Cameroun-Présidentielle 2018 : Garga Haman Adji a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier sur RFI

Garga Haman Adji

A 74 ans, le candidat de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD) reste l’un des rares ministres de Paul Biya à avoir choisi de démissionner. Détenteur du portefeuille de la Fonction publique et du contrôle supérieur de l’Etat en 1988, Garga Haman Adji s’était lancé dans une politique de rigueur et de moralisation, traquant les mauvaises pratiques dans l’économie. Son engagement dans la moralisation de la vie publique lui a valu d’être surnommé le « chasseur de baleines ». C’est la troisième fois que Garga Haman Adji brigue la magistrature suprême après 2004 et 2011.

Vous êtes un proche du président Paul Biya et pourtant, vous vous présentez contre lui. Pourquoi ?

Garga Haman Adji : Je ne sais pas quel sens vous donnez au mot proximité. Nous nous connaissons parfaitement. Nous sommes tous des hauts fonctionnaires. Nous nous côtoyons. Quand il était à la présidence, moi j’étais à la DST, c’est-à-dire les services secrets. Il s’est trouvé que nous avons des atomes crochus. Mais nous sommes tous deux sportifs, c’est-à-dire que nous prenons la démocratie telle qu’elle est, c‘est-à-dire que chacun montre son bon côté et on voit qui est le mieux expérimenté, le mieux équipé pour assurer une longue gestion, puis une gestion moderne surtout parce que, quand on est né en 1933, même si on dit qu’il a tweeté pour sa candidature, je crois que c’est quelqu’un d’à côté qui l’a fait parce que l’âge parfois fait perdre aux doigts leur dextérité. Nous n’avons aucun problème. Parfois, il plaisante avec moi. Quant aux dernières présidentielles, quand je m’étais permis d’arriver premier chez les électeurs camerounais inscrits en Egypte, il m’avait taquiné en disant : « L’homme qui m’a battu au Caire », en public. Puis il m’a fait confiance. Quand il y a eu la crise anglophone, tout en envoyant le Premier ministre et les membres du gouvernement [sur place], en même temps il a déclaré en public, dans le grand hall du palais de l‘Unité, à haute voix : « Garga, il faut aller dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest, faire tout pour connaître la racine du mal, et ramenez-moi les gens de Bamenda au Cameroun ». Donc voilà ce paradoxe de notre relation. Nous n’avons pas d’inimitié l’un contre l’autre. Puis la démocratie, pour moi, je la prends comme une sorte de jeu. Quand vous êtes dans deux équipes adverses comme PSG et Barcelone, demain vous pouvez vous retrouver dans l’une ou dans l’autre équipe. Je prends la politique et la démocratie dans ce sens-là.

Paul Biya a même fait venir au mois de mai dernier un avion médicalisé depuis Paris pour vous soigner. Est-ce que cela veut dire qu’en fait, vous êtes très proches, Paul Biya et vous, et que vous êtes peut-être un sous-marin du pouvoir pour mieux diviser l’opposition ?

J’ai entendu ça… Quand il m’a évacué, c’était un droit dans le chapitre 65 du budget du ministère des Finances, il y a les évacuations de santé qui ne sont pas faites que pour Garga. Et on ne pouvait pas ne pas m’évacuer puisque personne n’était compétent parmi nos médecins. Pour cela, il a fallu aller à [l’hôpital] la Salpêtrière [à Paris]. Puis quand je suis revenu le remercier, il m’a dit : « Monsieur Garga, vous êtes très important pour le pays. Vous n’avez pas à me remercier. Vous êtes très important pour le pays ».

Donc votre candidature a été suscitée par le pouvoir afin de mieux diviser l’opposition ?

Non. Les gens sont surpris que, malgré les relations visibles, les atomes crochus que j’ai avec Biya, ils sont surpris que je sois candidat. Pour moi, la démocratie n’a de sens que si chacun peut se permettre d’être candidat. Sinon, on aurait pu maintenir le parti unique jusqu’à aujourd’hui.

A vos yeux, est-ce que Paul Biya est un bon président ou un mauvais président ?

J’aurais souhaité qu’il se retire parce qu’il n’a pas à s’assigner comme mission de mourir au pouvoir. Est-ce que c’est une erreur de la part des militants ? En réalité, il est pris en otage. Et j’aurais souhaité qu’il abandonne, et il retrouvera sa dignité. Nous ses collaborateurs, nous ses amis, nous sommes capables de maintenir son honneur jusqu’à la fin de sa vie. Mais je ne veux pas qu’il termine sa vie en s’accrochant à une rampe d’avion quand il revient de l’étranger. Donc il a été digne, il doit rester digne. Et il doit retirer sa candidature pour qu’il mène à bien son repos, que je dirais bien mérité. Avec RFI

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