounaise est une auberge espagnole ouverte à tous les flibustiers. Il n’existe pas de police d’accès à la profession. Tous les instruments de régulation et d’autorégulation : cartes de presse, justice des pairs, Conseil national de la communication, ont montré leurs limites. Dans un tel univers de bric et de broc, il ne fait plus bon d’être journaliste au Cameroun.
Le thème de la 30e édition de la journée mondiale de la liberté de la presse invite à la réflexion : ‘‘L’information comme bien public’’. La presse exerce une mission de service public. C’est un des baromètres de la démocratie. C’est un contre-pouvoir à l’instar des syndicats, des partis politiques et autres. Dans sa mission de formation et d’information des citoyens, le rôle de la presse est décuplé en période de crise. Qui a peur d’une presse libre et économiquement viable ? La situation actuelle de la presse camerounaise, bouscule toute logique. Malléable et corvéable à souhait, l’aide publique à la presse privée désormais baptisée appui institutionnel de l’Etat à la presse à capitaux privés, est une misère.
Une cagnotte qui a connu une cure d’amaigrissement. Elle oscille entre 120 millions et 250 millions de Fcfa au gré des humeurs des pouvoir publics. Cet appui devrait pourtant passer par l’Assemblée nationale en respectant des critères tels que : la périodicité, le tirage, l’audience et les charges sociales… La presse elle-même est adossée sur un modèle économique marqué par une gestion patrimoniale. L’absence d’une comptabilité courante a généré une race de directeurs de publication qui s’engraissent de la misère de leurs collaborateurs. Outre l’absence d’une distanciation avec les faiseurs d’événement, le marché publicitaire est géré de manière opaque. Il devrait pourtant constituer la principale source de revenus de la presse. A l’occasion des grands événements ou des situations de crise, la presse est sollicitée par les pouvoirs publics qui distribuent des enveloppes d’épaisseur variable. La presse peut alors laver blanc, encenser ou démolir selon des indications dictées depuis quelque antichambre du pouvoir.
Un réseau de patrons de presse a voulu saisir l’occasion de cette célébration pour porter au Premier ministre à travers une marche pacifique des revendications sur la situation des entreprises de presse. Après des conciliabules au ministère de la Communication, le mot d’ordre de ladite marche a été levé. Noyautée de l’intérieur par des barbouzes, livrée à l’autocensure du fait des harcèlements multiformes, la presse camerounaise est devenue un terrain de reconversion sociale et un terreau fertile des batailles politiques, idéologiques, économiques et ethniques. En cette 30e édition de la journée mondiale de la liberté de la presse, il est plus qu’urgent de procéder à un devoir d’introspection
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