Cameroun : Pourquoi ont-ils peur d’appliquer l’ «article 66 », 25 ans après la constitution du 18 janvier 1996

S;E Paul Biya

Constitution de 1996 : Haute cour de justice et « article 66 », les pièces manquantes du puzzle

Deux dispositions de la Constitution ne sont toujours pas d’application, 25 ans après l’adoption de la loi fondamentale, le 18 janvier 1996. Il s’agit premièrement de la Haute cour de justice. Instituée par l’article 53 de la Constitution, cette juridiction est « compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par le président de la République en cas de haute trahison ; le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoirs (…) en cas de complot contre la sûreté de l’Etat ».

En effet, la mise en place de cette institution est conditionnée par l’adoption au niveau du Parlement et la promulgation par le chef de l’Etat, d’une loi permettant de déterminer l’organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi que la procédure suivie devant cette Haute cour de justice. Mais, la proposition de loi y relative n’a jamais été déposée auprès des deux Chambres du Parlement.

Déclaration des biens

L’autre pièce manquante du puzzle constitutionnel est l’application de l’article 66 en rapport avec la déclaration des biens et avoirs par certains hauts commis de l’Etat au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction. Notamment le président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, les députés, les sénateurs, tout détenteur d’un mandat électif, les secrétaires généraux des ministères et assimilés, les directeurs des administrations centrales, les directeurs généraux des entreprises publiques et parapubliques, les magistrats, les personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédit et des biens publics.

La loi n° 2006/003 du 25 avril 2006 précise les autres corps assujettis à la déclaration des biens et avoirs. L’article 6 de ce texte crée une Commission de déclaration des biens et avoirs. Mais le décret d’application de cette loi, lequel doit préciser la composition de cette commission, son organisation ainsi que son fonctionnement n’a pas encore été signé.

Enjeux

L’application de l’article 66 vise à lutter contre l’enrichissement illicite, la corruption et les détournements des fonds publics qui gangrènent l’administration publique au Cameroun. Pour le président camerounais, la lutte contre ces fléaux constitue une priorité. « Ceux qui se sont enrichis aux dépens de la fortune publique doivent rendre gorge… les délinquants à col blanc n’ont qu’à bien se tenir », déclarait Paul Biya en 2006.

Selon le président de la Commission nationale anticorruption (Conac), une structure rattachée au Secrétariat général de la présidence de la République, cet article constitutionnel constitue la pierre angulaire de la lutte contre les crimes économiques des agents de l’Etat.

Après la ratification de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, intervenue en avril dernier, « le Cameroun doit s’atteler à compléter son arsenal institutionnel et juridique », expliquait Dieudonné Massi Gams, le président de la Conac.

Cette recommandation visait d’une part, la désignation des membres de la Commission de déclaration des biens et avoirs qui attend les textes d’application pour être opérationnelle, et d’autre part l’incrimination du blanchiment des produits de la corruption, l’enrichissement illicite, la confiscation et la saisie des produits et moyens de la corruption en attendant le jugement définitif…

Pour rappel, la constitution de 1996 prévoit la mise en place progressive des institutions. C’est ainsi que le Sénat a été mis en place en 2013, suivi du Conseil constitutionnel en activité depuis 2018 et les Conseils régionaux rendus fonctionnels à la faveur des élections du 6 décembre 2020. Et si ces avancées sont saluées par l’opinion publique, certains responsables politiques et de la société civile critiquent le rythme de leur mise en place qu’ils jugent « lent ».

Investir au Cameroun

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