Laurent Esso absent : Biya en quête d’un nouveau gouvernement ?

Toujours en séjour pour raisons de santé en Europe, le ministre de la Justice s’est désengagé de l’ensemble de ses dossiers, désormais gérés par son ministre délégué Jean de Dieu Momo. Cette situation pourrait accélérer le remaniement gouvernemental, plusieurs fois annoncé et maintes fois reporté.

Le 21 février dernier, la Cour suprême du Cameroun a tenu sa traditionnelle audience solennelle de rentrée. Sous la conduite de son premier président, le magistrat Daniel Mekobe Sone, la grande famille judiciaire du pays s’est pliée à ce rituel, qui s’est déroulé dans le respect des usages en vigueur. Seule ombre au tableau, l’absence du garde des Sceaux, Laurent Esso, qui n’est pas passée inaperçue. Voilà bientôt trois mois que le ministre de la Justice, hospitalisé en Europe, n’a plus fait d’apparition publique.

Devant les bureaux de son département ministériel, au quartier administratif de Yaoundé, la place de parking qui lui est réservée, marquée du signe « Minjustice », est désespérément vide. Les parapheurs, jadis signés par le numéro deux du gouvernement, sont désormais pour la plupart acheminés à son ministre délégué Jean de Dieu Momo, qui a obtenu une délégation de signature. Et, paradoxalement, l’absence du garde des Sceaux a débloqué certains dossiers qui dormaient dans les tiroirs, notamment en raison du bras de fer opposant ce dernier au secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.

Laurent Esso las de la guerre des clans

Parmi les sujets ayant pâti du conflit entre les deux poids lourds du gouvernement se trouve l’affectation des auditeurs de justice. Ainsi, pendant de longs mois, Laurent Esso a bataillé en coulisses – et en vain – pour obtenir la tenue du traditionnel Conseil supérieur de la magistrature (CSM), préalable à l’intégration et l’affectation desdits auditeurs. Le garde des Sceaux a ensuite peu gouté que Ferdinand Ngoh Ngoh lui transmette, fin novembre, l’instruction de mettre les diplômés à la disposition des parquets en vue de leur intégration et sans passer par la case du CSM.

Laurent Esso s’est alors gardé d’apposer sa signature sur les affectations, laissant la responsabilité à son directeur des affaires générales. Et les conséquences de ce passage en force ne se sont pas fait attendre. Sous cape, certains procureurs contestent la légalité de ces actes qui, au lieu d’être des arrêtés ministériels, leur sont parvenus sous la forme des notes de services. Ils dénoncent en outre de nombreuses irrégularités, telles que l’affectation dans les parquets de magistrats de comptes, normalement chargés du contrôle des finances publiques.

Depuis son lit d’hôpital, Laurent Esso a confié à des proches son désir de se retirer de la vie publique, après une carrière d’une exceptionnelle longévité. Ce magistrat de formation, dont la première affectation remonte à 1969, n’a cependant pas pris le risque de demander officiellement à Etoudi d’être déchargé de ses fonctions. Du haut de ses quarante années de haute administration, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République redoute-t-il que son geste soit interprété comme un affront ?

Ministre de la Justice entre 1996 et 2000, Laurent Esso connaît mieux que quiconque le sort qui avait été réservé à son ancien camarade de classe et ancien ministre de la Santé, Titus Edzoa. Après sa démission du gouvernement en avril 1997 – quelques mois avant la présidentielle –, Edzoa avait dû faire face à un impitoyable tourment judiciaire. Accusé de détournement de fonds publics, il avait été condamné à quinze ans de prison, pour n’être libéré qu’en 2014.

Les soucis de santé et l’éloignement de Laurent Esso coïncident avec l’ambition d’Etoudi de procéder à un remaniement ministériel. Selon nos informations, le président Paul Biya a, en effet, confié à ses proches collaborateurs la mission d’œuvrer à la constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale, avant l’élection présidentielle prévue en octobre 2025. L’objectif principal de ce mouvement est de pourvoir à la vacance de quatre membres du gouvernement, tous décédés en l’espace de deux ans. Une manœuvre qui pourrait s’accélérer avec l’absence de Laurent Esso, ministre d’État occupant un poste dit de souveraineté.

 

Ref: Jeune Afrique

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