Des avocats qui se font tabasser par des forces de l’ordre dans un désordre indescriptible au sein d’une salle d’audience, sur fond de corruption. Voilà l’image qui circule dans les réseaux sociaux.
Quelle triste image que celle-là que ces délinquants renvoient à la cité et au monde. Urbi et orbi, pour emprunter au vocabulaire de l’Eglise catholique. Tous ceux qui ont contribué à renvoyer cette image négative de notre justice, au monde, sont bien des délinquants. Entendons-nous bien. Pour certains observateurs avertis, ils sont des délinquants parce qu’ils étaient en infraction et parce que le délinquant est saisi par le Code pénal comme auteur ou complice d’une infraction pénale. En bagarrant en pleine salle d’audience ou en s’opposant physiquement et par la force à une décision de justice, on est délinquant parce qu’on commet une infraction punissable par le Code pénal. Tout comme est délinquant celui qui bastonne l’autre délinquant. Alors question : le Palais de justice de Douala s’est-il transformé en foire des délinquants ou at-il été contaminé par le virus de la délinquance ? Pour répondre à cette question poignante, nos observateurs estiment qu’il est indéniable que tous les acteurs de cet évènement déplorable ont ignoré les principes cardinaux qui gouvernent leur conduite.
Pour eux en effet, l’avocat prête serment d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, probité et humanité et dans le respect des cours et tribunaux et des lois de la République. Il est tenu, selon les termes de la loi qui gouverne l’exercice de ses fonctions, « d’observer scrupuleusement les devoirs que lui imposent les règles, traditions et usages professionnels envers les magistrats, ses confrères, ses clients. La loyauté, la probité, la délicatesse, l’indépendance et l’honneur sont pour lui des devoirs impérieux. Il est astreint au secret professionnel ». Que s’est-il donc passé, alors que ces principes devraient guider la conduite de tout avocat, pour que certains d’entre eux offrent un spectacle si hideux et honteux, sur fond de corruption, aux yeux du monde ? Il se dit dans les coulisses de l’affaire qu’un bandit aurait remise de l’argent à 2 avocats aux fins de corrompre le juge en charge de leur affaire. N’ayant pas honoré le contrat et dénoncés, ils ont été placés sous mandat de dépôt et écroués à la prison de Bonabéri à Douala. Jugés en flagrant délit, apprend-on, ces avocats ont sollicité leur mise en liberté provisoire à l’audience des flagrants-délits du 10 novembre 2020. L’affaire ayant été mise en délibéré pour décision être rendue le 25 novembre 2020 sur cette demande, leurs confrères, venus en très grand nombre, ont bruyamment et violemment contesté cette décision du juge car, selon eux, leurs confrères présentaient toutes les garanties pour bénéficier immédiatement de la mesure sollicitée.
Poursuites Pénales
Face à la violence ainsi orchestrée, le tribunal s’est trouvé dans l’obligation de suspendre l’audience et de faire appel aux forces de l’ordre pour rétablir la sérénité. La résistance des avocats, qui n’entendaient pas voir leurs confrères rentrer en prison, a été l’élément déclencheur de la violence entre les protagonistes, tous acteurs de la justice. De ce qui précède, estiment nos analystes, on croirait que le Cameroun n’est pas encore sorti de la sauvagerie telle que ses enfants le scandaient autrefois, les yeux fermés et convaincus, qu’ils ont vécu dans la barbarie qu’ils sortent peu à peu de la sauvagerie. Chose poignante, le mauvais exemple du retour à la sauvagerie vient des avocats inscrits au Barreau du Cameroun. Car comment expliquer qu’au temple de l’application des règles, on observe un tel mépris des règles. Rien, mais alors rien ne peut justifier une telle indignité. Pour nos mêmes analystes, ce n’est pas aux avocats qu’on doit rappeler que point n’est besoin d’échanger des coups de poings ou d’invectives pour obtenir justice. Rien ne justifie non plus qu’ils aient à adopter des comportements de voyous pour s’opposer à une décision du tribunal. Maitres de la pratique et des procédures, ils devraient savoir laquelle engager lorsqu’il estime ses droits ou ceux de son client violés.
