Crises en Afrique : Des Jésuites diagnostiquent et proposent des solutions

Dés jésuites de plusieurs pays africains dont le Cameroun ont échangé dans un franc-parler vendredi dernier à Douala sur les conflits et crises sanitaires, sécuritaires, politiques, économiques et sociales qui secouent actuellement l’Afrique.

Les pères jésuites Alain Michel Tang, Martin Birba, Antoine Berilengar, Yves Djofang, Joseph samedi et Etienne Mborong ont introduit et développé le vendredi 16 juillet 2021 des arguments pertinents qui aident à comprendre pourquoi le continent africain en général et le Cameroun en particulier font face depuis quelque temps à de multiples crises. C’est autour du thème : «L’Afrique et ses multiples crises les Jésuites parlent» que ces pères jésuites sont intervenus dans le cadre d’une conférence qui s’est déroulée à la salle du conseil paroissial de la Paroisse catholique Notre dame de l’annonciation à Bonamoussadi, à Douala.

Entre problème et opportunité

Selon le père Alain Tang : «le mot crise a subi à travers l’histoire une évolution sémantique considérable. Aujourd’hui avec Spencer la crise est perçue comme l’état de dysfonctionnement d’un système devenu incapable d’assumer ses fonctions. L’Afrique comme plusieurs autres continents est marquée aujourd’hui par de multiples crises qui affectent de façon négative tous les domaines de la vie de ses populations», a-t-il souligné d’entrée de jeu. Avant d’ajouter qu’«avec les phénomènes de la mondialisation, et de la globalisation, les méfaits des crises actuelles touchent les zones les plus reculées du monde et modifient la vie sociale politique économique sécuritaire sanitaire, écologique spirituelle pour en faire des lieux d’expression et des crises».

Le père Alain Michel Tang est clair : «Parce que les crises actuelles nous touchent et nous interpellent, elles nous invitent à réfléchir et à prendre des décisions à différents niveaux. La réflexion sur les crises nous oblige comme dit Hannah Arendt à revenir aux questions essentielles, pour mieux les comprendre avant même d’être en mesure d’y apporter une réponse. Parler des crises actuelles c’est donc pouvoir déceler à partir de certaines clés de lecture si celle-ci sont ou pas révélatrices d’une autre crise plus importante et plus dangereuse», fait-il savoir. En évoquant la possibilité de se demander «avec Moltman, Sobrino et Metz qui ont largement exposé sur la crise et la théologie de la croix, si les crises actuelles peuvent devenir un kairos, une chance une opportunité de transformation politique, religieuse, sociale, économique, et intérieure»

Lecture froide de la société

C’est dans cette optique qu‘il attiré l‘attention du public sur la chance d’avoir comme intervenants autour d’une même table des jésuites biblistes, anthropologues, moralistes, psychologues, économistes, sociologues, théologiens , philosophes, politistes et historiens. Modératrice de la rencontre, la sœur Paule Valery Mendogo a présenté chacun des intervenant avant de lui donner la parole pour sa contribution. Premier intervenant, le père Martin Birba qui est philosophe, a travaillé pendant de nombreuses années au Cameroun. Auteur et coauteur de plusieurs ouvrages et originaire du Burkina Faso, le père Marti Birba a été l’étudiant du Pr Marcien Towa qui a marqué par des générations d’étudiants par ses échanges houleux avec d’autres philosophes africains.

Le père Martin Birba a choisi de parler de sa formation de philosophe et du rôle de la philosophie dans la cité. Citant aussi bien Marcien Towa que Paulin J. Hountondji et Fabien Eboussi Boulaga sur les débats autour d’une philosophie africaine et sur la critique de l’ethnophilosophie, le père Martin Birba retient du philosophe «celui qui regarde de manière critique, avec un bon sens ce qu’il ya de bon et moins bon la société. Celui qui peut lire froidement la société tout en s‘impliquant. Le philosophe doit être assez regardant pour reconnaitre ce qui est positif et ce qui est négatif. Etre pétri de la matière et pouvoir s’extraire de la matière», a-t-il ajouté. En précisant que «le philosophe ne décoche pas seulement des critiques, il doit mettre son intelligence au service de la cité pour réaliser le bonheur des citoyens». Pour le père Birba, la religion doit aider le pouvoir à jouer son rôle.

Crise anglophone: les Jésuite prônent le dialogue

En ce qui concerne la Guerre dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, le Père Martin Birba souligne que «les autorités camerounaises doivent être regardant dans ce qui est vrai dans les revendications formulées par les séparatistes et ce qui ne l’est pas. Les Jésuites ont déjà pris une position sur la crise anglophone au Cameroun». Lors des questions et réponses sur ce sujet, le père Martin Birba a été formel: «Des confrères nous écrit à la conférence des provinciaux pour attirer notre attention pour qu’on parvienne à une solution. Ce problème nous tient à cœur. On ne peut que souhaiter le dialogue entre le gouvernement et les groupes séparatistes», dit-il.

En concluant qu’« il faudrait que le gouvernement écoute et voit ce qu’il qui peut être fait. Une réaction des Jésuites demande de prier pour qu’il y ait une solution à pacifique à cette crise». En ce qui concerne la situation sécuritaire au Burkina Faso, le Père Martin Birba estime que «face à la menace jihadiste, le philosophe doit attirer l’attention du gouvernement et des jihadistes sur le fait qu’on peut se faire comprendre sans recourir à la violence ».

 

 

La Nouvelle Expression

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