Ce qui est davantage curieux soutiennent encore nos mêmes analystes eux, avocats qui se plaignent des violences de toutes sortes, ce sont curieusement eux qui tentent de résister par la force à une décision du tribunal. Eux qui réclament l’indépendance de la justice, ce sont eux qui veulent contraindre le tribunal à se plier par la force à leur volonté. L’on est ainsi en droit de se poser la question si le tribunal n’était-il pas souverain de prendre la décision de mettre en délibéré une affaire soumise à son jugement ? Une question appelant une autre : n’est-ce pas une contradiction que de vouloir en même temps l’indépendance du tribunal et d’exercer soi-même une pression sur ce tribunal ? Dans les milieux de la justice il se dit que la génération avocats qui ont tendance à faire le lobbying ces derniers temps, violent les dispositions de l’article 29 de leur loi qui leur impose d’agir dans la dignité et la probité, s’exposant du coup aux sanctions prévues par leur ordre. question : s’exposent-ils aux poursuites pénales ?
Nouveau Système De Défense
Pour les érudits du droit, seul le procureur de la République, juge de l’opportunité des poursuites et à qui appartient l’action publique, est capable de répondre à cette question. Le Code pénal énonce toutefois en son article premier que la loi pénale s’impose à tous. En français facile cet énoncé traduit que ni le juge, ni l’avocat, ni les officiers de police judiciaire ne sont au-dessus des lois. Lorsqu’un magistrat prend une décision, estiment ces experts, le recours ne saurait être une résistance physique. La bagarre est une affaire de voyous. Pour les avocats en question, ce n’est pas par la force physique qu’on s’oppose aux décisions du juge. On exerce les voies de recours prévues par la loi. Et si le magistrat a commis une faute, un crime ou un délit, il revient dès lors aux avocats de se référer aux codes afin d’engager des poursuites devant les instances compétentes. S’opposer physiquement à une décision du juge ou du tribunal relève de la délinquance. Ce qui s’est passé dans la salle d’audience à Douala est un signe prémonitoire. Le virus de la violation de la loi qui a envahi le champ politique est en train d’infecter l’espace judiciaire. Pour l’honneur de ce corps, estime quelques doctrinaires, le Conseil de l’ordre doit réagir et rappeler à tous ses membres les principes cardinaux de leur ordre. On a en effet observé, ébahis, des avocats investir des domiciles privés de certains citoyens qui s’illustrent dans la délinquance politique, pour leur manifester on ne sait quel genre de soutien.
Le lobbying semble être le nouveau mode de fonctionnement de certains avocats du Cameroun. Un nouveau système de défense. Une publicité malsaine. Ce nouveau système de défense ou de s’attirer la clientèle va conduire à la perte de ceux qui sont tentés de l’adopter, en application de l’article 1-1 du Code pénal : « Aucune exemption : la loi pénale s’applique à tous ». Sans préjudice des sanctions spécifiques à leur ordre si le parquet juge de l’opportunité des poursuites, les prend en pitié. Il y a ainsi lieu de se demander que cherche le costume destiné à être porté dans une salle d’audience, sur le corps de son propriétaire d’avocat, dans le domicile d’un délinquant politique ? qu’entendent-ils par « Collectif des avocats Maitre Souop »? A quel régime obéit ce collectif ? A la loi sur les associations ou à la loi sur la profession d’avocats. Des collaborateurs ? Des associés ? Une défiance aux règles ? De toutes les façons, nos doctrinaires se demandent encore si les devoirs que leur imposent les règles, traditions et usages professionnels envers les magistrats, leurs confrères, leurs clients, la loyauté, la probité, la délicatesse, l’indépendance et l’honneur leur ont foutu le camp ? Le public ébahi attend des réponses. Wait and see !
Source: LA NOUVELLE N° 568 du lundi 16 novembre 2020